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Dans les 24 pays de l’Europe communautaire, ce 14 novembre des débrayages ont eu lieu, et en Espagne, au Portugal, à Malte et en Grèce les syndicats se sont tournés vers la grève générale. Un malaise accompagné d’indignation et, pourquoi, ne pas le dire, de frustration, s’empare des travailleurs. Depuis deux décennies, en Europe, de façon lente mais continuelle, disparaissent des droits considérés comme universels et de qualité. Assimilés à une réussite de la démocratie représentative et d’une société plus juste et égalitaire, certains pourraient avoir prédit sa mort politique. Nous parlons de l’éducation publique, de la santé pour tous, de logement social, de salaires dignes ou d’un travail stable. Aujourd’hui ces droits s’éteignent au milieu du galimatias des classes dominantes. Le président de la Confédération des Organisations Patronales de l’Espagne, Joan Rosell, se moque des manifestations et de leurs organisateurs. « Ils n’ont pas de propositions et d’un point de vue interne, et encore plus, externe, la grève suppose une torpille contre la reprise ». Le dit argument accompagne sa phrase préférée : « c’est fini le café pour tous », faisant allusion à la nécessité d’en finir définitivement avec l’État de bien-être. Rosell, accuse la classe laborieuse de vivre du chômage et de profiter de la bonne volonté d’entrepreneurs honnêtes qui travaillent 14 ou 16 heures par jour, tandis que l’ouvrier fait seulement huit heures et protégé par une législation paternaliste. Ce que Rosell ne dit pas est que la CEOE a reçu 20 milliards des subventions de l’Instituto de Credito Oficial en 2012, et la banque, 50 milliards. Rosell ne s’étouffe pas d’indigestion. Selon sa théorie, les travailleurs sont responsables, en grand partie, de la crise. Ils ont vécu au-dessus de leurs moyens. Aujourd’hui ils doivent payer la facture.
La politique d’austérité dessinée par le capital financier et les bourgeoisies transnationales n’a pas de limite, engloutissant et se débarrassant de ce qui est considéré superflu. Parmi ce dont on peut se passer se trouvent les jeunes, les personnes âgées, les travailleurs, les paysans, les familles et les émigrants. Mais aussi les institutions. Les universités, les complexes sportifs municipaux, les centres de premiers soins, es bureaux d’emploi public. Les deux, les gens et les institutions, sont des obstacles sur leur chemin pour obtenir le contrôle de la société. Il faut laisser l’accès libre aux compagnies de sécurité privées, de travail temporaire. L’éducation se transforme en business. Tout se mesure en fonction du bénéfice économique. Il n’y a pas de considérations sociales, seulement monétaires.
Dans ce contexte, des millions de citoyens, pour la première fois dans l’histoire contemporaine de l’Europe occidentale, décident de descendre dans la rue et d’élever ensemble la voix contre les politiques d’austérité et de coupes dessinées par l’Allemagne, la banque Centrale Européenne, le Fonds monétaire international et les pays du G-8. Politiques dont le résultat est une augmentation de la pauvreté, résurgence de la faim, de la malnutrition et des maladies de santé publique, des poux, des lentes et, comme bouquet final, la rougeole.
En Espagne, le désarroi que suppose de perdre son emploi et l’impossibilité de continuer de payer un loyer et un prêt hypothécaire se traduit par des milliers d’ordres saisis et d’expulsion. Des familles entières sont restées dans la rue, sans toit, sans moyens pour survivre ni couverture sanitaire. L’action prédatrice des banques, en complicité avec les grands partis politiques et les gouvernements, leur permet de continuer de jouer avec une totale impunité. Mais les sociétés financières ne sont pas satisfaites : elles exigent de plus en plus. Maintenant elles demandent la tête des garants, qui sont dépossédés de leurs biens. C’est l’autre partie de l’histoire. Les parents qui ont mis leur signature pour appuyer l’hypothèque de leurs enfants se trouvent soumis au même processus. Saisis et expulsés de leurs maisons ils deviennent des victimes propices de contrats usuriers et pervers. Pour le prix d’un, les banques obtiennent deux logements. Maintenant nous nous trouvons avec les personnes qui ont travaillé toute leur vie, en faisant des économies, qui ont payé leurs dettes, qui sont propriétaire de leur appartement, sans droits, âgés de 50 ans et plus, étant dépouillées de leur logement.
La grève générale est un cri à l’espoir. Tout n’est pas perdu. Cependant, les entrepreneurs et le patronat font tout leur possible pour empêcher que les travailleurs exercent le droit de grève. Les réformes du travail poussées par le parti socialiste espagnol, d’abord, et maintenant par le Parti Populaire, permettent le licenciement libre. La peur de centaines de personnes qui partagent les motifs et désirent partager la journée de grève les fait s’abstenir et se présenter à leur travail. Ils sont conscients, ils jouent leur emploi et dans des temps de crise, il n’est pas conseillé de le faire. Les entrepreneurs se frottent les mains. Si vous faites grève, tirez-en conséquences. Avec 5 millions de chômeurs je n’ai pas de problèmes. Le licenciement n’est pas cher et un contrat bidon est toujours une bonne option de rechange.
Cependant, il y a ceux qui décident d’affronter la peur, sûrs de la dignité qu’il les saisit. Ils se présentent au travail mais ils laissent la trace publiquement de la pression à laquelle ils sont soumis par leurs chefs. Dans cette dynamique, après la journée de travail ils rejoignent dans les manifestations convoquées dans chaque ville et bourgade d’Espagne des centaines de jeunes, d’étudiants, de médecins, d’infirmières, de travailleurs, d’agriculteurs, de mineurs, de pêcheurs, de fonctionnaires, de paysans, de journaliers. Leur présence fait taire. C’est possible que les entrepreneurs boycottent la grève et le gouvernement dise que le fit appel a été un échec. Mais la devise « Ils nous laissent sans avenir » se trouve être suffisamment explicite pour aller au rendez-vous. Le triomphe de la grève générale est un fait. Des centaines de milliers de voix se fondent en un seul cri : « Non aux politiques d’austérité ». La dignité ne s’est pas égarée en chemin. Pendant ce temps, les hommes politiques corrompus, sur le dos des citoyens, approuvent leur plan de coupes, dans un Parlement discrédité et sans vocation démocratique.
La Jornada. Le Mexique, le 15 novembre 2012.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
* Marcos Robert Roitman Rosenmann est un universitaire, sociologue, analyste politique et essayiste Chilien-espagnol né à Santiago du Chili, en 1955. Depuis 1974, il réside en Espagne. Docteur en Sciences Politiques et Sociologie de l’Université Complutense de Madrid. Il est professeur en Structure Sociale d’Amérique Latine, de la Structure Sociale Contemporaine et de la Structure Sociale de Espagne dans la Faculté Sciences Politiques et Sociologie de l’Université Complutense de Madrid.
El Correo. Paris, le 15 novembre 2012.
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