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10 septembre 2004

Les facéties d’Alexandre Adler : Hugo Chavez, « gorille populiste » et « antisémite »

 

Par Henri Maler
ACRIMED, 9 septembre 2004

L’omniprésence d’Alexandre Adler, éditorialiste multicarte et expert en tout, interdit, sauf à s’y consacrer à plein temps, de pouvoir bénéficier de toutes ses facéties, des plus grotesques au plus vulgaires [1].

Parfois, on relève ... et on oublie. Pourtant, les délicieux commentaires que ledit Adler a fait paraître dans Le Figaro du 18 août 2004 sous le titre « Chavez, mi-Peron et mi-Guevara » sont inoubliables.

Cela commence merveilleusement bien : « La victoire du semi-Caudillo vénézuélien Hugo Chavez est un tournant de l’histoire politique de l’Amérique latine. Même amplifiée par des fraudes et des bourrages d’urnes, elle est néanmoins incontestable. »[souligné par nous] Adler le sait : la victoire est « incontestable », mais elle a été « amplifiée par des fraudes et des bourrages d’urnes » ... même si cette victoire a été enregistrée par un vote électronique et non par un décompte des bulletins de vote déposés dans des urnes. Mais l’ignorance d’Alexandre n’est pas frauduleuse...

Poursuivons : « Mais, comme la langue d’Esope, cette victoire du populisme créole est à la fois la pire et la meilleure des choses. ». » [souligné par nous]

Ainsi, la « victoire du semi-Caudillo » est une « victoire du populisme créole ». La prose d’Adler, à la différence de la langue d’Esope, est à la fois la pire et ...la pire des choses. Commençons par le pire...

Hugo Chavez ? Un produit de synthèse...

« Commençons par le pire : l’Argentine [...] a engendré, du temps de sa fragile prospérité, deux aberrations idéologiques durables : le péronisme et le guévarisme. Opposées en apparence, puisque Peron était un fasciste sympathisant actif de Mussolini et d’Hitler tandis que Guevara était, en tant qu’élève du grand avocat de gauche Silvio Frondizi, un semi-trotskiste à la recherche d’une révolution latino-américaine originale, les deux idéologies se sont pourtant rencontrées sur l’essentiel. Toutes deux se fondent sur l’exécration du modèle de liberté nord-américain. »

Opposées en apparence, convergentes en réalité : de son passé stalinien, Alexandre n’a gardé que les meilleures postures du savoir absolu et les pires leçons de la dialectique. A moins que la dialectique en question ne soit, plus trivialement, celle qui permet d’écrire des dissertations sur n’importe quoi.

 Thèse : Peron.
 Antithèse : Guevara.
 Synthèse : Chavez.

Après une grande leçon sur le péronisme [2], Alexandre poursuit : « Le jeune Che Guevara, issu d’une famille d’intellectuels de gauche, ne partage pas l’idéologie péroniste mais en conservera toutes les illusions
 : anti-américanisme fanatique dans lequel il poussera un Fidel Castro, lui aussi élevé dans ce culte barbare par un père espagnol et franquiste, vaincu de la guerre de 1898, populisme foncier [...] mais surtout mépris de fer pour les difficultés de la production. ». On souligne... et on continue.

Après une grande leçon sur le guévarisme [3], qu’il vaut épargner à nos lecteurs, Alexandre-le-dialecticien en vient à la « synthèse » des opposés : « Chavez est le résultat d’une synthèse particulièrement perverse de ces deux mouvements pulsionnels nés de la grande détresse argentine [...] »

Péroniste ? « [...] il est péroniste car, comme son maître, c’est un militaire autoritaire et putschiste [...] Tout comme Peron encore, Chavez, après une tentative infructueuse de coup d’Etat pur, s’impose à un système démocratique sclérotique et exsangue [...] [4].

Guévariste ? « C’est ici que l’on retrouve le guévarisme de Chavez : si Peron avait pris l’Argentine en 1943, avec toutes les facilités que cela lui permit initialement et le ralliement enthousiaste d’une partie des classes moyennes, Chavez, lui, est plébiscité au bas de la pente en 1995 alors que la dépression de la rente pétrolière a profondément érodé la société vénézuélienne. »

Faute d’avoir trouvé le « guévarisme » dans la phrase qui précède, on s’attend à le découvrir dans celles qui suivent. Peine perdue : ce n’est qu’un bavardage sur la gauche du pays qui s’achève par ce diagnostic : « Chavez [...] tient un discours essentiellement de gauche ». Quelle surprise !

Ce n’est pas la dernière.

Hugo Chavez ? Un criminel de gauche

Mais reprenons. « Chavez [...] tient un discours essentiellement de gauche »Voilà au moins qui mérite explication. La voici :

« Chavez [...] tient un discours essentiellement de gauche : réforme agraire qui ici touche en les spoliant non les propriétaires absentéistes d’autrefois mais une agriculture productiviste de paysans moyens ; redistribution sans progrès de la productivité de ce qui reste de la rente pétrolière sous forme de cadeaux sans lendemain, tandis que s’effritent tous les jours les infrastructures du pays ; contingentement et réglementation des exportations industrielles et agricoles déjà faibles, en partie pour ruiner délibérément le monde des entrepreneurs foncièrement hostiles au chef. [...] » .

Ici, tout est aussi faux que dans la pire des propagandes de l’opposition vénézuelienne, mais Adler n’a pas besoin de savoir pour savoir... Il est donc inutile de lui répondre.

« Voilà pour les mauvaises choses : la victoire nette de Chavez est la confirmation de la force du populisme qui balaie aujourd’hui toute l’Amérique du Sud. Même la Colombie de droite et le Chili de centre gauche, qui sont encore épargnés par le cyclone, ne manqueront pas d’en être affectés. Chavez, vainqueur aujourd’hui, c’est pour reprendre Barbey d’Aurevilly : « Le bonheur dans le crime. ».

Ce court traité de populisme et de criminologie confondus n’est pas fini.
Au détour de cette fresque, on découvre, entre autres choses étranges, celle-ci : opposées en apparence, AD et Copei sont identiques en réalité.
Mais pour une raison désespérante : ils sont tous ... populistes ! : « [...] les radicaux argentins ont ici pour équivalents l’Action démocratique, un parti de type social-démocrate européen qui fut grand sous son fondateur Romulo Betancourt, et les conservateurs une formation démocrate-chrétienne, le Copei, dont les dirigeants finirent dans les années 80 par adopter le même programme populiste inepte que leurs adversaires du centre gauche . » [souligné par nous]

Tout est populiste au Venezuela. Voici comment on peut arriver à cette conclusion :
Thèse : Tout. Antithèse : N’importe quoi. Synthèse : Adler.

Et Adler de nous compter la fabuleuse histoire que voici :

« Mais il y a aussi un bon côté dans cette affaire : c’est le triomphe de la diplomatie brésilienne qui, patiemment, est à la recherche d’une voie non antagoniste d’indépendance des Etats-Unis. » Plus exactement, c’est le triomphe d’un compromis entre le régime brésilien qui ne peut pas « se permettre de voir le Venezuela rebasculer dans le camp américain » et des Etats-Unis qui « ne souhaitent pas à présent une défaite trop large de Chavez », pour des motifs pétroliers. De là cette conséquence : « Les Américains n’avaient plus qu’une exigence : que Chavez organise le référendum de révocation qui a constitué une sorte de présidentielle anticipée. Les Brésiliens ont obtenu en échange le lâchage par Washington de l’opposition vénézuélienne et l’absence totale de pression sur Caracas.
 ».

Vous avez bien lu : « L’absence totale de pression de Washington sur Caracas » ! Parole d’expert !

Hugo Chavez ? Un gorille antisémite

Au milieu de cette histoire légendaire, la figure obligée de l’opposition entre Lula et Chavez permet à Adler de justifier sa réputation. Même en retirant quelques boursouflures (c’est-à-dire, dans la pensée adlérienne, l’essentiel), il reste ceci : « [...] tout oppose en effet le régime de Lula et celui de Chavez. Chez les dirigeants brésiliens du Parti des travailleurs, on ne trouve aucun excès économique [...] aucun populisme irresponsable, aucune démagogie en matière de réforme agraire, aucune apologie du protectionnisme industriel et, bien que cela soit un élément secondaire, pas trace de l’antisémitisme populiste que Chavez a contracté au contact de ses interlocuteurs les plus extrémistes dans l’Opep. » [souligné par nous]

Là on ne commente plus, on s’extasie !

Le semi-caudillo créole, synthèse du fascisme de Péron et du semi-trotskysme de Guévara, est un populiste antisémite. Et ce n’est pas fini, comme le précise, en incise, ce sobre constat d’un expert : « le désir évident à l’entendre qu’éprouve Chavez, le gorille bolivarien ainsi remis en selle, de confisquer le pouvoir » est d’instaurer au Venezuela « une dictature rouge-brune , étroitement alliée à Cuba ». [souligné par nous]

A quoi bon s’indigner ? Indiscutablement, Adler, lui, est un humanoïde...

... D’autant plus distingué que c’est un humanoïde soulagé, puisque, dit-il, la perspective d’une dictature rouge-brune s’éloigne. « Mais attention, tout repose ici sur le rôle civilisateur du Brésil qui hérite curieusement, à l’échelle de toute l’Amérique du Sud, du rôle dont Fernand Braudel rêvait pour le Portugal à l’échelle de la péninsule Ibérique sous Philippe II : inculquer à des peuples hispaniques plus intolérants et plus violents la douce mélancolie lusitanienne de ceux qui n’ont jamais été réticents à mêler leur sang et à cultiver un laïcisme improbable mais hédoniste. ».

Après cet éloge de l’hédonisme portugais - dont les douceurs, à l’époque de la conquête de l’Amérique, sont réputées -, on ferme le ban !


Visitez la page consacrée aux facéties d’Alexandre Adler sur le site d’ACtion-CRItique-MEDias (Acrimed) : http://www.acrimed.org/mot283.html.


Chavez, mi-Peron et mi-Guevara

Alexandre Adler [18 août 2004]

La victoire du semi-Caudillo vénézuélien Hugo Chavez est un tournant de l’histoire politique de l’Amérique latine. Même amplifiée par des fraudes et des bourrages d’urnes, elle est néanmoins incontestable. Mais, comme la langue d’Esope, cette victoire du populisme créole est à la fois la pire et la meilleure des choses.

Commençons par le pire : l’Argentine - qui, dans ce domaine comme dans bien d’autres, a servi de laboratoire à tout le continent austral - a engendré, du temps de sa fragile prospérité, deux aberrations idéologiques durables : le péronisme et le guévarisme. Opposées en apparence, puisque Peron était un fasciste sympathisant actif de Mussolini et d’Hitler tandis que Guevara était, en tant qu’élève du grand avocat de gauche Silvio Frondizi, un semi-trotskiste à la recherche d’une révolution latino-américaine originale, les deux idéologies se sont pourtant rencontrées sur l’essentiel. Toutes deux se fondent sur l’exécration du modèle de liberté nord-américain. C’est d’ailleurs la diplomatie argentine qui aura constamment, de 1930 à 1980, opposé un veto immarcescible à toutes les propositions venues de Washington de bâtir une communauté des deux Amériques au départ contre Hitler, à l’arrivée pour étendre le libéralisme économique.

Ce syndrome argentin était à la fois l’expression d’« un embarras de richesses » et d’une émergence encore trop brutale de pouvoir populaire. L’Argentine du début des années 40 est en effet un pays au fait de la puissance économique apparente, car la guerre a valorisé considérablement les exportations de produits alimentaires qui proviennent d’une sorte de ferme collective, la pampa, probablement la plus performante de la planète, tandis que la même guerre, rendant plus difficiles les arrivées de produits industriels d’Europe et d’Amérique, a également permis une substitution d’importations qui a permis une croissance vertigineuse de l’industrie nationale. Dans ces conditions, la tentation sera forte de redistribuer à l’aveuglette les bénéfices de cette conjoncture exceptionnelle en faveur notamment des plus démunis, ceux qu’Evita Peron appellera avec bonheur les « sans chemise », les « descamisados ».

Mais le péronisme est aussi l’expression d’une montée, sans cristallisation démocratique, d’une force populaire autochtone. Dans un pays où les oligarchies terriennes, qui se proclament comme partout en Amérique latine libérales ou conservatrices, dominaient sans partage le processus politique, l’irruption de Peron lui vaut le ralliement d’un peuple avide de justice sociale, et plus encore de prise de parole, mais dépourvu d’éducation politique véritable et d’organisations politiques solides : entre 1943 et 1945 le Parti socialiste explose, l’essentiel de sa base syndicale se ralliant au fascisme social de Peron, tandis que communistes et radicaux sont durablement marginalisés. Le jeune Che Guevara, issu d’une famille d’intellectuels de gauche, ne partage pas l’idéologie péroniste mais en conservera toutes les illusions : anti-américanisme fanatique dans lequel il poussera un Fidel Castro, lui aussi élevé dans ce culte barbare par un père espagnol et franquiste, vaincu de la guerre de 1898, populisme foncier faisant peu de cas du marxisme véritable des petits partis communistes jugés trop réformistes, mais surtout mépris de fer pour les difficultés de la production.

Même dans l’effervescence de la révolution cubaine, ces idées plus que courtes finiront par entraîner le limogeage du beau barbu argentin par Fidel Castro lui-même et pousseront le malheureux vers les forêts profondes, d’abord au Congo et pour finir en Bolivie, où il trouvera la mort de manière plus lamentable qu’héroïque au moment même où - 1967 - le beau Peron, bien requinqué par son exil chez Franco, commençait à tisser le réseau serré de ses indécrottables partisans qui allaient lui permettre trois ans plus tard un retour triomphal à Buenos Aires.

Chavez est le résultat d’une synthèse particulièrement perverse de ces deux mouvements pulsionnels nés de la grande détresse argentine : il est péroniste car, comme son maître, c’est un militaire autoritaire et putschiste ainsi que le sont souvent en Amérique du Sud ces officiers qui n’ont jamais fait la guerre qu’à leur propre peuple (seul le Brésil et le Mexique auront participé à la Seconde Guerre mondiale au côté de l’allié américain). Tout comme Peron encore, Chavez, après une tentative infructueuse de coup d’Etat pur, s’impose à un système démocratique sclérotique et exsangue, où les radicaux argentins ont ici pour équivalents l’Action démocratique, un parti de type social-démocrate européen qui fut grand sous son fondateur Romulo Betancourt, et les conservateurs une formation démocrate-chrétienne, le Copei, dont les dirigeants finirent dans les années 80 par adopter le même programme populiste inepte que leurs adversaires du centre gauche.

C’est ici que l’on retrouve le guévarisme de Chavez : si Peron avait pris l’Argentine en 1943, avec toutes les facilités que cela lui permit initialement et le ralliement enthousiaste d’une partie des classes moyennes, Chavez, lui, est plébiscité au bas de la pente en 1995 alors que la dépression de la rente pétrolière a profondément érodé la société vénézuélienne. La gauche du pays quant à elle est profondément divisée et le demeure à ce jour, tout comme l’était le Parti socialiste argentin de 1945. Le communisme vénézuélien a éclaté dès la fin des années 60 entre partisans de la lutte armée, immobilistes prosoviétiques et partisans de la démocratie qui, condamnant l’intervention soviétique à Prague, constituent, à l’apogée de la démocratie et de la prospérité vénézuéliennes, le MAS (Mouvement pour le socialisme, mais aussi adverbe espagnol qui signifie « davantage »).

On ne sera pas surpris de constater qu’une moitié des fondateurs du MAS, les plus démocrates, sont à la tête du mouvement anti-Chavez tandis que l’autre moitié, la plus démagogique, a embrassé le chavisme avec enthousiasme. Chavez, en effet, tient un discours essentiellement de gauche : réforme agraire qui ici touche en les spoliant non les propriétaires absentéistes d’autrefois mais une agriculture productiviste de paysans moyens ; redistribution sans progrès de la productivité de ce qui reste de la rente pétrolière sous forme de cadeaux sans lendemain, tandis que s’effritent tous les jours les infrastructures du pays ; contingentement et réglementation des exportations industrielles et agricoles déjà faibles, en partie pour ruiner délibérément le monde des entrepreneurs foncièrement hostiles au chef. Qu’importe, le pétrole paiera, comme les cigares et le sucre devaient payer quand Guevara était le tsar de l’économie cubaine.

Voilà pour les mauvaises choses : la victoire nette de Chavez est la confirmation de la force du populisme qui balaie aujourd’hui toute l’Amérique du Sud. Même la Colombie de droite et le Chili de centre gauche, qui sont encore épargnés par le cyclone, ne manqueront pas d’en être affectés. Chavez, vainqueur aujourd’hui, c’est pour reprendre Barbey d’Aurevilly : « Le bonheur dans le crime. »

Mais il y a aussi un bon côté dans cette affaire : c’est le triomphe de la diplomatie brésilienne qui, patiemment, est à la recherche d’une voie non antagoniste d’indépendance des Etats-Unis ; tout oppose en effet le régime de Lula et celui de Chavez. Chez les dirigeants brésiliens du Parti des travailleurs, on ne trouve aucun excès économique, peut-être même parfois trop d’orthodoxie financière, aucun populisme irresponsable, aucune démagogie en matière de réforme agraire, aucune apologie du protectionnisme industriel et, bien que cela soit un élément secondaire, pas trace de l’antisémitisme populiste que Chavez a contracté au contact de ses interlocuteurs les plus extrémistes dans l’Opep.

Et pourtant le régime brésilien ne peut pas non plus se permettre de voir le Venezuela rebasculer dans le camp américain, soit sous l’impact d’une guerre civile froide débouchant sur une victoire électorale de l’opposition, soit a fortiori sous le choc d’un coup d’Etat militaire sur le modèle de celui qui a échoué de justesse il y a deux ans. Cela tombe bien, les Etats-Unis aussi ne souhaitent pas à présent une défaite trop large de Chavez. Dans l’état de tension où se trouve le marché pétrolier, mieux vaut pour Washington disposer d’un approvisionnement pétrolier régulier du Venezuela que d’un pays en guerre civile qui contribuera ipso facto à la tension à la hausse du pétrole induite durablement par la situation au Moyen-Orient. C’est la raison pour laquelle l’Administration Bush et l’ambassadeur Shapiro à Caracas ont accompagné, sans mauvaise volonté excessive, le compromis élaboré par les Brésiliens avec lesquels ils siègent dans un comité baptisé, pour la bonne cause, Les Amis du Venezuela. Les Américains n’avaient plus qu’une exigence : que Chavez organise le référendum de révocation qui a constitué une sorte de présidentielle anticipée. Les Brésiliens ont obtenu en échange le lâchage par Washington de l’opposition vénézuélienne et l’absence totale de pression sur Caracas.

Leur victoire est certes celle du populisme, mais aussi d’un processus électoral à peu près limpide. Malgré le désir évident à l’entendre qu’éprouve Chavez, le gorille bolivarien ainsi remis en selle, de confisquer le pouvoir, la perspective de voir une dictature rouge-brune, étroitement alliée à Cuba, s’instaurer au Venezuela s’éloigne ; de même que s’éloigne le soutien vénézuélien aux guérillas communistes colombiennes, dont le président Uribe a obtenu le repli stratégique durant son mandat. Dans ces conditions s’esquisse une nouvelle architecture du continent austral : un populisme de gauche pas toujours très tempéré et foncièrement hostile aux Etats-Unis, mais aussi un respect encore précaire mais probablement définitif des procédures démocratiques. Un tel équilibre, fragile encore, vaut bien une messe trotskiste à Brasilia. Mais attention, tout repose ici sur le rôle civilisateur du Brésil qui hérite curieusement, à l’échelle de toute l’Amérique du Sud, du rôle dont Fernand Braudel rêvait pour le Portugal à l’échelle de la péninsule Ibérique sous Philippe II : inculquer à des peuples hispaniques plus intolérants et plus violents la douce mélancolie lusitanienne de ceux qui n’ont jamais été réticents à mêler leur sang et à cultiver un laïcisme improbable mais hédoniste.

Notes :

Notes

[1Alexandre Adler est un éditorialiste influent et cumulard - Le Figaro, France Culture, proche-orient.info, etc.- qui « fait autorité » dans le champ médiatique français : c’est une raison suffisante de s’intéresser à lui. A garder en mémoire : « Depuis le 11 septembre, je suis en guerre.

(...) Dans ce nouveau combat pour moi, et qui n’était plus seulement intellectuel, je dus quitter Courrier International et Le Monde, le second avec regret, le premier avec un regret mêlé de soulagement. (...) Je ne pouvais guère, en ces temps de radicalisation, me retrouver coude à coude avec ceux qui combattent la mondialisation, la démocratie américaine et Israël » (Alexandre Adler, Au fil des jours cruels, Grasset, Paris, 2003, pp. 17-18).

[2On déplore toujours d’avoir à priver le lecteur des détours de la pensée adlérienne et d’avoir à prendre des raccourcis... Mais lire Adler n’est pas une promenade de santé : il ne faut donc pas en abuser.

[3Voir note précédente.

[4Voir note précédente.

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