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8 mai 2007

Le non à la Banque Mondiale :
La Bolivie abandonne le CIADI.

 

Le jouet enragé.
Mai, 2007. N° 9

Dernières nouvelles du front...

Evo Morales vient de frapper un nouveau coup en annonçant la sortie de son pays du CIAIDI, organisme de la Banque Mondiale chargé de régler les différends entre les états et investisseurs étrangers, et toujours favorable à ces derniers. Le Venezuela et le Nicaragua ont suivi la proposition bolivienne faite au sommet de l’ALBA-TCP

Le gouvernement bolivien remet en question la politique d’attraction des investissements qui a régi le pays pendant les deux dernières décennies de libéralisme économique. Le 29 avril, la Bolivie a annoncé son retrait du Conseil International d’Arbitrage des Investissements (CIADI). Le 8 mai dernier, Pablo Solón, ambassadeur aux affaires de Commerce et d’Intégration, a annoncé que le pas suivant serait de réviser et renégocier chacun des 24 traités bilatéraux de protection des investissements signés par la Bolivie.

En 1965, plusieurs États ont souscrit à la Convention pour le Règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats, créée par le CIADI, une instance non bolivienne qui exerce sa juridiction pour la résolution des controverses relatives à l’investissement. La Bolivie a adhéré à la Convention le 12 août 1994, par la Loi de ratification n°1593.

Bien que le gouvernement ait officialisé sa sortie du CIADI par une lettre envoyée à la Banque mondiale le 2 mai, le pays lui reste lié par 19 des 24 accords bilatéraux qui reconnaissent cette instance arbitrale comme scène valide pour résoudre les controverses entre l’Etat et les investisseurs.

Avec l’argument d’attirer des investissements dans le pays, les gouvernements néolibéraux des deux dernières décennies ont souscrit divers Traités Bilatéraux d’Investissement (TBIs) qui comprennent des règles pour résoudre les controverses entre les investisseurs et l’Etat, renvoyant obli-gatoirement les disputes à une juridiction arbitraire non nationale.

La Bolivie a signé des TBIs avec l’Allemagne (23-03-1987), l’Argen-tine (17-03-1994), la Belgique (25-04-1990), le Chili (22-09-1994), la Corée (1-04-1996), le Costa Rica (7-10-2002), Cuba (6-05-1995), le Dane-mark (12-03-1995), l’Equateur (25-05-1995), l’Espagne (24-04-1990), les Etats-Unis (17-04-1998), la France (25-10-1989), l’Italie (30-04-1990), les Pays-Bas (10-03-1992), le Paraguay (3-05-2001), le Pérou (30-06-1993), le Royaume-Uni (24-05-1988), la Rou-manie (9-10-1995), la Suède (20-09-1990), la Suisse (6-10-1987), l’Uru-guay et le Venezuela.

Dans la majorité des cas, les articles 8 et 9 de ces TBIs soutiennent que toute controverse relative aux investissements, dans la mesure du possible, sera réglée à l’amiable dans un délai de six mois, mais qu’en cas d’échec, le CIADI traitera le litige.

Même s’il existe la possibilité de dénoncer les traités, Solón a annoncé que le gouvernement avait opté pour la renégociation et la révision de chaque document pas à pas, et pays par pays, de façon à obtenir des termes plus favorables pour l’Etat.

Les raisons de sortir du CIADI

Le gouvernement d’Evo Morales a présenté six raisons pour abandonner le CIADI et initier une campagne internationale contre cet organisme.

En premier lieu, affirment les autorités boliviennes, le CIADI est un tribunal absolument déséquilibré qui prend toujours parti pour les transnationales. Les faits le démontrent : sur les 232 cas d’arbitrage déposés, 230 l’ont été par des transnationales contre des États.

Sur le total des disputes satisfaites (conclues et en cours) par ce tribunal jusqu’en février 2007 (109), dans 74 % des cas, les accusés sont des pays en voie de développement, c’est-à-dire des nations pauvres ; dans 19 % des pays développés et dans à peine 1,4 % les nations les plus riches de la terre, les pays du G8.

36 % des cas traités par le CIADI se sont terminés par un jugement favorable à l’investissement privé et 34 % des cas ont été réglés en-dehors du tribunal, mais avec une compensation pour l’investisseur. Dans les rares cas gagnés par les Etats, ceux-ci n’ont pas obtenu d’indemnisations.

Le second argument de la Bolivie est que le CIADI est antidémocratique puisqu’il délibère à huis clos et que ses décisions sont sans appel. Bien que la majorité des demandes soient reliées à l’exploitation des ressources naturelles stratégiques et des services essentiels qui sont des sujets d’intérêt public, seulement deux des 110 cas ont pu se dérouler lors d’audiences publiques.

Troisièmement, le CIADI est extrêmement coûteux pour des pays comme la Bolivie. Il suffit de rappeler que soutenir un petit cas coûte jusqu’à trois millions de dollars - en paiement d’honoraires d’un arbitre, d’avocats, d’experts et de voyages. Un avocat de Washington gagne 800 dollars de l’heure. Le quatrième argument contre le CIADI est que les transnationales soutiennent le tribunal pour arracher des millions de dollars d’indemnisations aux Etats. Il faut se rappeler qu’Aguas del Tunari-Bechtel a réclamé à la Bolivie entre 25 et 100 millions de dollars - même si elle n’a pas investi, ne serait-ce qu’un million de dollars dans le pays.

Le fait est que le CIADI permet aux investisseurs de réclamer des compensations non seulement pour l’expropriation physique de leurs investissements, mais aussi pour les gains qu’ils espèrent recevoir dans le futur, ce qui dans le jargon du tribunal s’appelle « gain cessant ».

La cinquième raison pour dénoncer ce tribunal sur la scène internationale est que la Banque mondiale fait office de juge et partie dans le processus du CIADI. Pablo Solón explique que la BM abrite des organismes dans son sein : organismes de crédit (BIRF et AIF), officines de garantie pour les investisseurs étrangers (OMGI), financement à l’investissement étranger (CIF), et arbitrage (CIADI).

Dans les années 80 et 90 du siècle dernier, la BM a fait du chantage aux Etats en offrant des crédits contre la privatisation des services publics. C’est exactement ce qui est arrivé au service d’eau potable à La Paz et à El Alto qui a été concédé à l’emprise Aguas de Illimani. Le fait le plus curieux de tout ceci fut que la BM s’est mise au commerce et est arrivé à être partenaire d’AISA (8 % des actions) à travers le CIF.

Solón explique que si la plainte d’AISA contre l’Etat était reçue au CIADI, la BM serait à la fois juge et partie. Il ne faut pas oublier que le panel d’arbitrage est formé de trois arbitres : l’un nommé par les transnationales, un autre par l’Etat, et un troisième par le président de la Banque mondiale.

La sixième raison pour abandonner et dénoncer le CIADI est que la ratification de ce tribunal viole arbitrairement la Constitution politique de l’Etat. Il n’y a pas d’erreur possible, l’article 135 établit que : « Toutes les entreprises établies pour les exploitations, le profit ou le commerce dans le pays seront considérées comme des entreprises nationales et seront soumises à la souveraineté, aux lois et aux autorités de la République », mais le CIADI n’est pas soumis à la souveraineté et n’est pas une autorité de la république. De plus, l’article 24 signale que « les entreprises et ressortissants étrangers sont soumis aux lois boliviennes, sans pouvoir en aucun cas invoquer une situation exceptionnelle et spéciale pour les entreprises étrangères ni avoir recours à des réclamations diplomatiques ». Le CIADI est un tribunal exceptionnel et spécial pour les entreprises étrangères, puisque les investisseurs nationaux ne peuvent pas recourir à cette instance.

Pression interne et externe

Solón indique que la Bolivie sera effectivement libérée du CIADI dans six mois, c’est-à-dire le 2 novembre 2007. Ceci suppose que le pays va être exposé au risque d’être mis en accusation. Actuellement, le CIADI examine deux plaintes contre la Bolivie : l’une de l’entreprise de téléphonie italienne Euro Telecom Internacional (ETI), et l’autre de Quiborax au Chili. De plus, l’Etat a été menacé d’une procédure par l’entreprise pétrolifère Petrobras qui négocie la vente des raffineries Gualberto Villarroel y Guillermo Elder. À l’avenir, le gouvernement projette de préciser chaque fois mieux les contrats avec les entreprises étrangères, de renégocier les TBIs et de déployer une campagne internationale pour en finir avec le CIADI, un organisme qui selon Solon est « insoutenable pour n’importe quel pays du monde ». L’alternative est de créer des instances impartiales, équilibrées, accessibles et encadrées par la Constitution et les lois.

Tout le monde ne pense pas comme Solon ou d’autres fonctionnaires du gouvernement qui ont été les artisans de ce dernier coup d’Evo Morales. Plusieurs entrepreneurs ont critiqué cette décision parce qu’elle « va faire fuir les investissements », au point que le porte-parole de la Chambre bolivienne des hydrocarbures (CBH), Yussef Akl, a déclaré au quotidien La Prensa que les traités bilatéraux « ajoutent de la valeur » et rendent le pays attractif aux yeux des investisseurs.

Jusqu’à présent, le quotidien conservateur La Razón a déployé l’attaque la plus furieuse contre la décision du gouvernement.Dans son éditorial de ce mercredi, le journal du matin de La Paz affirme que le CIADI est un « pacificateur » et non un « incitateur à des bagarres qui dégénèrent en procédures » ; c’est une « garantie pour promouvoir les bonnes relations entre les états et les investisseurs ». La Razón va plus loin en affirmant que la Banque mondiale est un « ami unique et non un ennemi de la Bolivie » parce qu’« il a toujours été disposé à concéder des prêts pour son développement ». Se retirer du CIADI, poursuit La Razón, semble avoir été une erreur due à des « préjugés politiques » et à l’« irascibilité idéologique », puisque cette instance aurait pu rendre un jugement en faveur de la Bolivie si des irrégularités ou des manquements aux promesses d’investissements avaient été vérifiés.

L’éditorial a provoqué beaucoup de commentaires. Peu ont relevé que la plus grave tragédie de la Bolivie est sans doute la profonde ignorance de son élite.

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