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22 mai 2013

Le lièvre USA et la tortue chinoise, une fable à l’échelle planétaire.
Texte complet

par René Naba *

 

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Première partie

Chine-Afrique : Le lièvre USA et la tortue chinoise, une fable à l’échelle planétaire.

Paris le 6 avril 2013

Le nouveau président chinois Xi Jinping chinois a réservé à l’Afrique son premier déplacement officiel, dans une démarche symbolique qui illustre la vivacité de la rivalité sino occidentale sur le continent noir et la prépondérance que la Chine y a prise au détriment de ses deux anciens maitres, le Royaume Uni et la France, qu’elle a supplantée en deux décennies.

Autre message codé, à valeur hautement significative, le dirigeant chinois s’est rendu le 26 Mars en Afrique du Sud pour une visite d’Etat au pays vainqueur de l’apartheid, avant le sommet des pays émergents des BRICS tenu le lendemain à Durban.

Pretoria a constitué la première étape d‘une tournée en Afrique comprenant notamment le Congo-Brazzaville, fief français de l’Afrique centrale ou il s’est rendu les 29 et 30 mars pour des entretiens avec son homologue Denis Sassou Nguesso.

Les paramètres de départ : La « théorie de anneaux maritimes » des Etats-Unis et la « stratégie du collier de perles » de la Chine

« La théorie des anneaux maritimes »

Les grands bouleversements de l’histoire ont rarement une date d’anniversaire exacte. Ce n’est qu’arbitrairement que l’on peut fixer à la fin de la deuxième Guerre mondiale (1939-1945) le début du déploiement planétaire de l’empire US et de sa compétition feutrée avec la Chine, dont le point de percussion majeur aura pour théâtre l’Afrique à l’entame du XXI me siècle, particulièrement le Maghreb, le Ponant du Monde arabe, le flanc méridional de l’Europe et son point de jonction vers l’Afrique et, au-delà, l’Amérique Latine.

Premier continent au Monde pendant cinq siècles, l’Europe de la seconde moitié du XXe siècle, a subi, sanction de son bellicisme, la division en deux blocs, hermétiquement verrouillés par un rideau de fer. Saignée et ruinée par deux guerres mondiales, son volet occidental placé sous perfusion financière américaine du Plan Marshall, menant un combat d’arrière-garde face à la révolte des peuples coloniaux d’Asie, du Monde arabe et d’Afrique. Ce combat d’arrière garde face à l’Inde et le Pakistan, les futures puissances nucléaires, le Monde arabe, le principal réservoir énergétique de la planète, le continent africain, vaste gisement minier, ont signé sa relégation de la magistrature suprême de gestion des affaires du Monde.

Une conjoncture idéale pour les Etats Unis, qui s’engouffreront dans la brèche, sur les débris du colonialisme anglais et français en Asie occidentale et en Afrique, à la faveur de l’ostracisation de la Chine continentale communiste de Mao Tsé Toung au bénéfice de la Chine insulaire capitaliste de Taiwan de Tchang Kai Check, le vaincu du Kominterm.

En application de la « théorie des anneaux maritimes », ils vont procéder, dès la fin de la 2me Guerre mondiale, à leur déploiement géostratégique selon la configuration de la carte de l’Amiral William Harrison, conçue en 1942 par la marine US, en vue de prendre en tenaille la totalité du monde eurasiatique, articulant leur présence sur un axe reposant sur trois positions charnières : Le détroit de Behring, le Golfe arabo-persique et le détroit de Gibraltar.

Avec pour objectif de provoquer une marginalisation totale de l’Afrique, une marginalisation relative de l’Europe et à confiner dans un cordon de sécurité un « périmètre insalubre » constitué par Moscou-Pékin-Delhi-Islamabad, contenant la moitié de l’humanité, trois milliards de personnes, mais aussi la plus forte densité de misère humaine et la plus forte concentration de drogue de la planète.

Héritiers de l’Europe et témoins privilégiés de ses déboires, les Etats-Unis se sont certes portés à deux reprises au XX me siècle au cours des deux guerres mondiales (1914-1918/1939-1945), au secours des grandes démocraties européennes avant de les supplanter en tant que puissance planétaire, sans toutefois- là réside le Hic- tirer profit des égarements coloniaux de leurs ancêtres européens.

Sur les débris du colonialisme français et anglais, l’Amérique, soutenant les indépendances du Maroc et de l’Algérie dans la foulée de la folle équipée tripartite (anglo-franco-israélienne) de Suez, en 1956, a été accueillie en héros par les peuples arabes. Mais, au mépris des enseignements de l’Histoire, elle va fonder son hégémonie sur une collusion avec les forces arabes les plus conservatrices et des alliances contre nature avec les principaux ennemis du monde arabe, dilapidant ainsi son capital de sympathie par une politique erratique illustrée par le combat implacable qu’elle a menée contre le nationalisme arabe renaissant. Deuxième erreur fatale qui permettra à la Chine, dans la décennie 1960, d’en tirer profit en y prenant pied, en Asie occidentale et en Afrique du Nord, notamment l’Algérie, son plus ancien et plus loyal allié dans la zone.

  • La stratégie du collier de perles

Pris en tenaille entre l’Inde, sa grande rivale en Asie, les Etats-Unis, maitre d’œuvre du blocus de la chine maoïste et le Japon, le géant économique de l’Asie, et les Etats-Unis, maitre d’œuvre du blocus de la chine maoïste, la Chine va chercher à se dégager de ce nœud coulant en développant «  la stratégie dite du collier de perles ». Le terme a été utilisé pour la première fois au début de 2005 dans un rapport interne du Département d’Etat titré « Energy Futures in Asia ».

Cette stratégie, mise au point dans le but de garantir la sécurité de ses voies d’approvisionnement maritimes jusqu’au Moyen-Orient, ainsi que sa liberté d’action commerciale et militaire, consistait dans le rachat ou la location pour une durée limitée d’installations portuaires et aériennes échelonnées des ports de Gwadar (Pakistan), Hambantoa (Sri Lanka), Chittagong (Bangladesh), jusqu’à Port Soudan, via l’Iran et le périmètre du golfe d’Aden pour escorter ses navires à travers cette zone infestée de pirates, ainsi que dans la zone sahélo-saharienne, l’Algérie et la Libye, à tout le moins sous le régime du Colonel Mouammar Kadhafi (1969-2012), soit pendant 43 ans.

Les enjeux de puissance : Pétrole et surpopulation sur fond de militarisation des voies maritimes.

  • Du bon usage des principes universels. Le principe de la Liberté de navigation où les océans nouveau monde du XXIème siècle. [1]

Les grands principes universalistes répondent rarement à des considérations altruistes et obéissent plutôt à des impératifs matériels. Il a en a été ainsi du principe de la liberté de la navigation brandie par l’Angleterre au XVII me et XVIIIe siècles pour assurer sa suprématie maritime et partant son hégémonie commerciale à l’ensemble de la planète. Il en a été de même du mot d’ordre du principe de la Liberté du commerce et du libre-échange décrété par les pays occidentaux au XIXe et XXe siècles pour contraindre la Chine à écouler les marchandises occidentales sur son marché intérieur au nom de la « politique de la porte ouverte ». Il en sera de même du « principe de la liberté d’information » fermement défendu par les États-Unis, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale pour asseoir leur suprématie idéologique dans les quatre domaines qui conditionnent la puissance : politique, militaire, économique et culturel.

Le principe de la liberté de navigation, principe en apparence anodin, masque de redoutables enjeux géostratégique, résumé il y a deux siècles par le contre-amiral Alfred Thayus Mahan (1840-1914) : « Quiconque atteindra la suprématie maritime dans l’océan Indien serait un joueur important sur la scène internationale », soutenait-il déjà au siècle dernier ce géo stratège de la Marine des Etats-Unis.

Le surpeuplement prévisible de la terre, dont la population va pratiquement doubler en un siècle passant de six milliards d’humains, en l’an 2000, à onze milliards en l’an 2100 c’est-à-dire davantage qu’au cours de toute l’histoire de l’humanité, va faire de la quête de nouveaux espaces, un nouvel enjeu de la compétition mondial, l’enjeu de survie de l’espèce humaine.

La conquête de l’espace en est une illustration spectaculaire. La mer est plus familière à l’Homme que l’espace, plus intimement liée à l’histoire de l’humanité. La conquête des espaces maritimes, moins spectaculaire, n’en est pas moins méthodique. Omniprésents à la surface du globe, les Océans représentent 71 % de la surface de la planète, avec une mention spéciale pour le Pacifique qui occupe, à lui seul, 50 % de la superficie océanique mondiale. Si, depuis la haute antiquité, la mer a constitué un espace de jonction et de rapprochement entre les peuples, elle a aussi servi de théâtre à de retentissants combats navals (Trafalgar, Sawari), surtout appréciée par les stratèges en tant que lieu idéal de projection des forces à distance.

Le développement de prospection pétrolière off-shore, du câblage sous-marin et de la surexploitation de la pêche ont fait des océans un gigantesque gisement de ressources naturelles et animales.

Cinquante pour cent de la population mondiale vit sur une mince bande côtière de 50 kms le long des rivages et 75 % du commerce mondial en poids, et 66 pour cent en valeur est assuré par le transit maritime, près de dix milliards de tonnes par an.

L’exploitation des ressources maritimes à, elle, quadruplé en 40 ans, passant de 20 millions de tonnes en 1950 à 80 millions de tonnes en 1990. La FAO estime, quant à elle, à quarante millions le nombre de personnes dans le monde vivant de l’économie du poisson, la filière pêche remployant, à elle seule, douze millions de personnes réparties entre pêcheurs, techniciens, artisans et commerçants.

La militarisation des voies maritimes figure d’ailleurs parmi les objectifs de Washington dans cette zone de non droit absolu qui relie la Méditerranée à l’Asie du Sud-est et à l’Extrême-Orient par le canal de Suez, la mer Rouge et le golfe d’Aden. Dans ce périmètre hautement stratégique, les Etats Unis ont procédé au plus important déploiement militaire hors du territoire national, en temps de paix.

Le Monde arabe regroupe trois des principales voies de navigation transocéaniques, mais n’en contrôle aucune. Le détroit de Gibraltar, qui assure la jonction entre l’Océan Atlantique et la Mer Méditerranée, est sous observation de la base anglaise située sur le promontoire de Gibraltar, une enclave située sur le territoire de l’Espagne. La jonction Méditerranée-Mer Rouge est sous le contrôle des bases anglaises situées aux deux extrémités du Canal de Suez, les bases de Dekhélia et d’Akrotiri à Chypre, à l’entrée du canal par la Méditerranée et la base de Massirah au Sultanat d’Oman, à sa sortie.

Enfin, le passage golfe arabo persique Océan indien est sous l’étroit contrôle du chapelet de bases de l’Otan : le camp franco-américain de Djibouti, la base aéronavale française d’Abou Dhabi, le QG du Centcom du Qatar, et la base aéronavale américaine de Diego Garcia.

En vertu du principe de la liberté de navigation, la totalité des voies de passage transocéaniques, à l’exception du Détroit de Behring, sont sous contrôle de l’Occident. Du Détroit de Gibraltar au Détroit du Bosphore, au Détroit des Dardanelles, au Détroit de Malacca, au détroit d’Ormuz. La Chine a d’ailleurs réussira à contourner ce goulot d’étranglement en ce que sa « stratégie du collier de perles » lui a permis d’aménage d’un chapelet de ports amis le long de ses voies de ravitaillement, atteignant le cœur de l’Europe, avec la zone franche du Pirée.

« Usine du monde », la Chine importe aujourd’hui environ 30% de son pétrole. Selon les estimations de l’Agence pour l’Energie, elle importera 85% de son pétrole en 2025. L’équation énergétique chinoise place la Chine en situation « d’état d’urgence » d’approvisionnement énergétique qui explique son offensive à triple nouveau.

La recherche de bases-relais et de fournisseurs s’est accompagnée, parallèlement, de la modernisation significative de sa marine afin de contrôler les routes maritimes assurant son approvisionnement (sécuriser la route maritime vitale reliant les champs pétrolifères du Golfe persique à Shanghai en passant par le détroit d’Ormuz, le détroit de Malacca et le détroit de Formose, zone caractérisée par une forte présence des marines US et britanniques).

Dexième partie

Endiguement euro-US de la Chine en Afrique et guerre psychologique.

Paris,12 avr 2013

L’endiguement

Grand vainqueur de la Guerre froide, le lièvre US va alors bénéficier d’un état de grâce exceptionnel dans l’histoire des relations internationales contemporaines, à la faveur de l’implosion du bloc soviétique, une décennie prodigieuse d’unilatéralisme à l’effet d’accélérer sa mainmise sur les zones rétives à son Hégémon, au point que des laudateurs intéressés en viendront à voir dans le XXI me siècle « Le siècle américain » pour célébrer « Le destin manifeste » des Etats Unis.

Certes la guerre du Golfe en 1990-1991 a permis aux Usaméricains de prendre pied au cœur des principaux gisements pétroliers de la planète, la guerre du Kosovo en 1999 de s’implanter au cœur de l’Europe centrale, particulièrement en Albanie, longtemps considérée comme un bastion de l’orthodoxie communiste.

Certes aussi, dans le droit fil de leurs objectifs, la guerre d’Afghanistan (2001), puis la guerre d’Irak (2003) devaient leur permettre de parachever leur mission en prenant pied, pour la première fois de leur histoire, dans le Caucase, plaçant l’USA au cœur du dispositif énergétique mondial par sa mainmise sur le Golfe et son contrôle des voies de ravitaillement du brut transcaucasien.

Sauf que le schéma parfait a souffert de fortes turbulences, dénaturant le projet initial. La guerre du Vietnam (1960-1975-52 000 morts), se superposant aux couts des deux premiers conflits majeurs du XXI me siècle (Afghanistan-Irak), de l’ordre de trois mille milliards de dollars (3 trillions), à la crise du système bancaire, une perte de capitalisation boursière de l’ordre de 25 000 milliards de dollars, enfin à la crise de l’endettement européen, ont considérablement réduit la marge de manœuvre du duo atlantiste, saigné son économie atlantiste et réduit la capacité de projection de la puissance américaine. La première puissance militaire de tous les temps a ainsi emprunté, sans y prendre garde, un schéma similaire à celui de l’Europe au XX me siècle.

Face à ce premier conflit majeur du XXI me siècle, l’Europe, qui se voulait un des pivots du troisième millénaire, s’est retrouvée prestement marginalisée par le duo anglo-américain, discrète préfiguration de l’« Anglo-sphère », l’alliance Wasp (White Anglo-Saxon Protestant), dont la mise sur pied est préconisée par les disciples de Samuel Huntington, l’auteur du « clash des civilisations », en vue de constituer sous égide anglo-saxon un directoire des pays relevant de la civilisation occidentale, de race blanche (29 % de la population mondiale) pour la direction du « Monde libre ».

La refondation de la doctrine stratégique de l’OTAN à l’occasion du 50ème anniversaire de l’alliance atlantique, en mai 1999, par l’adjonction des anciens pays du bloc soviétique, est apparue à cet égard comme un signe précurseur pour les tenants de cette thèse.

Apportant sa caution militaire et diplomatique aux Etats-Unis, sous estimant sa capacité d’influence, l’Europe est ainsi apparue au regard de la communauté internationale comme l’appendice de l’Amérique. Au point que bon nombre d’ observateurs en ont conclu que l’Europe a abdiqué son indépendance pour se résoudre au rôle de promontoire outre-Atlantique de l’Amérique, renonçant à sa vocation ancienne de foyer de civilisation et à sa propre autonomie face aux Etats-Unis pour en faire une roue dentée de la stratégie américain, une « île au large des rives de l’Eurasie », pour reprendre l’expression du géographe Michel Fournier.

En tandem, et sous couvert de grands principes, l’ingérence humanitaire et la guerre contre le terrorisme, à l’aide de sigles abscons, d’Africom au Maghreb, de « Recamp » dans l’Afrique francophone ou d’Eufor, dans le centre du continent, le quadrillage occidental de l’Afrique s’est fait en douceur, à l’arrière-plan d’une féroce bataille engagée pour la maîtrise des réserves stratégiques sur le flanc méridional de l’Europe, face aux bouleversements géostratégiques induits par l’émergence de la Chine dans l’ancienne chasse gardée coloniale, notamment en Afrique du Nord et sur continent noir.

Au prétexte de la « guerre contre le terrorisme », les Etats-Unis se sont même employés à mettre sur pied spécialement pour le continent noir un corps d’armée qui portant le nom de « VIII me corps d’armée » US afin d’achever le maillage militaire de la planète par une présence physique opérationnelle sur l’ensemble des continents. L’AFRICOM dont la création a été décidée en 2007 devait avoir compétence sur les 50 Etats membres de l’Union Africaine, à l’exception de l’Egypte.

Le redéploiement diplomatique et stratégique euro-usaméricain est intervenu sur fond d’exacerbation de la controverse publique sur les bienfaits et les méfaits de la colonisation, son « rôle positif  » et ses séquelles, les « test ADN » et les « charters de la honte » en France, l’« immigration choisie » en Europe, alors qu’en contrechamps, la percée chinoise se faisait d’une manière pacifique propulsée par le déficit américain, un consistant matelas financier constitué de plusieurs milliards de dollars de bons de trésor américains sur un continent que n’obère aucun passif colonial de la Chine.

Par son impact psychologique et ses conséquences à long terme, la pénétration chinoise a été comparable à la conquête arabe de la rive méridionale de la Méditerranée qui a brisé le monopole de la navigation et du commerce dans l’ancien « Mare Nostrum » et l’Atlantique sud, déclenchant en retour les Croisades et la colonisation du continent africain en vue de rétablir le statut quo ante. Une percée qui a donné lieu à une féroce guerre psychologique entre Occidentaux et Chinois.

La guerre psychologique sino-occidentale

Toute conscience se pose en s’opposant. L’Occident a constamment forgé des concepts pour assurer sa domination sur le reste du Monde. Il en a été de la théorie du « Res Nullus » et du « Fardeau de l’Homme blanc » justifiant les conquêtes coloniales. Au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, allant jusqu’à infliger une pernicieuse Guerre de l’Opium à la Chine pour la contraindre à s’ouvrir au marché européen.

Depuis la fin de la II me Guerre mondiale (1939-1945), toute une littérature belliqueuse a développé les thèmes sur le péril rouge (contre le communisme), avant de se rabattre après l’implosion de l’Empire soviétique (1989) sur le péril vert (l’Islam), jalon intermédiaire préludant à la naissance du « péril jaune » (Chine, Inde, Japon) d’actualité avec la montée en puissance des trois pays majeurs d’Asie, qu’ils parachèveront en 2025.

A cette date, l’Occident aura perdu le monopole de la puissance et partant son rôle prescripteur. Il devra, par la force des choses, composer. Dur métier pour celui qui a constamment imposé, dur apprentissage de la diversité. Composer avec les autres composantes de la planète. Cette échéance explique sa frénésie d’acquisition de gages territoriaux et énergétiques (Irak, Afghanistan, Darfour, Balkan) en vue d’aborder la prochaine étape en position de force dans une « stratégie de transformation du réel », qui se réduit en une quête désespérée visant à enrayer un déclin prévisible par le maintien de « Droits acquis » aux faîtes de la puissance.

Accablée de tous les maux, la Chine a été accusée, simultanément et cumulativement, d’avoir contaminé l’Afrique de pathologies potentielles avec la commercialisation de médicaments avariés et d’avoir transformé le continent noir en dépotoir de déchets toxiques, Ce faisant, l’Occident a oublié son rôle néfaste dans la dépossession de l’Afrique de ses richesses pendant cinq siècles, sa dépopulation par la traite négrière, de l’ordre de quinze millions de personnes, dans la modification de son écosystème. En témoignent le film « Le Cauchemar de Darwin  » [2] sur transformation écologique des lacs de l’Ouganda par l’introduction de la « perche du Nil » pour la satisfaction des besoins alimentaires des consommateurs européens au détriment de la faune et de la flore ougandaise, et le film anglais « The constant Gardner  » tiré du roman de l’espion en chef britannique John Le Carré [3] dans le choix de l’Afrique dans sa fonction de lieu d’expérimentation de ses produits pharmaceutiques et de point d’évacuation des surplus toxiques de l’industrie occidentale.

En écho, un journaliste algérien s’est mis au diapason des critiques occidentales, dénonçant les turpitudes des Chinois en Algérie, la prévarication de la classe politique pour l’acquisition de ses marchés en Algérie, le recours abusif à la contrefaçon et au dumping. Devant ce qu’il considère comme une présence envahissante, Kamal Daoud, chroniqueur du Quotidien d’Oran, a mis en garde contre la transformation de « L’Algérie en province chinoise », à la faveur de rixes entre Algériens et Chinois. « La Chine devient un empire en Algérie ». Elle a déjà des sous-traitants politiques et financiers. Des agents, honorables correspondants et trop de clients d’ailleurs. « L’Algérie, une province chinoise ? » Près de 95% des contrefaçons saisies en Algérie, en 2011, sont d’origine chinoise. « Un chiffre qui souligne la mainmise croissante de l’empire du Milieu sur l’économie algérienne, du dentifrice à la construction de la Grande Mosquée. Un raz de marée. Les saisies de produits contrefaits ont enregistré une hausse de 84,5% en Algérie l’an dernier, passant de 379.774 produits saisis en 2010 à 700 000 en 2011 », assurent les services des douanes algériennes. Selon les chiffres des douanes algériens justement, « les produits contrefaits proviennent principalement de Chine (94,44%) et de Turquie (3,56%). Au pays de l’hyper nationalisme anti-français, 95% de produits contrefaits viennent de Chine », conclut-t-il dans un éditorial 12 novembre 2012.

La botte secrète de la Chine : absence de passif colonial et non-ingérence.

Menant une diplomatie commerciale agressive, sans ingérence politique, la Chine est parvenue à redessiner la carte des influences traditionnelles « occidentales » sur fond de lutte pour le contrôle des gisements pétroliers avérés ou potentiels.

Un « Nouveau Partenariat Stratégique Afrique‐Asie » a été scellé lors du dernier sommet Chine‐Afrique tenu du 3 au 5 novembre 2006, couronnement d’une coopération amorcée dans la décennie 1970 et dont le projet phare aura été le chemin de fer Tanzanie‐Zambie, le célèbre « chemin de la liberté » (TAZARA, 1976) qui fonctionne depuis 30 ans et qui permettait de contourner les positions racistes de l’Afrique du Sud qui rendait impossible l’exportation de cuivre de Zambie.

Près de 200 000 Chinois seraient actuellement installés en Afrique et près d’un millier d’entreprises chinoises investissent dans 43 pays africains réalisant ainsi 900 projets d’infrastructures. Trente et un pays ont vu leur dette envers la Chine annulée pour une valeur d’environ 1,33 milliards de dollars.

Face à ce stress énergétique, Pékin a mis en place une nouvelle diplomatie « dite du sortir » (« Zouchuqu ») se traduisant par « une participation dans l’amont et dans l’aval pétroliers internationaux et à l’acquisition de gisements par le biais de prises de participation dans des sociétés locales pour l’établissement de bases pétrolières à l’étranger pour assurer son ravitaillement énergétique régulier.

Les Chinois sont impliqués dans une cinquantaine de projets pétroliers sur tout le continent. En 2006, le continent africain représente 25% de l’approvisionnement chinois en pétrole (principalement le Soudan (6% du pétrole importé par la Chine provient du site de Muglad), l’Angola (30% des importations pétrolières d’Afrique), l’Algérie et l’Afrique du Sud) contre 15 % au milieu des années 1980.

Dans ce contexte, l’Afrique sub‐saharienne, comme le Maghreb, est devenue un théâtre hautement convoité, car depuis leur intervention en Irak, les USA ont renforcé leur contrôle sur l’ensemble des pays du Moyen‐Orient à l’exception de l’Iran. Recelant 8,9% des réserves mondiales de pétrole et offrant 11 % de la production mondiale, l’Afrique permet à Pékin de limiter sa dépendance énergétique (politique dite de déconcentration des risques : Asie Centrale et Sibérie offrant un contournement du Détroit de Malacca jugé vulnérable à une intervention américaine et Afrique.

Il convient néanmoins de s’abstenir de tout angélisme. Le positionnement chinois obéit à des calculs stratégiques sur le long terme. Tous les pays d’Afrique du Nord déplorent un déficit commercial avec la Chine, les produits chinois se situent à des prix 50 à 60% moins chers qu’au Maroc ou en Tunisie. Toutefois, le Maroc, et accessoirement la Tunisie, sont perçus par les autorités chinoises comme des places d’investissement privilégié sur le flanc sud de l’Europe et la Chine, pour ces deux pays du Maghreb, comme un véritable partenaire alternatif à l’ancien pouvoir colonial plus interventionniste.

En parallèle, les Etats-Unis ont multiplié les initiatives diplomatiques et militaires en vue de sceller les pays africains à la stratégie globale américaine. Des points d’intervention favorisant le déploiement rapide des forces américaines ont été aménagés dans la zone sahélienne sénégalo-malienne, ainsi qu’en Namibie à la frontière avec l’Angola.

Des opérations conjointes avec les pays du Sahel ont été lancées en 2003-2004 contre le Groupe Salafiste pour la prédication et le combat (GPS) dans le cadre du « programme de contre-terrorisme en Afrique ». Les attaques contre les touristes français en Mauritanie en décembre 2007, entraînant l’annulation du rallye automobile Paris-Dakar et son transfert vers l’Amérique latine, de même que l’attentat contre l’ambassade israélienne à Nouakchott témoignent des réticences locales et régionales au déploiement américain en Afrique.

La Chine est depuis 2010 le premier partenaire commercial de l’Afrique avec des échanges de l’ordre de 166,3 milliards de dollars, en augmentation de 83% par rapport à 2009. Les Chinois viennent d’annoncer un doublement à 20 milliards de dollars leurs crédits à l’Afrique, qui fait partie de la réserve stratégique des multinationales.

Soixante ans après l’indépendance de l’Afrique, Américains et Européens, sur fond de lourd contentieux post colonial non purgé, continuent de gérer l’Afrique à travers leurs réseaux politico-affairistes et les institutions multilatérales (FMI et Banque mondiale). Le Mali a été ainsi contraint de se spécialiser dans la production du coton par la Banque mondiale, se plaçant en concurrence avec les producteurs de coton nord-américains qui bénéficient de subventions de la première puissance libérale.

En contrechamp, la Chine, nullement philanthrope, mais infiniment plus perspicace, se présente aux Africains sans passif colonial, sans les criantes pratiques de la corruption des Djembés et des Mallettes, la marque de fabrique de la Françafrique. En l’absence de passif colonial, parangon de la non-ingérence, un vice occidental, pratiquant une politique de dumping ou de nivellement en fonction du pouvoir d’achat local, résultante de la paupérisation croissante de la population du tiers monde, la Chine poursuit sa progression. Et les déboires enregistrés par ses alliés au Soudan, en Libye et au Mali, ne paraissent avoir affectés ses intérêts ni ses positions.

Auparavant, les Etats-Unis surveillaient l’Afrique à travers trois commandements : Central Command (CENTCOM) dont la zone de responsabilité s’étendait sur 27 pays dont sept sont africains, le commandement européen (EUCOM), sa zone couvrant 91 Etats dont 42 sont africains, le commandement pacifique enfin (PACOM) qui a autorité sur une zone couvrant Madagascar et les îles en périphérie de l’est du continent africain.

Si le souci proclamé des Etats-Unis est de mener une guerre planétaire contre le terrorisme, la création d’un commandement spécifique pour l’Afrique marquait d’une manière sous-jacente l’implication plus marquée de l’Amérique dans la compétition que se livrent les grandes puissances pour la conquête des marchés africains particulièrement le pétrole qui fournit 30 pour cent de la consommation mondiale.

Dans l’intervalle, l’administration USA a aménagé, en 2006-2007, dans le Golfe de Guinée une base flottante, constituée de navires à très grande vitesse (swift ship) servis par un équipage de 300-400 marins pour la surveillance côtière le long des pays riverains : Angola, Cameroun, Gabon, Ghana, Guinée équatoriale, Liberia, Sao-Tomé et Principe, Sénégal et Nigeria. Et des bases de drones, dans la décennie 2010, au Burkina-Faso pour la surveillance et le repérage des mouvements djihadistes en Afrique occidentale. Elle se propose de partager avec Alger les données récoltées par ses drones dans le septentrion malien à la faveur de l’intervention française dans cette région frontalière de l’Algérie.

Le dispositif US en Afrique est complété en Afrique orientale par la colocation de la base française de Djibouti « Le camp Lemonnier », ainsi que de la base aéronavale de Diego Garcia dans l’Océan indien, et par le nouveau rôle de gendarme confié à l’Ethiopie dans sa répression des mouvements islamistes dans la zone, notamment en Somalie.

Le positionnement américain à Djibouti, face au Golfe, permet en outre le contrôle stratégique de la route maritime qu’emprunte un quart de la production pétrolière mondiale et, ce faisant, de dominer l’extrémité orientale de la vaste bande pétrolière traversant l’Afrique considérée désormais comme vitale pour leurs intérêts stratégiques, une bande allant de l’oléoduc Higleg-Port Soudan (1600 km) dans le sud-est à l’oléoduc Tchad-Cameroun (100 km) et au Golfe de Guinée dans l’Ouest. Un poste d’opération américain en Ouganda donne en outre aux Etats-Unis la possibilité de contrôler le sud-Soudan où se trouve le gros des réserves soudanaises de brut.

Troisième partie

Le jeu de la France : Défense du pré-carré en tandem avec Israël ?

Paris,19 avr 2013

L’intervention de la France au Mali, en janvier 2013, relève d’une stratégie de défense du pré carré africain, face à la politique de grignotage menée tant par la Chine que par le wahhabisme via les finances islamiques (Qatar et Arabie Saoudite).

Première opération militaire en solitaire sur un théâtre extérieur depuis la fin de la Guerre d’Algérie, en 1962, la France, via Serval, y joue son rang de puissance.

Une cible idéale en ce que Le Mali constitue le plus grand pays musulman d’Afrique occidentale, où la finance islamique y prospère, alors que les Maliens depuis une décennie se détournaient progressivement de la France vers les pétromonarchies et que la Chine jouit d’un prestige certain du fait de sa restauration du centre de documentation islamique de Tombouctou.

Il en avait été de même avec la mise en place de l’Eufor [4], le corps expéditionnaire européen chargé de s’interposer entre les belligérants aux confins soudano-tchadiens qui répondait autant à des considérations humanitaires qu’au souci des Occidentaux de créer un glacis stratégique au centre de l’Afrique, à proximité de la plateforme opérationnelle de la Chine dans la zone. Un cordon sanitaire identique à celui que les pays occidentaux veulent établir autour de l’Iran, l’autre grand fournisseur d’énergie de la Chine.

Dans ce contexte, le redéploiement militaire français en Afrique a constitué une opération à double détente visant à associer des pays tiers (Afrique, Europe, ONU) aux opérations militaires françaises en Afrique dans le but de partager les coûts et de diluer les responsabilités, tout en conservant la maîtrise des opérations.

Un chef d’œuvre de ravalement cosmétique d’un repositionnement militaire identique au dispositif américain dans le Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Koweït et Irak), face à l’Iran.

Lointaines réminiscences de ses déboires coloniaux, l’activisme de la France au Soudan, puis en Libye, en Syrie et au Mali, vise à sécuriser son ravitaillement énergétique, ses exportations militaires et ses centrales nucléaires. D’une manière sous-jacente, répondre à son souci de purger son « complexe de Fachoda » [5], le désastre militaire et diplomatique français subi dans ce pays contre les Anglais au XIX me siècle durant la phase de conquête coloniale écartant durablement la France des eaux du Nil.

Le Mali, la porte d’entrée d’Israël en Afrique, via la France ?

Dans un mouvement de fuite en avant destiné à occulter les responsabilités de la classe politico-militaire malienne dans le désastre national qui frappe le Mali depuis un an, l’intention est prêtée à l’équipe dirigeante transitoire du Mali de mettre à profit l’expédition militaire française pour faire du Mali, la porte d’entrée d’Israël en Afrique.

Un coup de bluff ? Un chantage ? Une volonté réelle d’amorcer une nouvelle politique en contradiction avec la ligne traditionnelle du Mali, premier pays africain à avoir dépêché dès son indépendance, en 1960, un contingent en Algérie pour sceller dans l’ordre symbolique la fraternité d’armes des peuples opprimés ?

Sur les conseils de la France, qui s’est méthodiquement appliquée à travers ses porte-voix médiatiques, Bernard Kouchner et Bernard Henri Lévy, à favoriser la sécession du Sud Soudan, pour en faire une plateforme opérationnelle d’Israël sur le cours du Nil ?

Pour rééditer l’ancien scenario français de relier les deux anciens Soudan de l’époque coloniale, le Soudan français et le Soudan anglais, via le sud Soudan précisément et qui valut à la France l’une de ses plus cuisantes défaites militaires à Fachoda (1898) ?

L’instrumentalisation de la justice internationale à des fins politiques plaiderait en ce sens. CF. à ce propos le cas du général Omar al Bachir.

Une alliance avec Israël ? L’allié indéfectible du régime d’Apartheid d’Afrique du sud ? La garde prétorienne de tous les dictateurs francophones qui ont pillé l’Afrique. De Joseph Désiré Mobutu (Zaïre-RDC), à Omar Bongo (Gabon), à Gnassingbé Eyadema (Togo), à Paul Biya, le président off-shore du Cameroun), le vacancier privilégie des pâturages suisse, et, même Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), le prétendu sage de l’Afrique qui n’était sage que par ce qu’il était le meilleur serviteur de ses anciens colonisateurs et de ses alliés israéliens.

Israël dont l’expérience de la colonisation de la Palestine l’a conduite à coloniser des terres à travers le Monde représentant vingt fois sa superficie au détriment des populations et de l’environnement des pays pauvres. En République Démocratique du Congo pour la culture de la canne à sucre ; au Gabon pour la culture du Jatropha, nécessaire à la production de biocarburants ; en Sierra Leone où la colonisation israélienne représente 6,9 pour cent du territoire de ce pays de l’Afrique de l’Ouest [6].

La bataille des eaux du Nil et Le Canal Ben Gourion [7].

 La nomination à la tête de l’Agence française pour le développement de M. Dov Zerah, pourrait donner un début de crédit à cette hypothèse en ce que la propulsion du président du consistoire israélite de Paris et secrétaire général de la Fondation France Israël au poste stratégique de dispensateur de l’aide financière française à l’Afrique est intervenue, le 2 Juin 2010, six mois avant l’indépendance du sud Soudan, alors que « la bataille du Nil » sur la répartition des quotas des eaux de ce fleuve africain battait son plein entre l’Egypte et les alliés africains d’Israël : l’Ethiopie et le Kenya notamment. Il pose en filigrane la question de savoir si le verrouillage du pré-carré se fera en tandem avec Israël, face à « l’expansionnisme wahhabite », selon la formule consacrée en usage dans les cercles dirigeants.

L’épisode de la répartition des eaux du Nil et de la sécession du Sud Soudan auront constitué la plus grosse pantalonnade de l’histoire égyptienne contemporaine. Pour atteindre cet objectif, Israël avait mené une stratégie à double détente qui révélera la cupidité des investisseurs égyptiens et coutera le pouvoir à Moubarak et sa place dans l’histoire.

Israël avait négocié avec l’Egypte, tout en faisant des pressions indirectes sur lui, incitant les états africains à réclamer une majoration de leur quote-part dans la répartition hydraulique du cours d’eau, alléchant les Africains par des projets économiques et les investisseurs égyptiens par des promesses d’intéressement aux projets israéliens. En Ethiopie, Israël a financé la construction de dizaines de projets pour l’exploitation des eaux du Nil Bleu. Le Mali avant son indépendance, en 1962, portait le nom de Soudan français, par opposition au Soudan anglais, le Soudan actuel.

La revendication par la secte dissidente nigériane BOKO HARAM de l’enlèvement de sept français au Cameroun, le 18 février 2013, un mois après le début de l’opération Serval plaide aussi en faveur de cette hypothèse en ce que le mouvement a voulu adresser un message subliminal aux Français en assumant son action au nom de « Jama’atu Ansarul Musilimina fi Biladi Al Soudan », littéralement le Groupement des partisans de l’Islam au Soudan (au-delà en Afrique noire) ».

 Pour en savoir plus sur ce sujet : « Le quadrillage en douceur de l’Afrique » A l’intention des lecteurs arabophones, ce lien du journal transarabe de Londres « Al Qods Al-Arabi » : Le Mali porte d’entrée d’Israël ?

Le Canal Ben Gourion.

L’accès d’Israël au périmètre du bassin du Nil, via le sud Soudan avec le concours français et usaméricain, s’est doublé de la mise en route de la construction d’un Canal reliant la Mer Rouge à la Mer Méditerranée, depuis Eilat. Disposant de deux voies de navigation, l’un pour l’aller, l’autre pour le retour, le canal israélien, contrairement à l’Egyptien concurrencera fortement le Canal de Suez et entrainera une perte de 50 pour cent des recettes égyptiennes de 8 milliards de dollars par an à 4 milliards.

D’un cout de 14 milliards de dollars, il sera financé par un prêt de trois banques américaines, à faible taux d’intérêt (1%) sur trente ans. 150 000 ouvriers majoritairement d’Asie, principalement de Corée du Sud, participeront aux travaux de construction qui dureront trois ans. Plus long de 50 mètres que son rival égyptien, le canal israélien pourra absorber les plus grands bateaux du monde (longueur 300 mètres, largeur 110 mètres).

Sur fond de guerre de religion de l’Islam wahhabite contre la dissidence musulmane, sous couvert de « Printemps arabe », (Syrie, Mord Mali), un tel projet pourrait constituer, à n’en pas douter, un casus belli pour l’Egypte et entrainer sinon une rupture des relations diplomatiques, à tout le moins une glaciation durable des rapports entre les deux pays.

L’enjeu essentiel de la question saharo-sahélienne ne se joue pas à l’échelle locale. Il concerne l’économie mondiale et le redécoupage des zones d’influence entre les puissances internationales avec l’entrée en scène de nouveaux acteurs (usaméricains, chinois, indiens) qui bousculent l’ancien paysage colonial.

L’accès convoité aux richesses minières (pétrole, gaz, uranium, or, phosphates) dont regorgent le Niger, la Libye, l’Algérie, et le Mali d’après des prospections plus récentes, est au centre de la bataille invisible qui se déroule dans le désert.

Exclue du Traité de Partenariat transpacifique en voie de constitution sous l’égide des Etats-Unis, la Chine est en outre en butte à une offensive visant à contrecarrer son expansion, dont le signe le plus manifeste aura été le gel du financement des importants projets miniers chinois par la Banque Mondiale, doublé d’une manœuvre de contournement visant à accentuer la présence des firmes américaines en République Démocratique du Congo, considéré comme le plus riche en matières premières stratégiques du continent africain.

Dans un livre blanc de 2010, « Stratégie pour les minéraux indispensables aux Etats-Unis », Washington plaidait, conjointement avec l’Union européenne, pour l’urgente nécessité de constituer des réserves de cobalt, du niobium, du tungstène et naturellement le Coltàn, indispensables pour la composition de matières de haute technologie.

Quatre-vingt pour cent (80%) des réserves mondiales du Coltàn se trouvent en République Démocratique du Congo (RDC-Kinshasa). Ressource stratégique essentielle au développement des nouvelles technologies, le Coltàn (par fusion des termes Columbio et Tantalio) entre dans la production des écrans plasma, des téléphones portables, des GPS, des missiles, des fusées spéciales, des appareils photos et des jeux Nintendo), dont les principaux bénéficiaires sont les grandes firmes électroniques et informatiques (Appel, Nokia, Siemens, Samsung).

Dans ce grand jeu des puissances, l’Afrique émerge comme champ de bataille stratégique, dont la Chine en a fait sa ligne de front dans sa recherche d’une plus grande influence mondiale, triplant son commerce avec le continent, verrouillant ses ressources énergétiques, et, fait plus grave pour l’avenir des Occidentaux, assurant l’éducation des futures élites africaines dans les universités chinoises.

Le nouvel humanitarisme sélectif des anciennes puissances coloniales, qui fustigent le Soudan mais couvrent de mansuétude d’aussi redoutables autocrates que le tchadien Idriss Deby, de même que son prédécesseur Hissène Habré, parait sans consistance face au poids d’une Chine, sans passif colonial avec l’Afrique, dispensant de surcroît un important flot de liquidités, sans contrepartie politique.

Objectif sous-jacent, Serval vise à préserver l’espace francophone, dernier réduit de la puissance française, de tout nouveau grignotage arabophone ou sinophone, alors que la Francophonie est désormais reléguée au 12 rang mondial par le nombre de ses locuteurs (120 millions de locuteurs), que le chinois occupe le premier rang avec près d’un milliard de locuteurs, et l’arabe, le 6me rang mondial avec 400 millions de locuteurs.

En blanchissant la France de ses turpitudes coloniales, Serval au Mali apparaît rétrospectivement comme une opération de verrouillage de la porte arrière du Maghreb, l’ultime digue francophone avant le débordement chinois vers l’Europe.

Quatrième partie

Le franchissement du Rubicon sur l’Ifriqiya.

La Chine et le Maghreb central

L’Algérie, le navire amiral e la flotte chinoise dans la zone sahélo saharienne

Des trois pays du Maghreb central (Algérie, Maroc, Tunisie), l’Algérie occupe et de loin la position de partenaire privilégié de la Chine, tant pour des raisons historiques que pour des affinités politiques. Un partenariat scellé du temps des guerres de libération post coloniales, quand la Chine s’appliquait à briser le blocus occidental dont elle était l’objet et l’Algérie menait sa guerre d’indépendance contre le pouvoir colonial français. Le Maroc, d’une manière affirmée, la Tunisie, d’une manière plus ductile se rangeant dans le camp pro atlantiste.

Un quatrième, la Libye, passerelle entre la Machreq (Levant) et le Maghreb (le ponant du Monde arabe), faisait figure d’un des principaux tankers pétroliers de la Chine, au même titre que le Soudan, deux pays soustraits à la prépondérance chinoise lors de la contre révolution arabe qui a suivi le « printemps arabe », avec la sécession du sud Soudan, en 2011, acte déclencheur de la révolte populaire de la Place Tarir au Caire, et la Libye, par l’intervention faussement humanitaire de l’Otan, Mars 2011.

Pays le plus riche, le plus développé économiquement, doté de l’armée la plus puissante à égalité avec l’Afrique du sud, son partenaire et frère d’armes dans le combat pour la libération de l’Afrique, le plus grand par sa superficie, de surcroit frontalier de sept pays (Maroc, Tunisie, Libye, Mali, Mauritanie, Niger et RASD), l’Algérie occupe une position centrale au Sahara et ambitionne d’être au centre du jeu d’autant plus impérieusement qu’elle est chez elle au Sahara et dispose d’une frontière commune de 1.800 km avec le Mali soit infiniment plus que la totalité du métrage de la France avec ses pays limitrophes (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Suisse).

De surcroit, l‘Algérie est avec la Russie l’un des deux principaux ravitailleurs en gaz de l’Europe occidentale, laquelle veut réduire sa dépendance de ces deux pays situés hors de la sphère atlantiste. Ultime survivant de l’ancien « front du refus arabe », flanquée désormais de deux régimes néo-islamistes, la Libye et la Tunisie, l’Algérie est ainsi rivée au sol par le dossier du séparatisme du Nord du Mali.

Elle dispose toutefois a une expertise reconnue dans le domaine de la guérilla acquise durant sa guerre de libération nationale, doublée d’une expertise dans la lutte contre le terrorisme acquise durant la décennie noire 1990-2000), mais aussi et surtout, mais cela les initiés en conviennent, sous la houlette soviétique lors de la guerre d’Afghanistan (1980-1990). De ce fait, l’Algérie n’est redevable à aucun état occidental du moindre soutien logistique ou financier dans sa guerre contre le terrorisme et apparait de ce fait comme le pays arabe le moins dépendant.

Avec 250 milliards de dollars de réserve, l’Algérie est le 2 me arabe par l’importance de ses devises, derrière l’Arabie saoudite. Elle constitue de ce fait le point d’articulation majeur de la Chine dans la zone. Leur partenariat est à l’image de la qualité de leurs relations politiques :

Revue de détails :

  • Grande Mosquée d’Alger, la plus grande d’Afrique,
  • L’aéroport international d’Alger (Houari Boumediene)
  • Le tronçon Centre et Ouest de l’autoroute Est-Ouest en 2006, (11,4 milliards de dollars)
  • Opéra d’Alger, à Ouled Fayet, 15 km au sud-ouest d’Alger, superficie 17.900 m2
  • Construction de l’hôtel Sheraton à Alger, du centre hospitalier d’Oran
  • et des dizaines de projets de loge Logements sociaux à Alger, Sétif, Annaba, Constantine, Oran et Rouïba.

Le montant des marchés accordés aux Chinois dépassent 20 milliards de dollars dont la grande mosquée d’Alger au milliard d’euros. Trente mille chinois vivent en Algérie, dont 3 600 commerçants et 567 entreprises.

Sur le plan pétrolier, un contrat de 420 millions d’euros pas été alloué au développement du gisement de Zarzaitine au Sahara. Une raffinerie doit également être construite dans la région d’Adrar à proximité du bassin de Sbaâ. Selon les prévisions des stratèges occidentaux, l’Afrique subsaharienne risque de supplanter le Moyen-Orient, en tant que principal fournisseur énergétique des Etats-Unis. L’Afrique occidentale dispose de près de soixante milliards de barils de réserves pétrolières avérées. Son pétrole à faible teneur en soufre, est un brut doux, fort apprécié par les pétroliers américains.

Parallèlement à ces découvertes, les Etats-Unis ont multiplié les initiatives diplomatiques et militaires en vue de sceller les pays africains à la stratégie globale américaine. Des points d’intervention favorisant le déploiement rapide des forces américaines ont été aménagés dans la zone sahélienne sénégalo-malienne, ainsi qu’en Namibie à la frontière avec l’Angola.

Des opérations conjointes avec les pays du Sahel ont été lancées en 2003-2004 contre le groupe Salafiste pour la prédication et le combat (GPS) dans le cadre du « programme de contre-terrorisme en Afrique ». Les attaques contre les touristes français en Mauritanie en décembre 2007, entraînant l’annulation du rallye automobile Paris-Dakar et son transfert vers l’Amérique Latine, de même que l’attentat contre l’ambassade israélienne à Nouakchott témoignent des réticences locales et régionales au déploiement US en Afrique.

Porte de l’Afrique via le Sahara, deux pays du Maghreb, l’Algérie et le Maroc avaient été sollicités pour abriter le Quartier général de l’AFRICOM. Désireux de l’abriter, le Maroc y voyait un moyen pour le Royaume chérifien de pérenniser sa souveraineté sur le Sahara occidental face aux revendications indépendantistes de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) soutenue par Alger. Une hantise du trône chérifien. A tout prendre, les Etats-Unis vouaient toutefois une secrète préférence pour l’Algérie, pays au nationalisme chatouilleux, dont l’adhésion au projet aurait renforcé sa crédibilité.

Maroc et Tunisie : deux flotteurs d’escorte du navire amiral Algérie.

Deux pays résolument pro occidentaux, le Maroc et la Tunisie apparaissent dans le dispositif chinois comme des flotteurs d’escorte du navire amiral Algérie, leur principale place forte en Méditerranée occidentale.

Chine-Tunisie : Pendant 23 ans sous le joug du dictateur Zine el Abidine Ben Ali, ancien Overseas officer des services de renseignements américains, la Tunisie est réduite à la portion congrue dans ses rapports avec la Chine.

Seul fait notable, la coopération nouée dans le domaine ferroviaire avec la fourniture par la Chine de 20 rames de trains d’une valeur de 133 millions de dinars (environ 85 millions de dollars) en vue de relier la capitale Tunis à dix villes de l’intérieur : Béja, Jendouba, Ghardimaou, Gaafour, Dahmani, le Kef (vers le Nord-ouest), Mateur et Bizerte vers l’extrême Nord et Sousse et Sfax.

La Chine pourrait se voir confier le grand projet de construction d’un deuxième aéroport international à Tunis. La ratification d’un accord économique et technique entre la Chine et la Tunisie a donné lieu à une donation de 80 millions de yuans soit 19 MD. Cette opération qui a eu lieu sous le nouveau régime néo islamiste a donné lieu à des supputations sur une possible évaporation de recettes, l’expression pudique pour désigner un détournement, de l’ordre d’un million de dollars.

Sur fond de sourde tension entre la France et la Tunisie, résultant du soutien inconditionnel de Paris à la dictature Ben Ali et des interférences de Manuel Valls, ministre socialiste de l’intérieur dans les affaires tunisiennes, toute éventuelle maladresse française pourrait conduire la Tunisie à s’adosser davantage sur la Chine au détriment des intérêts français.

Chine Maroc : Deux pays de vieilles civilisations.

Deux pays de vieilles civilisations, la Chine et le Maroc, contrairement aux apparences, entretiennent des relations cinquantenaires, établies en 1958 dans la foulée de l’accession du Maroc à l’Indépendance. Longtemps limitées, les échanges se sont amplifiées du fait de l’accession de la Chine au de 5eme fournisseur du Maroc devant les Etats-Unis et l’Allemagne. 5eme puissance économique d’Afrique, premier producteur et exportateur de phosphates du Monde, à la jonction de l’Océan Atlantique et de la Mer Méditerranée, le Maroc offre des perspectives attrayantes à la Chine qui lui importe, depuis 2011, 750 000 tonnes d’engrais phosphatés par an.

En dehors de tout contentieux, les rapports Chine-Maroc paraissent toutefois devoir rester limiter en raison du rôle du Maroc sur le continent africain. Partenaire occulte de la diplomatie souterraine israélo-arabe, voltigeur de pointe de la stratégie atlantiste en Afrique, le positionnement marocain se situe dans le prolongement de la coopération stratégique des Etats-Unis avec les pétromonarchies du Golfe. Dans le droit fil de cette coopération, le Royaume chérifien s’est toujours situé en pointe du combat pour la défense des intérêts occidentaux sur le continent africain, un combat qu’il confond d’ailleurs avec la survie du régime monarchique.

Membre du « Safary club » au paroxysme de la guerre froide soviéto-américaine (1948-1989), le Maroc a assuré la protection et la survie des régimes pro-occidentaux africains, notamment le Zaïre de Mobutu et le Togo de Eyadema au sein d’une alliance secrète conclue avec les encouragements des Etats-Unis, entre l’Arabie saoudite, qui en était le financier, la France, son stratège, et le Maroc, son exécutant.

Base de repli du commandement stratégique français du temps de la guerre froide, ce rôle souterrain s’est d’ailleurs manifesté de manière éclatante par les complicités françaises dans la disparition de Mehdi Ben Barka, chef de l’opposition marocaine, de même que par le rôle dépotoir assumé par le Maroc pour les tyrans déchus pro occidentaux et décrétés ipso facto indésirables par leur ancien protecteur malgré leur état de service patenté. Cela a été le cas avec l’asile accordé au Président zaïrois Mobutu, répudié par la France dont il a pourtant été un zélé serviteur pendant près de trente ans.

Les Etats Unis d’Amérique avaient d’ailleurs caressé le projet d’aménager au Maroc le Quartier général de l’AFRICOM, le nouveau corps d’armée affecté à l’Afrique. Un choix par défaut, après le refus de l’Algérie et du Nigéria, deux acteurs majeurs du continent d’accueillir le QG du 7eme corps d’armée US. Soucieux de diversifier leurs alliances, les Etats-Unis s’étaient d’abord tournés vers ces deux puissances émergentes d’Afrique, bien que la première soit en butte à des actions de type terroriste (Boko Haram) et le second à des opérations de déstabilisation cycliques.

La région de Tan Tan, à l’extrême sud du Maroc, à la limite des frontières du Sahara Occidental, à proximité de la bourgade de Ras Dari, a vocation à abriter ce projet ou d’éventuels projets futurs similaires. Du fait de sa proximité des côtes atlantiques marocaines, le site offre des facilités pour l’US Navy. Outre la base de Tan Tan, les Etats-Unis disposent au Maroc de la base aérienne de Ben Jarir, à une soixantaine de kilomètres de Marrakech ainsi que du site-relais de VOA (Voice of America) à Tanger.

Survivance d’une tradition coloniale, l’Africom était auparavant rattaché au commandement européen à Stuttgart auprès de l’USEUCOM (United States European Command). La région du Sahel, notamment le Mali et la Mauritanie, constituent une base de repli pour les groupements djihadistes. Auparavant, les Etats-Unis surveillaient l’Afrique à travers trois commandements : Central Command (CENTCOM) dont la zone de responsabilité s’étendait sur 27 pays dont sept sont africains, le Commandement Européen (EUCOM), sa zone couvrant 91 Etats dont 42 sont africains, enfin le Commandement pacifique (PACOM) qui a autorité sur une zone couvrant Madagascar et les îles en périphérie de l’est du continent africain.

Pur hasard ou fâcheuse coïncidence ? Les trois pays de la zone sahélo saharienne, le Soudan, la Libye, le Nord Mali, situés dans la sphère d’influence chinoise, ont en effet été la cible d’une opération déstabilisation à la faveur de la contre révolution arabe menée par le camp atlantiste. Le Mali, curieusement, par le mouvement islamiste pro qatariote, « Ansar Ed Dine », les partisans de la religion, l’un des affluents d’Al-Qaida.

Symbole de la coopération saoudo américaine dans la sphère arabo musulmane à l’apogée de la guerre froide soviéto-américaine, le mouvement d’Oussama Ben Laden avait vocation à une dimension planétaire, à l’échelle de l’Islam, à la mesure des capacités financières du Royaume d’Arabie.

Le Djihad a pris une dimension planétaire conforme à la dimension d‘une économie mondialisée par substitution des pétromonarchies aux caïds de la drogue dans le financement de la contre révolution mondiale. Dans la décennie 1990 -2000, comme dans la décennie 2010 pour contrer le printemps arabe. Si la Guerre du Vietnam (1955-1975), la contre-révolution en Amérique latine, notamment la répression anti castriste, de même que la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être largement financés par le trafic de drogue, l’irruption des islamistes sur la scène politique algérienne signera la première concrétisation du financement pétro monarchique de la contestation populaire de grande ampleur dans les pays arabes.

Dommage collatéral des rapports de puissance, l’Algérie en paiera le prix en ce que ce pays révolutionnaire, allié de l’Iran et de la Syrie, le noyau central du front de refus arabe, évoluait en électron libre de la diplomatie arabe du fait de la neutralisation de l’Egypte par son traité de paix avec Israël et de la fixation de la Syrie dans la guerre du Liban.

Les Islamistes algériens joueront toutefois de la malchance en ce que le déploiement de troupes occidentales, -dont soixante mille soldats juifs américains-, à proximité des Lieux Saints de l’Islam, dans la région occidentale du royaume, à l’occasion de la première guerre anti irakienne du Golfe, en 1990, les placera en porte à faux avec leurs bailleurs de fonds, contraignant leur chef Abassi Madani à prendre ses distances avec les Saoudiens. Au titre de dommage collatéral, le débarquement des « forces impies » sur la terre de la prophétie constituera le motif de rupture entre Oussama Ben Laden et la dynastie wahhabite.

L’instrumentalisation de l’Islam comme arme de combat politique, en tant qu’anti dote au nationalisme arabe anti américain, dans la foulée de l’incendie de la Mosquée d’Al Asa (1969), a entrainé un basculement du centre de gravité du Monde arabe de la rive méditerranéenne vers le golfe, c’est-à-dire des pays du champ de bataille vers la zone pétrolifère sous protectorat anglo-américaine. Avec pour conséquence, la substitution du mot d’ordre de solidarité islamique à celui mobilisateur d’unité arabe ainsi que le dévoiement de la cause arabe, particulièrement la question palestinienne, vers des combats périphériques (guerre d’Afghanistan, guerre des contras du Nicaragua contre les sandinistes), à des milliers de km de la Palestine, et dans l’époque contemporaine à des guerres contre les pays arabes eux-mêmes (Libye, Syrie) ou des pays africains (Nord Mali).

Sous couvert de guerre « préemptive » contre la « terreur », les Etats Unis mènent en fait, dans l’ordre subliminal, une guerre « préventive » contre une menace chinoise autrement plus terrible. « C’est en poursuivant un islamisme radical humilié avec constance pour en faire un méchant présentable, que les Américains mettent en place le dispositif militaire et stratégique nécessaire à l’affrontement inévitable avec la Chine », soutient Jean‐François Susbielle, dans son ouvrage « Chine-Etats Unis, la guerre programmée »-First Edition- 2006. « L’installation de bases militaires permanentes au pourtour de la Chine et les initiatives géopolitiques usaméricaines à l’égard du Moyen-Orient s’inscrivent dans les préparatifs d’une logistique de guerre contre Pékin. Les Etats Unis et la Chine ont bientôt rendez-vous avec l’histoire », prédit Jean‐François Susbielle.

La déstabilisation de l’Algérie a figuré, à nouveau, à l’ordre du jour du « printemps arabe des pays occidentaux » en ce qu’elle était prévue dans la foulée de la mainmise occidentale sur la Libye, à en juger par les prédictions de Nicolas Sarkozy, avant son trépassement politique, s’exclamant par répétition ponctuée de sauts de cabri « dans un an l’Algérie, et dans trois ans l‘Iran ». L’Algérie, tout comme l’Iran et la Syrie, figurent dans le nouvel axe du mal profilé par les stratèges occidentaux pour maintenir sous pression les pays émergents, situés hors de l’orbite occidentale. Mais le positionnement algérien vis-à-vis de l’opération Serval, l’expédition française au Mali, pourrait avoir infléchi la donne.

Qui tient l’Afrique tient l’Europe, disait Karl Marx.

L’axe Chine Europe constitue les deux extrémités de la vaste étendue continentale euro asiatique, le centre de gravité pérenne de la géostratégie de l’Histoire de la planète, matérialisée par la route de la soie, du parfum, de l’encens et tout dernièrement de la route de la drogue. L’Afrique du Nord en constitue le segment sud. Terre d’élection de la sous-traitance de l’industrie européenne, la Tunisie abrite près de deux mille entreprises délocalisées dans le domaine de l’industrie mécanique et électronique, le textile et l’habillement. Employant deux cent mille ouvriers et ouvrières, il exporte 97% de sa production vers l’Union européenne. Une situation identique pour le Maroc.

Le Maghreb central constitue un ensemble régional de plus de trois millions de kilomètres, avec quatre- vingt millions d’habitants, avec en perspective une projection d’une augmentation de sa population d’un tiers pour atteindre les cent vingt millions à l’horizon de l’an 2020. Ce partenaire de premier plan de l’Europe, dont il borde le flanc méridional, à la jonction du monde arabo-berbère et africain, a vu son économie sinistrée par la Kleptocratie, le népotisme, la prédation de son économie, les tares propres aux dictatures, et, dans un contexte de mondialisation accélérée et de concurrence exacerbée, par la prépondérance des échanges avec l’ancienne métropole sur la coopération Sud-Sud et les échanges interarabes et arabo-africains.

A l’instar des autres pays arabes, le Maghreb souffre de l’absence d’un projet viable de société, d’une déperdition d’énergie et d’un autoritarisme bureaucratique. Un quart de siècle après le vent de fronde qui a soufflé sur le Maghreb (1984), alimenté par un mécontentement populaire diffus et par le marasme économique mondial, dans un monde arabo-musulman en crise d’identité, un nouvel élan populaire est en train de mettre à bas le savant édifice mis sur pied sur la rive sud de la Méditerranée en vue d’y pérenniser l’hégémonie occidentale sur la zone. En contrecoup, cet édifice a maintenu le Maghreb en situation de marché captif, pour en faire un défouloir de la société occidentale pour son tourisme de masse, son atelier au rabais pour le maintien de la compétitivité internationale de l’Europe, le refuge de ses retraités en fin de vie, le glacis stratégique du pacte atlantique face à la percée chinoise en Afrique et son arrière-cour économique et sa basse-cour politique.

Ce Maghreb-là constitue précisément la dernière digue avant le contournement complet de l’Europe par l’Afrique, selon le vieux principe maoïste d’encercler les villes par les campagnes. Si la Chine sortait vainqueur de son jeu de go, la France, le maillon faible du dispositif du bloc atlantiste dans le secteur, sera immanquablement vouée au rôle de maillon manquant du directoire mondial de la planète en ce que le Maghreb, longtemps sa zone d’influence privilégiée, représente le principal gisement de la francophonie et la zone de sous-traitance de l’économie française, gage du maintien de sa compétitivité.

« Pour gagner une guerre, il s’agit de ne pas la faire et, si possible, d’en mener en réalité une autre, dissimulée et farouchement niée. L’art de la guerre est de mener dans le brouillard l’adversaire au point où, à la limite du déclenchement du conflit, il s’aperçoit que le combat est devenu inutile parce qu’il a déjà perdu. Le vrai stratège construit sa politique (car c’est de politique qu’il s’agit) par tous les moyens, en fonction du traité qu’il imposera à son adversaire, en lui laissant la « face sauve » et même en allant jusqu’à lui représenter qu’il y trouve son compte, recommandait Sun Tzu, le grand stratège chinois du IV siècle avant notre ère dans son célèbre livre « L’art de la guerre ».

Une spirale paranoïde : La Chine plus important créancier des Etats-Unis d’Amérique, détentrice d’un consistant matelas de bons de trésor de l’ordre de 1 800 milliards de dollars, perçoit annuellement près de 50 milliards de dollars au titre des intérêts de la dette, qu’elle s’empresse de réinvestir en Afrique en une spirale paranoïde qui aboutit à ce que l’Amérique finance l’expansion chinoise en Afrique, qu’elle entend combattre. Même pulsion paranoïde de la part de la France qui s’acquitte annuellement de 50 milliards d’euros au titre des intérêts de la dette colossale, tout en se refusant à effacer le fardeau de la dette africaine.

Au terme d’une navigation centenaire, réplique lointaine de la « Guerre de l’Opium », en 1840, qui a contraint la Chine à s’ouvrir au commerce européen, la flotte du Grand Timonier, bravant tempêtes et écueils, est parvenue enfin à bon port. Abordant victorieusement les « Marches de l’Empire ». A la vitesse d’une tortue.

Six siècles après Vasco de Gama, parvenu en Chine grâce au concours de son guide, le navigateur arabe Ahmad Ibn Majid, six siècles après le débarquement de Marco Polo, qui força la Chine à adopter les normes occidentales, l’empire du Milieu se vit et se veut désormais comme le centre du Monde. Ses descendants, en moins de deux décennies, ont lavé l’humiliation nationale délogeant les anciennes puissances coloniales de leur marché captif de l’Afrique, faisant de la Chine la 2me puissance économique du continent. La façon chinoise de rendre la monnaie de leur pièce à ses rivaux occidentaux.

Aux extrémités du Mare Nostrum, une ligne médiane va d’Alger au port grec du Pirée, la place forte chinoise pour le commerce européen. Une ligne perçue par l’ensemble de la planète comme la nouvelle ligne de démarcation des nouveaux rapports de forces mondiaux. Une ligne tracée à l’encre de Chine. Une encre indélébile. A quelques encablures du Colosse de Rhodes.

« Hic Rhodus Hic Salta » : Le passage du Rubicon se fera aussi par la Méditerranée occidentale, l’Afrique du Nord, le Maghreb, le ponant du Monde arabe, l’ancienne Ifriqiya de l’époque romaine.

Rene Naba pour En point de Mire

http://www.renenaba.com

Notes

[1Du Bon usage des principes universels, notamment du principe de la liberté de navigation, Cf. « Golfe : les enjeux sous-jacents du détroit d’Ormuz »

[2Le Cauchemar de Darwin (Darwin’s Nightmare) est un film documentaire de Hubert Sauper de 2004 sur les conséquences de la mondialisation, prenant argument les trafics autour de l’aéroport de Mwanza, en Tanzanie, sur les bords du lac Victoria. Un poisson introduit dans les années 1960, la perche du Nil (Lates niloticus) a remplacé une grande partie des 200 espèces différentes de poissons endémiques (entraînant une modification du biotope et l’extinction de nombreuses espèces) Son commerce, devenu florissant, alimente depuis près de vingt ans les tables et les restaurants des pays du Nord, avec des exportations qui peuvent dépasser 500 tonnes de filets de poissons par jour. La perche est préparée sur place dans des usines financées aussi par des organisations internationales et 40 %, la population se contentait de se nourrir des carcasses des poissons séchées Autour de cette exportation massive se développent tous les trafics liés à une urbanisation intense et brutale (prostitution, sida, drogue). L’auteur suggère que les avions cargo (russes ou ukrainiens) ne reviennent pas à vide et alimentent le trafic d’armes à destination de la région des Grands Lacs.

[3« The Constant Gardner » est un film britannique (2005) adapté du best-seller éponyme de John le Carré, le maitre espion britannique. Traduit en français sous le nom La Constance du jardinier, le film est le récit des manipulations de l’industrie pharmaceutique britannique et leur usage de la population africaine à titre de cobaye pour tester leurs produits nouveaux et d’écoulement de leurs produits avariés.

[4A propos des enjeux sous-jacents de l’opération Serval. CF. « Au Mali, La France joue son rang de puissance »
Et pour EUFO Cf. « Le quadrillage en douceur de l’Afrique » Eu for-Tchad/RCA est une opération militaire de transition chargée notamment de la protection de la population en proie à la guerre civile dans l’Est du Tchad et dans le Nord-Est de la République centrafricaine. Sa mise en place a été décidée par l’Union Européenne le 28 janvier 2008, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), en vue de faire face à la crise du Darfour dans la zone frontalière soudano-tchadienne. Forte de trois membres, le contingent français en constituait l’ossature (1 700 membres).

[5La crise de Fachoda : Dans l’imaginaire collectif français, l’épreuve de force qui opposa Paris et Londres, en 1898, demeure comme le plus important revers militaire et diplomatique, une profonde humiliation infligée par le Royaume uni à la France sur le continent africain. Ce sérieux incident diplomatique au retentissement considérable en pleine phase d’expansion coloniale entraîna la fin des ambitions françaises sur l’Egypte et la zone nilotique (Egypte, Soudan, Ouganda), alors qu’elle avait été le maître d’œuvre du percement du Canal de Suez. Le site de Fachoda (ou Kodok) est situé à 650 km au sud de la capitale soudanaise.

[6« Israel et le contrôle des terres dans le Monde » Cf. Golias Hebdo N° 275 - semaine du 14 au 20 Février 2013, se référant à une étude de The Journal of the National Academy of Sciences of the United States, étude intitulée « Global Land and Water Grabbing » (accaparement mondial de la terre et des eaux). Israël est à la tête des pays qui contrôlent les terrer dans les pays pauvres, avec les Etats Unis, la Grande Bretagne et la Chine. Selon l’étude 90 % de ces terres se trouvent dans 24 pays situées pour la plupart en Afrique, en Asie et en Amérique latine. En Colombie, Israël a pris le contrôle d’immense superficie pour cultiver la canne à sucre. Aux Philippines, la proportion des terres confisquées atteint 17,2 % de la surface des terres agricoles. Depuis la crise alimentaire de 2007-2008, les sociétés étrangères s’emparent de dix millions d’hectares annuellement de terres arables. Les nouvelles cultures se font souvent au détriment des jungles et des zones d’importance environnementales, menacées ans leur biodiversité. Elles utilisent engrais et pesticides et libèrent d’importantes quantités de gaz à effet de serre. Au final, le phénomène sape les bases de la souveraineté alimentaire et détourne en particulier les ressources en eau.

[7Canal Ben Gourion : Cf. Le journal transarabe de Londres « Al Qods Al Arabi », 19 Mars 2013. Israël proposerait à la Jordanie d’aménager des sites touristiques sur la voie d’eau afin de neutraliser une éventuelle réaction de la part du deuxième pays arabe signataire d’un traité de paix avec Israël. Sur les berges du canal israélien seront aménagées des sites touristiques avec hôtels de luxe, lieux de distraction en vue d’en faire un gigantesque complexe touristique dont le périmètre sera placé sous haute surveillance électronique avec détection Laser.
Le Qatar avait auparavant proposé à l’Egypte de lui louer le Canal de Suez pour cinquante ans pour la somme de cinquante milliards de dollars afin de renflouer l’économie égyptienne, à charge pour le Qatar d’assurer la sécurité de la navigation, notamment la péninsule de Sinaï des attaques terroristes et de rassurer ainsi les israéliens.
La protection du Canal et de la Péninsule du Sinaï devait être assurée par des compagnies militaires privées. Le Qatar se proposait de déployer Black Water, les mercenaires américains qui se sont illustrés en Irak, pour cette tâche. En fait l’Egypte perdrait sa souveraineté. L’idée en a été soufflée par les israélo américains et viserait à empêcher l’Egypte de déployer des troupes supplémentaires, notamment une aviation dans le Sinaï.
Mais le projet battait de l’aile car depuis la 2ème attaque israélienne contre Gaza (Novembre 2012) et le rôle joué par l’Egypte, les Américains étaient satisfaits du rôle de prestataire de service du président égyptien Mohamad Morsi. Youssef Al-Qaradawi, le prédicateur médiatique, avait d’ailleurs menacé l’Egypte de lui couper une aide de 20 milliards de dollars promise en cas de mise en échec de Morsi par le protestataire anti constitution.
Sur le plan du camp palestinien de Yarmouk, dans la banlieue de Damas : Le Hamas qui avait bénéficié de l’hospitalité active de Hafez et de Bachar pendant seize ans, s’est allié avec Al Qaida (alliance sunnite) pour s’emparer du contrôle de camp et en faire un sanctuaire de l’opposition et un vivier de combattants anti-régime. Le Hamas a ainsi troqué une alliance stratégique pour une nouvelle alliance sur une base sectaire, le sunnisme, le seul point commun aux deux organisations, qui n’ont pas d’autres points communs. Le saoudien transnational ‘un est purement terroriste, c’est à dire pratiquant une politique de nuisance par la terreur, alors que le palestinien se veut un mouvement de libération nationale.

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