Portada del sitio > Imperio y Resistencia > Unión Europea > Le Parlement européen a repoussé un Traité Antiterroriste avec Washington
Les Etats-Unis perdent l’accès à des informations sur la vie privée européenne.
Depuis les attentats de septembre 2001, les pays de l’Union Européenne ont partagé avec les États-Unis des informations sur les transferts bancaires de citoyens européens. Hier ils l’ont rejeté malgré la pression du lobby conservateur.
Par Nicolás Nagle
Página 12 . Depuis Bruxelles, le 12 Février 2010.
En désobéissant aux ordres des gouvernements des États membres, le Parlement Européen rejette un traité de lutte antiterroriste qui aurait permis aux États-Unis de continuer à avoir accès aux informations sur les transferts bancaires.
Depuis les attentats de septembre 2001, les pays de l’Union Européenne ont partagé avec les États-Unis des informations sur les transferts bancaires des citoyens européens. Selon Washington, il s’agit d’un dispositif essentiel pour suivre la trace du financement d’organisations terroristes et empêcher ainsi d’éventuelles attaques. Cet accord ne fut jamais formel et l’accès à l’information était unidirectionnel - les États-Unis pouvaient examiner les données des citoyens européens mais non l’inverse.
Cet arrangement a été critiqué par divers parlementaires européens, puisqu’il a été conclu à portes fermées et dans le dos de la citoyenneté. Dans le passé, Washington a été accusé d’abus de pouvoir pour l’utilisation arbitraire de l’information. « Je suis contre le fait que des organisations comme la CIA obtiennent des information sur des citoyens européens en prenant comme excuse la lutte contre le terrorisme », a affirmé un eurodéputé communiste grec.
Hier, le Parlement Européen a rejeté la proposition, par 378 votes contre 196. L’accord visait à donner un cadre légal à l’accès de Washington aux transferts bancaires réalisés par l’entreprise Swift basée en Belgique. SWIFT contrôle les transferts de milliers de banques, y compris la majorité des banques européennes.
Durant les jours précédant le vote, il y a eu des tentatives désespérées de la part des gouvernements européens et des autorités états-uniennes pour inverser la tendance. La secrétaire d’État des États-Unis, Hillary Clinton, s’est rendue d’urgence à Bruxelles pour presser les députés européens de voter en faveur du traité.
Parmi les pays membres, une vaste majorité soutenait le traité. Pas tant par crainte des terroristes que par celle de perdre les faveurs de Washington. L’accord était majoritairement défendu par les partis conservateurs européens, qui craignaient qu’un vote négatif n’affecte leur relation avec les États-Unis. Même le gouvernement de centre-gauche de José Luis Rodríguez Zapatero - qui occupe actuellement la présidence tournante de l’UE - a fait tout son possible pour que l’accord aboutisse. En fait, la plupart des gouvernements européens avait cédé aux pressions massives venant de Washington.
Le président conservateur de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, avait lui aussi désespérément essayé de vendre l’accord aux députés européens et à l’opinion publique, affirmant qu’il s’agissait d’un outil fondamental pour la lutte antiterroriste.
La conservatrice suédoise Ceclia Malmström, actuelle commissaire des Affaires Européens, a fait une dernière tentative pour sauver le traité - en essayant de faire ajourner le vote - mais sans succès.
En novembre 2009 les ministres de l’Intérieur européens avaient provisoirement approuvé l’accord. Sous pression de Washington, on cherchait à faire approuver ce traité avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui donne un pouvoir de décision au Parlement Européen, ce que les États-Unis voulaient justement éviter.
À présent, suite à ce rejet du Parlement Européen, ce qui avait été accordé précédemment n’est plus valable. Beaucoup de leaders à Bruxelles se sont mis à reconsidérer la portée des réformes contenues dans le Traité de Lisbonne. Parmi d’autres modifications, ce traité, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2010, accroît considérablement les pouvoirs du Parlement Européen, organisme législatif de l’UE.
Étant la seule institution dont les membres sont élus par vote populaire direct, le Parlement Européen a plus de légitimité aux yeux de la citoyenneté européenne que d’autres organismes de l’UE. Le fait que les députés européens soient élus au suffrage universel établit une différence substantielle vis-à-vis de la Commission et du Conseil dont les membres sont choisis à huis clos. De même, le fait que les députés européens soient directement responsables devant la citoyenneté les rend plus sensibles à l’opinion de la population et moins réceptifs aux pressions de Washington et d’autres intérêts.
La décision a rendu les chefs d’État des pays membres furieux et inquiets par le tour inattendu des événements et le rôle croissant du Parlement Européen.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.
Révisé par : Marina Almeida