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8 novembre 2012

Le Chili : la fin d’un cycle ?

par José Steinsleger *

 

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Semblables, hétérogènes, avec imagination, courage et audace, les luttes émancipatrices de l’Amérique Latine commencent à parcourir des chemins inusités, et avec plus de cohérence et clarté que celles d’autres latitudes du monde.

Toutes signalent l’ennemi : le capitalisme sauvage. Cependant, leurs stratégies divergent à un tel degré que parfois il semblerait qu’elles n’existent pas (Mexique, Chili). Certains processus comptent 30 ans de lutte armée féroce, avec des discussions qui se terminent par une voie sans issue (Colombie), et d’autres ratifient dans les urnes leurs conquêtes politiques et sociales (Venezuela, Argentine, Cuba, Équateur, Bolivie, Nicaragua).

Les processus d’émancipation requièrent d’être vus en fonction de leurs particularités nationales, et de leur développement historique. ce qui étend à rompre avec la facilité galvaudée (béate ?) du général et de l’universel.

Voyons le Chili. Au siècle dernier, le pays de la cordillère des Andes a toujours présenté un aspect de paradigme et de modèle, en commençant par un système démocratique où, comme l’a bien souligné Ernesto Carmona, la droite « chimiquement pure » a gagné les élections présidentielles seulement en trois occasions : 1932, 1958 et 2010.

Avant la dernière, la « transition pacifique du socialisme » (1970) s’est terminée dans une introduction violente et sans anesthésie du néolibéralisme (1973-89), et après est arrivée l’ambidextre et perverse chaîne d’intérêts qui s’est faite appelée « Concertation » (1990-2010).

Pendant 16 ans, les usines médiatiques et universitaires de la social-démocratie européenne se sont « expliquées » la dictature chilienne comme une « réaction naturelle » à la dite guerre froide contre les expériences comme la révolution cubaine.

De la main de Felipe González, la CIA et les Pactes de la Moncloa (1977), une génération d’intellectuels et d’hommes politiques chiliens ont avalé à volonté le conte de « l’un et l’autre extrêmes ». Jusqu’à ce qu’ils pactisent finalement avec le tyran, la « transition ». Ils disaient : tout pourvu qu’on ne retourne pas au « précédent » !

Mais maintenant, après les élections municipales du 28 octobre 2012 pour élire 345 maires et plus de 2 000 conseillers … : faut-il enregistrer comme un triomphe ou un échec politique l’ incroyable abstention de plus de 60 % des inscrits ?

Sur un total de 13 millions d’électeurs potentiels, le centre-gauche a obtenu 44 % des votes, et la coalition au pouvoir qui appuie le président Sebastián Piñera 38% : « Renovación Nacional » y « Unión Demócrata Independiente » ante (RN et UDI : millions 100 mille votes).

La majorité actuelle a perdu des communes stratégiques de la capitale : Santiago Centro, Indépendance, Nuñoa, Recoleta, Providence et Concepción (dans la région de Bío Bío). À Santiago Centro a triomphé de façon inespérée Carolina Tohá (Partido por la Democracia), ex-porte-parole de l’ex-présidente Michelle Bachelet. A la Recoleta, à l’heure de la fermeture des bureaux de votes, l’analyste Enrique Torres a observé que 16 tables avaient zéro vote.

Avec à peine 20 suffrages de différence, Nuñoa a préféré la socialiste Maya Fernández (petite-fille de Salvador Allende) au maire Pierre Sabat (RN). Et à Providencia, une dirigeante surgi des mouvements sociaux et citoyens, Josefina Errázuriz, a battu le maire Cristián Labbé, ex-garde du corps de Pinochet qui allait vers sa cinquième réélection. Labbé a déclaré : « A triomphé la haine ».

De son côté, le discrédité Marco Enríquez-Ominami (Partido Progresista) a concouru à l’extérieur des deux blocs dominants, et a obtenu 2 % des votes. Le reste des groupements ont totalisé moins de 5 %.

A titre d’exemple, il convient de souligner le déclin du légendaire Parti Communiste (PC) : en 2004 il a obtenu un peu plus de 299 000 votes, 277 000 en 2008 et, malgré l’apparition spectaculaire en 2011 de Camila Vallejo (jeune leader communiste avec un énorme potentiel),elle a obtenu 263 000 votes. L’optimisme du PC a été pathétique. Sur son portail web il a qualifié les élections « d’une leçon démocratique pour construire une démocratie » …

Les interprétations se multiplient. On accuse une gestion mafieuse du système électoral (Carmona), signalant que Salvador Allende, avec milliers de défunts et de disparus pendant la dictature, figurait dans sur les listes électorales (Torres), ou accusant Piñera d’intervention électorale (socialistes et démocrates-chrétiens).

A vrai dire la majorité des jeunes âgés de moins de 30 ans se sont abstenus de voter, mais il est difficile de savoir si telle attitude favorise les changements que les Chiliens exigent, ou si l’abstention électorale est porteuse de quelque chose de plus dense et transcendant.

Insensibles et sourds aux signes annonciateurs d’une catastrophe politique plus grande, les « ingénieurs du consensus » parient sur : Michelle Bachelet présentera-t-elle sa candidature pour les élections présidentielles de 2013 ?

Le Chili a eu seulement trois constitutions : 1833, 1925 et celle en vigueur, imposée par Pinochet en 1980. Nombre de jeunes qui ont forgé leur conscience politique en se battant dans les rues, croient que peut-être c’est le moment de changer la Constitution pinochetiste.

Plus ou moins politisée, la jeunesse chilienne a appris quelque chose de fondamental : qu’aucune démocratie ne pourra être légitime quand les complices du terrorisme de l’État ont transformé la loi suprême de la nation en loi suprême de leurs intérêts.

José Steinsleger pour La Jornada. México, le 7 novembre 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 8 novembre 2012.

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