Accueil > Les Cousins > Chili > La perspective d’un procès par contumace de Pinochet se précise
L’enquête française sur cinq victimes de la dictature chilienne du général Augusto Pinochet touche à sa fin, laissant entrevoir la tenue d’un procès par contumace devant la cour d’assises de Paris fin 2003 ou début 2004 de 18 personnes, dont le général Pinochet lui-même.
La juge d’instruction Sophie-Hélène Chateau a annoncé mercredi aux proches des Français disparus la fin imminente de ses investigations dans cette enquête débutée en novembre 1998.
Au terme d’une enquête de quatre ans, véritable travail de fourmi pour reconstituer « le puzzle de la mémoire des témoins » selon la formule de Me William Bourdon, avocat de trois familles de disparus, les juges successifs sont parvenus à établir la chaîne de responsabilité dans la disparition de quatre des cinq Français au dossier d’après les parties civiles. Les parties civiles se verront notifier officiellement dans les jours à venir la clôture de l’instruction.
Il s’agit de Georges Klein, conseiller politique au cabinet de l’ancien président chilien Salvador Allende, arrêté le 11 septembre 1973, d’un ancien prêtre, Etienne Pesle, interpellé le 19 septembre 1973, et de deux membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), Alphonse Chanfreau et de Jean-Yves Claudet-Fernandez, arrêtés respectivement le 30 juillet 1974 et le 1er novembre 1975 dans le cadre du plan Condor.
Seul le cas de Marcel Amiel Baquet, disparu le 9 février 1977 en Argentine, n’a pas été élucidé.
Ainsi, 18 personnes, 17 Chiliens et un Argentin, essentiellement des militaires parmi lesquels le général Pinochet et quatre généraux à la retraite, sont mises en cause pour « séquestration accompagnée ou suivie d’actes de torture » ou complicité.
Figurent notamment dans le dossier le général Manuel Contreras, fondateur de la police secrète du général Pinochet, la DINA, et Paul Schaefer, fondateur de la Colonie de la Dignité, vaste domaine situé dans la cordillère des Andes où ont été séquestrés des opposants politique sous la dictature Pinochet.
Un procès, même en son absence, serait le premier pour Augusto Pinochet, qui bénéficie dans son pays de l’immunité accordée aux ex-présidents du Chili.
Une fois l’enquête officiellement terminée, les parties civiles disposeront de 20 jours pour déposer des demandes d’actes complémentaires, ce qu’elles n’ont pas l’intention de faire pour le moment.
Le dossier sera ensuite transmis au parquet de Paris. Il appartiendra enfin au juge d’instruction de renvoyer ou non les 18 mis en cause devant une cour d’assises.
Leur présence au procès apparaît d’autant peu probable que les mandats d’arrêt internationaux lancés contre eux n’ont pas été transmis aux autorités chiliennes.
« Il semble que les autorités françaises n’aient pas fait les démarches nécessaires pour assurer une diffusion effective des mandats d’arrêts qui n’ont été diffusés que par Interpol », a expliqué Me Bourdon, ajoutant qu’il allait renouveler ses démarches auprès de la Chancellerie.
Me Bourdon a par ailleurs salué le travail des juges français « qui ont fait tout ce qu’ils ont pu dans ce dossier » en dépit des obstacles rencontrés.
Récemment, après avoir tenté en vain d’interroger l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger (1973-1977) en mai 2001 sur la connaissance qu’il avait du plan Condor, une action concertée de plusieurs dictatures latino-américaines visant à éliminer les opposants politiques, le juge s’est vu invité par les États-Unis à consulter des archives déclassifiées sur ce sujet, autant de documents déjà connus des juges ou n’apportant pas d’éléments nouveaux.
L’ex-dictateur (1973-1990), âgé de 86 ans, avait été arrêté en Grande-Bretagne en octobre 1998 à la demande d’un juge espagnol.
Placé en résidence surveillée, il avait finalement été autorisé à regagner le Chili au bout de plusieurs mois de procédures, les autorités britanniques ayant décidé qu’il était trop malade pour être extradé et jugé en Espagne
François Ausseill, Agence France-Presse, Paris