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La logique économique a été remplacée par des impératifs de « Sécurité Nationale ».
Le sommet de l’OTAN qui s’est tenu en juillet à Vilnius avait des allures d’enterrement, comme si les participants venaient de perdre un membre de leur famille, l’Ukraine. Pour effacer l’échec de l’OTAN à chasser la Russie de l’Ukraine et à déplacer l’OTAN jusqu’à la frontière russe, ses membres ont essayé de se remonter le moral en mobilisant le soutien pour le prochain grand combat - contre la Chine, qui est maintenant désignée comme leur ennemi stratégique ultime. Pour se préparer à cette épreuve de force, l’OTAN a annoncé qu’elle s’engageait à étendre sa présence militaire jusqu’au Pacifique.
Le plan consiste à cerner les alliés militaires et les partenaires commerciaux de la Chine, surtout la Russie, en commençant par la lutte en Ukraine. Le président Biden a déclaré que cette guerre aura une portée mondiale et s’étendra sur plusieurs décennies, dans le but d’isoler et de briser la Chine.
Les sanctions imposées par les États-Unis contre le commerce avec la Russie sont une répétition générale de l’imposition de sanctions similaires contre la Chine.Mais seuls les alliés de l’OTAN ont rejoint le combat.Et au lieu d’anéantir l’économie russe et de « réduire le rouble en miettes », comme l’avait prédit le président Biden, les sanctions de l’OTAN ont rendu la Russie plus autonome, en augmentant sa balance des paiements et ses réserves monétaires internationales, et donc le taux de change du rouble.
Pour couronner le tout, malgré l’échec des sanctions commerciales et financières contre la Russie, et malgré les échecs de l’OTAN en Afghanistan et en Libye, les pays de l’OTAN se sont engagés à essayer les mêmes tactiques contre la Chine. L’économie mondiale doit être divisée entre les États-Unis, l’OTAN et les Cinq Yeux d’une part, et le reste du monde - la majorité mondiale - d’autre part. Selon le commissaire européen Joseph Borrell, il s’agit d’une division entre le jardin américain/européen (le milliard d’or) et la jungle qui menace de l’engloutir, comme une invasion de ses pelouses bien entretenues par une espèce envahissante.
D’un point de vue économique, le comportement de l’OTAN depuis son renforcement militaire pour attaquer les États russophones de l’Est de l’Ukraine en février 2022 a été un échec retentissant.Le plan des États-Unis était de saigner la Russie et de la laisser dans un tel dénuement économique que sa population se révolterait, démettrait Vladimir Poutine de ses fonctions et rétablirait un dirigeant néolibéral pro-occidental qui éloignerait la Russie de son alliance avec la Chine - pour ensuite poursuivre le grand plan américain visant à mobiliser l’Europe afin d’imposer des sanctions à la Chine.
S’il est si difficile d’évaluer la direction que prennent l’OTAN, l’Europe et les États-Unis, c’est parce que l’hypothèse traditionnelle selon laquelle les nations et les classes sociales agissent dans leur propre intérêt économique n’est d’aucune aide.La logique traditionnelle de l’analyse géopolitique consiste à supposer que les intérêts commerciaux et financiers orientent la politique de presque tous les pays.L’hypothèse auxiliaire est que les responsables gouvernementaux ont une compréhension assez réaliste des dynamiques économiques et politiques à l’œuvre. La prévision de l’avenir est donc généralement un exercice qui consiste à préciser ces dynamiques.
L’Occident des États-Unis et de l’OTAN a été à l’origine de cette fracture mondiale, mais il sera le grand perdant. Les membres de l’OTAN ont déjà vu l’Ukraine épuiser leurs stocks de fusils et de balles, d’artillerie et de munitions, de chars, d’hélicoptères, d’armes et d’autres armements accumulés au cours de cinq décennies. Mais la perte de l’Europe est devenue une opportunité de vente pour l’Amérique, créant un vaste nouveau marché pour le complexe militaro-industriel américain afin de réapprovisionner l’Europe. Pour obtenir ce soutien, les États-Unis ont encouragé une nouvelle façon de concevoir le commerce international et l’investissement. L’accent a été mis sur la « sécurité nationale », c’est-à-dire sur la garantie d’un ordre unipolaire centré sur les États-Unis.
Les diplomates US s’inquiètent de plus en plus de voir l’Allemagne et d’autres pays européens dépendre des importations de gaz, de pétrole et d’engrais russes pour leur sidérurgie, leur verrerie et d’autres industries.Ils sont devenus encore plus inquiets lorsque la Chine est devenue « l’atelier du monde » tandis que l’économie américaine se désindustrialisait.La crainte était que la croissance de la Chine et des pays eurasiens voisins bénéficiant de l’expansion de la Ceinture et de la Route menace de faire de cette partie du monde la principale zone de croissance, et donc un pôle d’attraction pour les investissements européens.La perspective logique était que la politique suive l’intérêt économique au détriment de la capacité de l’Amérique à maintenir une économie mondiale unipolaire avec le dollar comme centre financier et un commerce soumis à l’unilatéralisme protectionniste des États-Unis.
En rejoignant la croisade étasunienne visant à détruire l’économie russe et à promouvoir un changement de régime, le refus de l’Allemagne et d’autres pays européens de commercer avec la Russie a détruit les fondements énergétiques de leur industrie. La destruction des gazoducs Nord Stream a plongé l’économie allemande et d’autres économies européennes dans la dépression, avec son cortège de faillites et de chômage. À la place du gaz russe, les pays de l’OTAN doivent maintenant payer jusqu’à six fois le prix du gaz naturel liquéfié (GNL) des Etats-Unis et doivent construire de nouvelles installations portuaires pour importer physiquement ce gaz.
Les dirigeants européens parrainés et financés par l’ingérence électorale des États-Unis au cours des soixante-dix dernières années ont fait ce que Boris Eltsine a fait en Russie dans les années 1990 : Ils ont accepté de sacrifier les économies industrielles de l’Europe et de mettre fin à ce qui avait été une intégration commerciale et d’investissement profitable avec la Russie et la Chine.
L’étape suivante consiste pour l’Europe et les États-Unis à cesser de commercer et d’investir avec la Chine, en dépit du fait que ces pays de l’OTAN ont bénéficié de l’essor de ce commerce, dont ils dépendent pour un large éventail de biens de consommation et d’intrants industriels. Cette ligne de commerce prospère va maintenant prendre fin. Les dirigeants de l’OTAN ont annoncé que l’importation de gaz russe et d’autres matières premières (y compris l’hélium et de nombreux métaux) courait le « risque » de devenir dépendante - comme si la Russie ou la Chine pouvaient trouver un intérêt économique ou politique à mettre fin à ce commerce simplement pour nuire à l’Europe et lui faire ce que les États-Unis ont fait pour la forcer à se soumettre.
Mais soumission à quoi ? La réponse est la suivante : la soumission à la logique des gains mutuels selon des lignes qui laissent de côté l’économie US !
Ironiquement, la politique des États-Unis et de l’OTAN oblige la Russie, la Chine et leurs alliés des BRICS à suivre leur propre voie, en commençant par une Eurasie unie. Ce nouveau noyau de la Chine, de la Russie et de l’Eurasie avec le Sud global crée une sphère de commerce et d’investissement multipolaire mutuellement bénéfique.
En revanche, l’industrie européenne a été dévastée.Ses économies sont devenues totalement et abjectement dépendantes des États-Unis, à un coût bien plus élevé pour elles-mêmes que ce fut le cas avec leurs anciens partenaires commerciaux. Les exportateurs européens ont perdu le marché russe et suivent maintenant les exigences américaines qui leur demandent d’abandonner et même de rejeter le marché chinois. Les marchés des pays membres des BRICS, qui s’étendent aux pays du Proche-Orient, d’Afrique et d’Amérique latine, seront également rejetés en temps voulu.
Au lieu d’isoler la Russie et la Chine et de les rendre dépendantes du contrôle économique des États-Unis, la diplomatie unipolaire américaine s’est isolée, ainsi que ses satellites de l’OTAN, du reste du monde - la majorité mondiale qui se développe tandis que les économies de l’OTAN avancent à toute allure sur la voie de la désindustrialisation. Ce qui est remarquable, c’est que si l’OTAN met en garde contre le "risque" du commerce avec la Russie et la Chine, elle ne considère pas sa perte de viabilité industrielle et de souveraineté économique au profit des États-Unis comme un risque.
Ce n’est pas ce que « l’interprétation économique de l’histoire » aurait prévu.On s’attend à ce que les gouvernements soutiennent les principaux intérêts commerciaux de leur économie.Nous sommes donc ramenés à la question de savoir si les facteurs économiques détermineront la forme du commerce mondial, des investissements et de la diplomatie.Est-il réellement possible de créer un ensemble d’économies post-membres de l’OTAN dont les membres ressembleront beaucoup aux Etats baltes et à l’Ukraine post-soviétique, qui se dépeuplent et se désindustrialisent rapidement ?
Il s’agirait en effet d’une étrange forme de « sécurité nationale ». En termes économiques, il semble que la stratégie US et européenne d’auto-isolement du reste du monde soit une erreur si massive et si profonde que ses effets sont équivalents à une guerre mondiale.
Les combats menés aujourd’hui contre la Russie sur le front ukrainien peuvent être considérés comme la campagne d’ouverture de la troisième guerre mondiale. À bien des égards, il s’agit d’un prolongement de la Seconde Guerre Mondiale et de ses conséquences, qui ont vu les États-Unis créer des organisations économiques et politiques internationales pour servir leurs propres intérêts nationaux. Le Fonds monétaire international impose le contrôle financier des États-Unis et contribue à la dollarisation de l’économie mondiale.
La Banque mondiale prête des dollars aux gouvernements pour construire des infrastructures d’exportation afin de subventionner les investisseurs des États-Unis et de l’OTAN qui contrôlent le pétrole, les mines et les ressources naturelles, et pour promouvoir la dépendance commerciale à l’égard des exportations agricoles US tout en encourageant l’agriculture de plantation, au lieu de la production nationale de céréales alimentaires. Les États-Unis insistent pour avoir un droit de veto dans toutes les organisations internationales auxquelles ils adhèrent, y compris les Nations unies et leurs agences.
La création de l’OTAN est souvent mal comprise. En apparence, elle s’est présentée comme une alliance militaire, à l’origine pour se défendre contre l’idée que l’Union Soviétique pourrait avoir une raison de conquérir l’Europe occidentale. Mais le rôle le plus important de l’OTAN a été d’utiliser la « sécurité nationale » comme excuse pour passer outre la politique intérieure et étrangère de l’Europe et la subordonner au contrôle des États-Unis. La dépendance à l’égard de l’OTAN a été inscrite dans la constitution de l’Union Européenne. Son objectif était de s’assurer que les dirigeants des partis européens suivaient les directives Des Etats-Unis d’Amérique et s’opposaient aux politiques de gauche ou anti-usaméricaines, aux politiques pro-ouvrières et aux gouvernements suffisamment forts pour empêcher le contrôle d’une oligarchie financière cliente des États-Unis.
Le programme économique de l’OTAN a consisté à adhérer à la financiarisation néolibérale, à la privatisation, à la déréglementation des gouvernements et à l’imposition de l’austérité aux travailleurs. Les réglementations de l’UE empêchent les gouvernements d’avoir un déficit budgétaire supérieur à 3 % du PIB. Cela bloque les politiques de type keynésien visant à stimuler la reprise. Aujourd’hui, l’augmentation du coût des armes militaires et les subventions publiques aux prix de l’énergie obligent les gouvernements européens à réduire les dépenses sociales. La politique bancaire, la politique commerciale et la législation nationale suivent le même modèle néolibéral américain qui a désindustrialisé l’économie américaine et l’a endettée auprès du secteur financier, entre les mains duquel se concentrent aujourd’hui la plupart des richesses et des revenus.
Dans le monde post-Vilnius, le commerce et les relations internationales ne sont pas considérés comme économiques, mais comme relevant de la « sécurité nationale ». Toute forme de commerce représente le « risque » d’être coupé et déstabilisé. L’objectif n’est pas de réaliser des gains en matière de commerce et d’investissement, mais de devenir autonome et indépendant.Pour l’Occident, cela signifie isoler la Chine, la Russie et les BRICS afin de dépendre entièrement des États-Unis. Ainsi, pour les États-Unis, leur propre sécurité signifie rendre les autres pays dépendants d’eux, afin que les diplomates américains ne perdent pas le contrôle de leur diplomatie militaire et politique.
Traiter le commerce et l’investissement avec d’autres pays que les États-Unis comme impliquant un « risque », ipso facto, est une projection de la manière dont la diplomatie américaine a imposé des sanctions aux pays qui résistent à la domination américaine, à la privatisation et à la subordination de leurs économies à la mainmise des États-Unis. La crainte que le commerce avec la Russie et la Chine ne conduise à une dépendance politique est un fantasme. L’objectif de l’alliance émergente de l’Eurasie, des BRICS et du Sud Mondial est de tirer profit du commerce extérieur des uns avec les autres pour un bénéfice mutuel, avec des gouvernements suffisamment forts pour traiter l’argent et les banques comme des services publics, à travers des monopoles de base nécessaires pour fournir des droits aux citoyens, y compris les soins de santé et l’éducation, et en gardant les monopoles tels que le transport et la communication dans le domaine public pour maintenir le coût de la vie et faire des affaires à un niveau bas au lieu de facturer des prix élevés.
La haine contre la Chine a été exprimée en particulier par Annalena Baerbock, ministre allemande des affaires étrangères.L’OTAN est invitée à « réduire les risques » dans ses échanges avec la Chine.
Les « risques » sont les suivants :
Le voyage de la secrétaire au Trésor Janet Yellen en Chine a également permis d’expliquer que tous les échanges commerciaux ont un potentiel militaire et qu’ils sont donc liés à la sécurité nationale. Tous les échanges ont un potentiel militaire, même la vente de nourriture à la Chine pourrait servir à nourrir des soldats.
Les États-Unis et l’OTAN demandent à l’Allemagne et aux autres pays européens d’imposer un rideau de fer au commerce avec la Chine, la Russie et leurs alliés afin de réduire les risques commerciaux. Pourtant, seuls les États-Unis ont imposé des sanctions commerciales à d’autres pays, et non la Chine et d’autres pays du Sud. Le véritable risque n’est pas que la Chine impose des sanctions commerciales pour perturber les économies européennes, mais que les États-Unis imposent des sanctions aux pays qui enfreignent le boycott commercial parrainé par les États-Unis.
Ce point de vue selon lequel « le commerce est un risque » traite le commerce extérieur non pas en termes économiques, mais en termes de « sécurité nationale ». Dans la pratique, la « sécurité nationale » signifie que l’on se joint à la tentative des États-Unis de maintenir leur contrôle unipolaire sur l’ensemble de l’économie mondiale. Aucun risque n’est reconnu pour la réorientation du commerce européen du gaz et de l’énergie vers les entreprises des Etats-Unis. Le risque serait de commercer avec des pays que les diplomates US considèrent comme des « autocraties », c’est-à-dire des nations où les gouvernements investissent activement dans les infrastructures et les réglementent au lieu de pratiquer le néolibéralisme à l’hussarde des Etats-Unis.
Le monde se divise en deux blocs - avec des philosophies économiques très différentes. Seuls les États-Unis ont imposé des sanctions commerciales à d’autres pays.Et seuls les États-Unis ont rejeté les règles internationales de libre-échange en les considérant comme des menaces pour la sécurité nationale et le contrôle économique et militaire des États-Unis. À première vue, la fracture mondiale qui en résulte entre les États-Unis/l’OTAN, d’une part, et l’alliance en expansion des BRICS (Russie, Chine, Iran et pays du Sud) peut sembler être un conflit entre le capitalisme et le socialisme (c’est-à-dire le socialisme d’État dans une économie mixte avec une réglementation publique dans l’intérêt des travailleurs).
Mais ce contraste entre capitalisme et socialisme n’est pas utile si l’on y regarde de plus près.Le problème réside dans la signification du mot « capitalisme » dans le monde d’aujourd’hui.Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, le capitalisme industriel était censé évoluer vers le socialisme. Les États-Unis et d’autres économies industrielles ont accueilli favorablement et ont même insisté pour que leurs gouvernements subventionnent un éventail de plus en plus large de services de base aux frais de l’État, au lieu d’obliger les employeurs à supporter les coûts d’embauche de la main-d’œuvre qui devait payer pour des besoins fondamentaux tels que les soins de santé et l’éducation. Les prix monopolistiques ont été évités en maintenant les monopoles naturels tels que les chemins de fer et autres moyens de transport, les systèmes téléphoniques et autres communications, les parcs et autres services en tant que services publiques. Le fait de faire payer ces services par les gouvernements plutôt que par les entreprises et leurs employés a accru la compétitivité mondiale de l’industrie nationale dans les pays d’économie mixte.
La Chine a suivi cette approche fondamentale du capitalisme industriel, avec des politiques socialistes visant à élever sa main-d’œuvre, et pas seulement la richesse des capitalistes industriels - et encore moins celle des banquiers, des propriétaires terriens absentéistes et des groupes en situation de monopoles. Plus important encore, elle a industrialisé la banque, créant des crédits pour financer des investissements tangibles dans les moyens de production, et non le type de crédit prédateur et improductif caractérisé par le capitalisme financier d’aujourd’hui.
Mais la politique d’économie mixte du capitalisme industriel n’est pas le chemin sur lequel le capitalisme a évolué en Occident depuis la Première Guerre Mondiale.
Rejetant l’économie politique classique et sa volonté de libérer les marchés des classes de rentiers hérités du féodalisme - une classe de propriétaires terriens héréditaires, une classe de banquiers financiers et des monopoles - le secteur rentier s’est battu pour réaffirmer sa privatisation de la rente foncière, des intérêts et des gains de monopole. Il a cherché à inverser l’impôt progressif et, en fait, à favoriser fiscalement la richesse financière, les propriétaires terriens et les monopoleurs.
Le secteur de Finance, assurance et immobilier (FIRE) est devenu l’intérêt dominant et le planificateur économique du capitalisme financier actuel. C’est pourquoi les économies sont souvent qualifiées de néo-féodales (ou, par euphémisme, de néolibérales).
Tout au long de l’histoire, la dynamique de la financiarisation a polarisé les richesses et les revenus entre les créanciers et les débiteurs, ce qui a donné naissance à des oligarchies. À mesure que la dette porteuse d’intérêts croît de manière exponentielle, une part de plus en plus importante des revenus du travail et des entreprises doit être consacrée au service de la dette. Cette dynamique financière rétrécit le marché intérieur des biens et des services, et l’économie souffre d’une austérité de plus en plus marquée par la dette.
Il en résulte une désindustrialisation, les économies se polarisant entre créanciers et débiteurs. C’est ce qui s’est produit de la manière la plus notoire en Grande-Bretagne, dans le sillage de Margaret Thatcher et du New [Anti-]Labour Party de Tony Blair et Gordon Brown, qui ont adopté une approche déréglementaire « légère » face à la manipulation financière et à la fraude pure et simple.
Les États-Unis ont subi un transfert tout aussi dévastateur de richesses et de revenus vers les secteurs de la Finance, assurance et immobilier (FIRE) dans le sillage des réductions d’impôts accordées aux riches par Ronald Reagan, de la déréglementation antigouvernementale et de la prise de contrôle de Wall Street par Bill Clinton dans le cadre de la « troisième voie ». La « troisième voie » n’était ni le capitalisme industriel, ni le socialisme, mais le capitalisme financier qui gagnait en dépouillant et en endettant l’industrie et le travail.
La nouvelle idéologie du Parti Démocrate en faveur d’une finance déréglementée a été couronnée par l’effondrement massif des fraudes bancaires en 2008 et par la protection accordée par Barack Obama aux prêteurs d’hypothèques de pacotille et aux saisies en masse de leurs victimes financières.La planification et la politique économiques ont été transférées des gouvernements vers Wall Street et d’autres centres financiers, qui avaient pris le contrôle du gouvernement, de la banque centrale et des agences de régulation.
Les diplomates US et Britanniques cherchent à promouvoir cette philosophie économique prédatrice, pro-financière et intrinsèquement anti-industrielle auprès du reste du monde. Mais cet évangélisme idéologique est menacé par le contraste évident entre les économies en faillite et désindustrialisées usaméricano-britanniques et la remarquable croissance économique de la Chine sous le régime du socialisme industriel.
Ce contraste entre la réussite économique de la Chine et le « jardin » d’austérité de l’Occident de l’OTAN, criblé de dettes, est l’essence même de la campagne menée aujourd’hui par l’Occident contre les pays de la « Jungle » qui cherchent à s’affranchir politiquement de la diplomatie US afin d’améliorer leur niveau de vie. Cette guerre mondiale idéologique et intrinsèquement politique est le pendant actuel des guerres de religion qui ont déchiré les pays européens pendant de nombreux siècles.
Nous assistons à ce qui semble être un déclin inexorable de l’Occident. Les diplomates US ont réussi à renforcer leur contrôle économique, politique et militaire sur leurs alliés européens de l’OTAN. La facilité avec laquelle ils ont réussi à atteindre cet objectif les a conduits à imaginer qu’ils pourraient conquérir le reste du monde malgré la désindustrialisation et l’endettement de leurs économies, au point qu’il n’existe aucun moyen prévisible de rembourser leur dette officielle à l’égard des pays étrangers et qu’ils n’ont en fait pas grand-chose à offrir.
Il existe une série de tactiques permettant à une nation dirigeante de se tailler un empire. La plus ancienne est la conquête militaire. Mais on ne peut pas occuper et prendre le contrôle d’un pays sans armée, et les États-Unis n’ont pas d’armée suffisamment importante. La guerre du Viêt Nam a mis fin à l’appel sous les drapeaux. Ils doivent donc s’appuyer sur des armées étrangères comme Al-Qaïda, ISIS et, plus récemment, l’Ukraine et la Pologne, tout comme ils s’appuient sur des produits industriels étrangers. Ses armements sont épuisés et ne peut plus mobiliser une armée nationale pour occuper un pays. Les États-Unis n’ont qu’une seule arme : les missiles et les bombes peuvent détruire, mais ne peuvent pas occuper et prendre le contrôle d’un pays.
La deuxième façon de créer un pouvoir impérial était d’utiliser la puissance économique pour rendre les autres pays dépendants des exportations. Après la Seconde Guerre Mondiale, le reste du monde a été dévasté et a été contraint d’accepter les manœuvres diplomatiques des États-Unis pour donner à leur économie un monopole sur les besoins de base. L’agriculture est devenue une arme majeure pour créer une dépendance à l’égard de l’étranger. La Banque Mondiale n’a pas voulu soutenir les pays étrangers qui cultivaient leur propre nourriture, mais a fait pression pour que les cultures d’exportation soient plantées, et a combattu la réforme agraire. En ce qui concerne le pétrole et le commerce de l’énergie, les entreprises des Etats Unis et leurs alliés de l’OTAN en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas (British Petroleum et Shell) contrôlaient le commerce mondial du pétrole.
Le contrôle du commerce mondial du pétrole a été un objectif central de la diplomatie commerciale US.
Cette stratégie a permis aux États-Unis d’affirmer leur contrôle sur l’Allemagne et d’autres pays de l’OTAN, en faisant exploser les gazoducs Nord Stream et en privant l’Europe occidentale de l’accès au gaz, au pétrole, aux engrais et aux cultures russes. L’Europe est maintenant entrée dans une dépression industrielle et une austérité économique, car son industrie sidérurgique et d’autres secteurs de pointe sont invités à émigrer aux États-Unis, de même que la main-d’œuvre qualifiée européenne.
Aujourd’hui, la technologie électronique et les puces électroniques sont au cœur de mise en place d’une dépendance économique mondiale à l’égard de la technologie US. Les États-Unis visent à monopoliser la « propriété intellectuelle » et à tirer une rente économique en pratiquant des prix élevés pour les puces électroniques de haute technologie, les communications et la production d’armes.
Mais les États-Unis se sont désindustrialisés et se sont laissé devenir dépendants des pays asiatiques et d’autres pays pour leurs produits, au lieu de les rendre dépendants des États-Unis. Cette dépendance commerciale est à l’origine du sentiment d’insécurité des diplomates US, qui craignent que d’autres pays ne cherchent à utiliser la même diplomatie commerciale et financière coercitive que celle des États-Unis depuis 1944-1945.
Il ne reste aux États-Unis qu’une seule tactique pour contrôler les autres pays : les sanctions commerciales, imposées par les USA et leurs satellites de l’OTAN pour tenter de perturber les économies qui n’acceptent pas la domination économique, politique et militaire unipolaire des États-Unis d’Amérique. Ils ont persuadé les Pays-Bas de bloquer les machines sophistiquées pour graver les puces vers la Chine, et d’autres pays de bloquer tout ce qui pourrait contribuer au développement économique de la Chine. Un nouveau protectionnisme industriel Made in USA est mis en place pour des raisons de sécurité nationale.
Si la politique commerciale de la Chine reflétait celle de la diplomatie US, elle cesserait de fournir aux pays de l’OTAN les exportations de minerais et de métaux nécessaires à la production des puces électroniques et des intrants alliés dont l’économie des Etats-Unis a besoin pour exercer sa diplomatie mondiale.
Les États-Unis sont si lourdement endettés, leurs prix immobiliers sont si élevés, et leurs soins médicaux sont si importants (18 % du PIB) qu’ils ne peuvent pas être compétitifs. Ils ne peuvent pas se réindustrialiser sans prendre des mesures radicales pour annuler leurs dettes, déprivatiser les soins de santé et l’éducation, briser les monopoles et rétablir l’impôt progressif. Les intérêts Financiers, les Assurances et l’Immobilier (secteur FIRE) [Financial, Insurance and Real Estate] sont trop puissants pour permettre ces réformes.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis ont accumulé en 1950 75 % de l’or monétaire mondial. Cela leur a permis d’imposer la dollarisation au monde entier. Mais aujourd’hui, personne ne sait si le Trésor US et la Réserve Fédérale de New York possèdent de l’or qui n’a pas été mis en gage auprès d’acheteurs privés et de spéculateurs ? Le souci, c’est qu’elle a vendu les réserves d’or des Banques Centrales Européennes. L’Allemagne a demandé que ses réserves d’or soient rapatriées par avion de New York, mais les États-Unis ont répondu qu’elles n’étaient pas disponibles, et l’Allemagne s’est montrée trop timide pour rendre publiques ses inquiétudes et ses plaintes.
Le dilemme financier US est encore plus grave lorsqu’on essaie d’imaginer comment elle pourra un jour payer sa dette extérieure aux pays qui cherchent à retirer leurs dollars. Les États-Unis ne peuvent imprimer que leur propre monnaie. Ils ne sont pas disposés à vendre leurs actifs nationaux, comme ils l’exigent des autres pays débiteurs ?
Que peuvent accepter les autres pays à la place de l’or ? Les investissements US en Europe et dans d’autres pays sont une forme d’actifs qui peuvent être pris en garantie. Mais si des gouvernements étrangers cherchent à le faire, les autorités des Etats-Unis peuvent riposter en saisissant leurs investissements aux États-Unis. Il s’agirait alors d’une saisie mutuelle.
Les États-Unis tentent de monopoliser la technologie électronique. Le problème est que cela nécessite des matières premières dont la production est actuellement dominée par la Chine, en particulier les métaux des terres rares (qui sont abondants mais dont le raffinage est destructeur pour l’environnement), le gallium, le nickel (la Chine domine le raffinage), ainsi que l’hélium russe et d’autres gaz utilisés pour graver les puces électroniques. La Chine a récemment annoncé qu’elle commencerait à restreindre ces exportations clés le 1er août. Elle a en effet la capacité d’interrompre les livraisons de matériaux et de technologies vitaux à l’Occident, afin de se protéger des sanctions de « sécurité nationale » prises par l’Occident contre la Chine. Telle est la prophétie auto-réalisatrice que les avertissements US d’une lutte commerciale ont créée.
Si la diplomatie US contraint ses alliés de l’OTAN à boycotter la technologie chinoise Huawei, l’Europe se retrouvera avec une alternative moins efficace et plus coûteuse, dont les conséquences contribueront à la séparer de la Chine, des BRICS et de ce qui est devenu la majorité mondiale dans un alignement autosuffisant beaucoup plus large que celui créé par Sukarno en 1954.
Original : « The Looming War Against China »USA, July 22, 2023
Michael Hudson* pour sa page personnelle
Michel Hudson Usa, le 23 juillet 2023.
Traduit de l’anglais por El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo de la Diaspora. Paris, le 25 juillet 2023.