Accueil > Notre Amérique > La crise Mexique-Venezuela illustre la fracture politique
Par Alexandre Peyrille
Agence France-Presse. Mexico. Le mercredi 16 novembre 2005
La crise entre le Mexique et le Venezuela illustre la fracture politique entre les pays Amérique latine suivant la ligne libérale prônée par Washington et ceux qui ont opté pour un modèle de développement distinct, comme le Brésil, l’Argentine et le Venezuela.
D’après les experts, le fossé se creuse et un rapprochement des positions n’est pas en vue.
« Ce sont deux projets de développement différents avec des intérêts distincts, qui n’ont pas trouvé de bases de communication entre eux, bien qu’il y ait des éléments de convergence », estime Susana Chacon, experte en relations internationales de l’université de Monterrey.
« Les divisions sont de plus en plus marquées (...) Politiquement, l’Amérique est très divisée. À la fin du XXe siècle, il y avait beaucoup plus d’homogénéité », observe un chercheur du centre d’études sur l’Amérique latine de l’Université autonome de Mexico, Adalberto Santana.
En Amérique latine, ajoute-t-il, « il y a une tendance générale à s’aligner sur une des deux positions, à la polarisation ».
Le bloc politique qui dit « non » au projet économique des États-Unis de Zone de libre-échange des Amériques, aux subventions américaines à son agriculture, à la guerre en Irak et au blocus contre Cuba est loin de constituer une majorité d’États, mais détient un poids économique important.
« Si Andres Manuel Lopez Obrador (candidat de centre-gauche, ndlr) gagne la présidentielle au Mexique en 2006, la polarisation va encore s’accentuer », avertit Adalberto Santana.
« Historiquement, l’Amérique latine est la région du monde la plus homogène, car elle partage une langue, une culture et des traditions communes, pourtant, c’est la plus divisée politiquement, ce qui génère un retard face aux autres blocs de pouvoir », selon le chercheur de l’université de Mexico.
Lors du sommet des Amériques à Mar del Plata (Argentine), seulement 5 des 34 États du continent ont refusé pour l’instant la poursuite des négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques : les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) et le Venezuela.
« Le Mercosur est fort mais peut avoir des faiblesses, car il n’a pas les ressources nécessaires pour s’intégrer dans une économie glogalisée comme des pays développés », d’après Susana Chacon.
Autre division récente, la lutte pour la direction de l’Organisation des États américains (OEA) a opposé un candidat soutenu par Washington et le Chilien José Miguel Insulza, finalement élu. Ce dernier est devenu le premier secrétaire général à arriver à la tête de l’OEÀ sans l’appui des États-Unis.
Le trio Brésil-Argentine-Venezuela qui se démarque du modèle de Washington est complété par l’Uruguay, Cuba et le Chili.
Le Chili, gouverné par le président socialiste Ricardo Lagos, a cependant apporté son soutien à la ZLEA.
Suivant l’exemple de Cuba et de sa politique internationaliste, le Venezuela développe une stratégie philanthropique vis à vis de plusieurs pays en difficulté, avec des armes différentes.
Grâce au prix élevés du pétrole sur le marché international, Caracas (1er exportateur latinoaméricain) propose du pétrole en échange de matières premières, ou des falicités de paiement.
« La chute du mur de Berlin et la fin des conflits en Amérique centrale avaient renforcé les tendances néoconservatrices. On assiste désormais à leur affaiblissement, et c’est la gauche qui se renforce maintenant », estime Adalberto Santana, qui prévoit que le processus durera au moins jusqu’en 2010.