Accueil > Réflexions et travaux > La baisse du niveau de pauvreté : « Succès » en Asie, échecs en Amérique latine
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Chapitre 11 extrait du livre que l’auteur est train d’écrire :
Un des faits saillants de « l’histoire récente de la pauvreté » en Amérique latine depuis le début des années quatre vingt dix est la difficulté à réduire de manière significative l’ampleur et la profondeur de la pauvreté. Pourtant avec la fin des hyperinflations et la reprise de la croissance, on aurait pu s’attendre à une réduction substantielle et surtout durable de la pauvreté. Le retour à une relative stabilité des prix a certes provoqué dans un premier temps une réduction sensible de la pauvreté, mais celle-ci a été de courte durée et s’explique fondamentalement par les effets redistributifs qu’elle a produit, pour cette fois favorables aux catégories sociales les plus pauvres et les plus modestes. Depuis, la pauvreté persiste à des niveaux élevés, elle fléchit légèrement en période de forte croissance et augmente lorsque la crise économique survient pour stagner lors des premières phases de la reprise.
Pourquoi la pauvreté demeure-t-elle à un niveau si élevé en Amérique latine et baisse-t-elle si rapidement en Asie dans un premier temps et pourquoi est il si difficile que dans second temps, elle puisse continuer à baisser dans certains cas alors que croissance demeure très forte (Chine) ? Pourquoi y a-t-il une grande vulnérabilité des pauvres aux cycles économiques ? Pourquoi la croissance est-elle si instable ?
Très souvent les études sur la pauvreté énumèrent une série de truismes : augmenter les dépenses de santé permet de diminuer la pauvreté, développer l’enseignement, notamment primaire, donner davantage de chances aux jeunes générations pauvres, accroître les dépenses d’infrastructure facilitent un accès plus simple, moins coûteux à des bassins d’emploi et à terme devrait conduire à une réduction de la pauvreté. Force est de constater que cette énumération reste « lettre morte » en Amérique latine et les progrès observés sont très en deça de ce qui serait nécessaire, faute de moyens financiers suffisants certes mais aussi parce que les régimes de croissance mis en place avec l’ouverture exacerbée des économies produisent de fortes instabilités et une exclusion importante.
La pauvreté persiste à un niveau élevé dans la plupart des économies latino américaines avec cependant des améliorations qualitatives : moins de malnutrition des enfants, allongement de la durée de vie, scolarité plus importante par exemple. Mais, des « perturbations macroéconomiques » aggravent durablement la situation des couches les moins favorisées et les effets positifs que pouvaient avoir des « programmes ciblés » de lutte contre la pauvreté sont profondément affectés par la haute volatilité de la croissance. Aussi convient-il de rechercher les raisons de cette volatilité puisqu’elle est à l’origine des difficultés à réduire significativement la pauvreté que celle-ci soit mesurée par le revenu ou approchée de manière qualitative par des indicateurs non monétaires. Dans un premier temps, nous exposerons rapidement une des techniques utilisées pour mesurer la pauvreté, dans un second temps, nous analyserons les facteurs susceptibles d’agir sur la pauvreté et enfin, nous étudierons la vulnérabilité des pauvres aux régimes de croissance dominants et plus particulièrement à sa volatilité.
1. Mesures de la pauvreté monétaire
Les manières de mesurer la pauvreté dans les pays dits du tiers monde et dans ceux du premier monde sont différentes, ce qui rend les comparaisons difficiles. Dans les premiers, parmi l’ensemble des indicateurs disponibles, on privilégie ici une mesure fondée sur la possibilité d’acheter un panier de biens de consommation et de services, permettant tout juste la reproduction. Il s’agit d’un indicateur de pauvreté dite absolue définissant une ligne de pauvreté. Dans les seconds, l’exception des Etats-Unis, parmi également une batterie d’indicateurs disponibles, celui qui prend en compte la distribution des revenus est le plus souvent utilisé. La pauvreté est dite alors relative : en deça de 50% du revenus médian, on est déclaré pauvre.
Considérons les pays en voie de développement et concentrons nous sur la pauvreté absolue. Les données nationales diffèrent de celles fournies par la Banque mondiale. Les premières sont faites à partir d’enquêtes sur la composition d’un panier de biens de consommation permettant d’acquérir un certain niveau de calories. Converti en prix, ce panier indique le niveau de revenu de stricte reproduction définissant la pauvreté extrême.
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Novembre 2005