recherche

Accueil > Empire et Résistance > Union Européenne > La Gauche alternative face au défi d’une « refondation » de l’Europe.

17 décembre 2013

La Gauche alternative face au défi d’une « refondation » de l’Europe.

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Plus de 30 formations de gauche du vieux continent se trouvent réunies en cette fin de semaine (14-16/12) à Madrid pour tenter de trouver un discours qui unifierait leur stratégie face à l’ennemi commun : les politiques d’austérité et la soumission de Bruxelles au diktat des marchés.

Ce vendredi à Madrid, débute le IV Congrès du Parti de la Gauche Européenne (PGE). 33 partis de toute l’Europe débattront jusque dimanche de leur projet pour le vieux continent dans un contexte de crise et avec à l’horizon les élections au Parlement européen qui auront lieu en mai 2014. Ce rendez-vous, au cours duquel Pierre Laurent devrait être réélu président et aussi être confirmée la candidature de Alexis Tsipras – leader de Syriza – à la présidence de la Comission Européenne, sera cependant marqué par une grande absence. Jean-Luc Mélenchon, leader du Parti de Gauche (PG) français et ex-candidat du Front de Gauche (FG) aux élections présidentielles en France, a décidé de ne pas y assister car il est en désaccord avec le ton et le contenu du document politique qui sera adopté dimanche prochain, et de plus il n’accepte pas que Laurent, compagnon au sein de la coalition avec le Parti communiste français (PCF), soit de nouveau président du PGE.

Il s’agit d’une absence plus que notable et qui devrait obligatoirement provoquer un exercice de réflexion au sein des partis regroupés dans le PGE. Mélenchon et Tsipras ont été considérés comme le grand espoir de la gauche alternative européenne depuis ces trois dernières années : de par leur charisme, leur discours de résistance à l’austéritarisme, leur capacité à mobiliser ; pour avoir transformer leurs respectives coalitions en référents pour les citoyens et pour leurs succès électoraux. De ce fait, si l’un des deux est absent, le PGE perd un référent.

La décision de Mélenchon a été motivée d’une part par le fait que Laurent a décidé pour les prochaines élections à la mairie de Paris de présenter le PCF sur les listes du Parti Socialiste et non du Front de Gauche, ce qui est dans la tradition des communistes français. D’autre part, parce qu’il est convaincu que, compte tenu du moment historique que connait actuellement l’UE, le PGE doit avoir un discours plus radical qui montre bien son aspiration à conquérir la majorité sociale européenne par la désobéissance. D’une certaine manière, ce qu’il cherche à dire c’est que, sans une révolution populaire du genre de celle des peuples d’Amérique latine, la gauche peut obtenir un résultat optimum lors des prochaines européennes du fait de la crise mais pas plus. Et même ceci n’est pas sûr puisque les avancées de l’extrême-droite que représente surtout Marine Le Pen et son Front National constituent une réelle menace.

Gauche conservatrice ?

Le PGE serait-il trop conservateur dans ses propositions ? Le document politique soumis à la discussion ne contient pas de grandes fioritures mais parle de rupture avec les politiques d’austérité et aspire à une refondation par la gauche européenne d’une Union démocratisant ses institutions qui la fasse sortir de « sa crise existentielle ». C’est sans aucun doute un pacte a minima. Mais c’est naturel si l’on tient compte de l’hétérogénéité des forces qui composent le PGE, qui vont de Izquierda Unida et jusqu’aux communistes de Moldavie. On ne peut pas oublier la réalité nationale de chacune des formations : la proposition du PGE tend à trouver un dénominateur commun.

Ceci dit, il ne faut pas perdre de vue un autre aspect : la réalité de chaque parti et de chaque pays est différente. En France il y a Le Pen – favorite dans les sondages, il est donc naturel que Mélenchon réclame un discours plus radical. On pourrait dire la même chose pour la Grèce avec l’Aube Dorée. Mais en Espagne, la campagne pour les européennes se présentera en d’autres termes. Le travail des trois organisations présentes au sein du PGE (IU, Parti Communiste et Esquerra Unida i Alternativa) s’est concentré sur un processus de convergence avec les mouvements sociaux – processus engagé avec plus ou moins de succès, mais qui est engagé – afin de parvenir à un bloc de la gauche politique et sociale capable de mettre en marche un processus constituant afin de surmonter le bipartisme qui gouverne depuis la Transition. A chacun son opinion, mais maintenant que IU commence à remonter dans les sondages il est normal que la Fédération que dirige Cayo Lara se pose la question de savoir s’il serait pertinent de radicaliser davantage son message et d’opter, par exemple, pour une sortie de l’euro, ce qui pourrait amener à perdre une partie du chemin parcouru. IU a tenté de donner une explication économique à son élection, mais il y aura toujours des critiques qui réclameront davantage de fermeté.

En Italie, par exemple, Rifondazione Comunista n’a pas pu entrer au Parlement lors des élections de février et – au-delà des connotations historiques que continue d’avoir aujourd’hui encore le communisme en Italie pour le commun des électeurs – le vide qu’a laissé à sa gauche le Partido Democratico a été occupé par le Movimiento 5 Estrellas. Au Portugal, après sa débâcle lors des élections municipales le Bloco de Esquerda n’est pas en condition de devenir un porte-drapeau. Et en Allemagne, la Grande Coalition entre sociaux-démocrates et démo-chrétiens a manifestement laissé Die Linke en position de faiblesse.

Un dénominateur commun

Il semble donc très compliqué que la proposition du PGE puisse contenir chacune des stratégies nationales si ce n’est au moyen d’un dénominateur commun : l’échec du projet européen porté par la social-démocratie et la droite et la nécessité de reconstruire une Union Européenne avec un projet et une économie au service des gens. Certains douteront malgré tout de la solidité de cet argument. Que ce soit en France, du fait de l’alliance des communistes avec les socialistes, que ce soit en Espagne, du fait du Gouvernement de la Junta d’Andalousie. Avant que la crise n’éclate, certains de ces partis ou bien n’existaient pas ou bien ne représentaient pratiquement rien dans leur parlement respectif.

Une autre question se pose : le PGE peut-il servir, dans sa configuration actuelle, de structure pour canaliser tout cela. Parmi les critiques qui émanent de différents secteurs de la gauche, pas uniquement du PG, beaucoup disent qu’il est un appui très positif mais que de par son fonctionnement il ressemble à une sorte d’éléphant, avec une capacité de manœuvre et de réaction très limité. Et c’est peut-être sur ceci plus précisément que doit travailler la gauche alternative afin de récupérer l’esprit de l’internationalisme auquel elle aspire.

Le Congrès en soi ne ressemble pas à une Assemblée et malgré le travail préliminaire intense qui a été mené, les prochains jours ne serviront qu’à entériner les décisions prises antérieurement et le débat sera restreint. On pourrait même parler d’une gauche qui marche à deux vitesses. D’un côté, la marche de chaque organisation au niveau national et de l’autre, la marche organisée tous ensemble. Le dilemme est de savoir si les deux doivent aller au même rythme. Peut-être est-il encore trop tôt. Avant que la crise n’éclate, certaines de ces organisations n’existaient pas ou ne comptaient pratiquement pas d’élus dans leur parlement. De plus, la difficulté des forces de gauche à s’entendre ne date pas d’hier, ce que reflètent d’ailleurs certains documents datant de la création du PGE.

Daniel del Pino, pour Publico. Madrid, 13 décembre 2013.

Traduction de l’espagnol pour El Correopara : Marie-Rose Ardiaca.

El Correo. Paris, le 17 décembre 2013.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site