Accueil > Empire et Résistance > Bataille pour l’information > L’intox prend un coup aux Etats-Unis : Dan Rather rende l’antenne
Par Alexandre Sirois
La Presse. Washington, le mercredi 24 novembre 2004
Quelques semaines après avoir été sur la sellette à cause d’un faux scoop sur le passé militaire de George W. Bush, le présentateur-vedette du réseau CBS, Dan Rather, a annoncé hier qu’il est prêt à jeter l’éponge.
Rather prendra sa retraite comme chef d’antenne le 9 mars prochain, 24 ans jour pour jour après avoir remplacé le célèbre Walter Cronkite à ce poste. Il demeurera cependant employé du réseau CBS, pour lequel il compte faire du journalisme d’enquête à temps plein.
« J’ai été chanceux et honoré d’avoir eu, au fil de ces années, ce qui est pour moi le meilleur emploi au monde », a indiqué le présentateur de 73 ans dans un communiqué. Il a omis de faire référence à la récente controverse soulevée au sujet du président américain.
« J’ai toujours dit que je saurais quand le temps viendrait de me retirer de la chaise du présentateur. L’été dernier, CBS et moi avons commencé à discuter de l’affaire de façon sérieuse et nous avons décidé que la fin de la saison électorale serait un moment approprié », s’est contenté d’affirmer Rather.
Le président de CBS, Leslie Moonves, a fait l’éloge de son employé. Il a rappelé qu’aucun autre présentateur de nouvelles n’a été en ondes aussi longtemps dans l’histoire américaine.
« Il a été un témoin des événements les plus importants pendant plus de 40 ans et a joué un rôle crucial pour mettre le public américain au courant de ces événements et de leur signification plus large », a-t-il déclaré.
Visage aussi familier aux États-Unis en matière d’information que celui de Bernard Derome peut l’être au Québec, Rather jouissait lui aussi d’une excellente crédibilité. Il a toutefois perdu des plumes en septembre dernier à la suite d’un reportage diffusé à l’émission d’affaires publiques 60 Minutes.
Rather y alléguait avoir mis au jour des documents prouvant que l’actuel président Bush avait eu droit à un traitement de faveur, à la fin des années 60, pour éviter d’aller se battre au Vietnam.
Or, ces documents étaient faux. Rather a dû reconnaître son erreur alors que la campagne électorale battait son plein. Il a présenté ses excuses en son nom et au nom de sa station. « Je veux dire personnellement et directement que je suis désolé », a-t-il dit le 20 septembre dernier.
Depuis, le présentateur était devenu la tête de Turc de nombreux conservateurs qui l’accusaient d’être à la solde des démocrates. Hier, le réseau CBS affirmait officiellement que le départ de son présentateur-vedette n’avait rien à voir avec cette récente polémique. En revanche, une enquête est en cours et d’aucuns soupçonnent Rather d’avoir tiré sa révérence pour éviter d’être humilié une fois de plus.
Flirt avec la controverse
Ce vétéran du journalisme en a pourtant vu d’autres. Sa carrière a été ponctuée de controverses. On se rappellera qu’il avait pleuré en ondes peu après les attaques du 11 septembre 2001, à l’émission de fin de soirée de David Letterman. Il avait alors dit être prêt à obéir à son président.
Les Américains n’oublieront pas non plus de sitôt le soir où, en 1987, Rather a quitté son plateau parce que la prolongation d’un match de tennis allait le forcer à commencer son bulletin d’information en retard.
À l’époque du Watergate, il s’était retrouvé sous les projecteurs à la fois pour son solide travail et pour avoir irrité le président Richard Nixon lors d’une conférence de presse. Plusieurs années plus tard, c’est Bush père qu’il avait fait sortir de ses gonds lors d’une entrevue télévisée.
Le successeur de Rather n’est pas encore connu, mais ce qui semble certain, c’est que les informations télévisées en soirée aux États-Unis subiront une cure de jouvence. Tom Brokaw, présentateur-vedette du réseau NBC ayant aussi des dizaines d’années d’expérience derrière la cravate, a déjà annoncé qu’il prendra sa retraite au début du mois de décembre.