Portada del sitio > Imperio y Resistencia > Unión Europea > L’Europe de l’armement en panne.
En France
Sur les 34 premiers fournisseurs du ministère de la défense en 1987 :
– 5 ont changé de nom et souvent de périmètre : Thomson est devenu Thales, DCN est devenu DCNS, AMD-BA est devenu Dassault aviation même si c’est le groupe qui a le moins changé, GIAT est devenu GIAT Industries puis Nexter, Hispano-Suiza est devenu Aircelle et la Compagnie générale d’électricité (CGE) est devenu Alcatel-Lucent
– 6 autres ont fusionné : aérospatiale et Matra hautes technologies dans EADS, SNECMA et Sagem dans Safran, Hurel-Dubois et Hispano-Suiza Aérostructures pour devenir Hurel-Hispano
– 9 ont été absorbées : la Sagem a ainsi absorbée la SFIM, la SAT, SILEC et Sopelem, SFENA a été fondue dans sextant avionique et Auxilec, LCTAR, ESD ou TRT ont été intégrées dans Thales.
– 14 ont subi des changements de contrôle : c’est le cas de Bronzavia - Air équipement, Crouzet, Heuliez (groupe), Lohr industrie, Luchaire, Marrel (bennes), Matra-Manurhin-Defense, Messier-Hispano-Bugatti, Microturbo, Panhard et Levassor, RVI, SACM, Souriau, Turboméca.
Au Royaume-Uni
Il y avait quinze entreprises britanniques dans les cinquante premières firmes d’armement européennes en 1988. Vingt ans plus tard, seule l’une d’entre elles (le motoriste) Rolls-Royce est présent sous le même nom. British Aerospace est devenu BAE Systems, notamment en absorbant la division défense de l’autre conglomérat géant de l’époque GEC qui est donc sorti de la production de défense de même que Smiths industries qui, devenu Smiths group en 2000 a revendu sa division aéronautique à l’américain General Electric. Est également sorti du secteur de la défense Thorn EMI, dont les activités ont essentiellement été revendues à Thales.
Six firmes ont été absorbées par des firmes européennes : VSEL Consortium passé sous contrôle de GEC en 1995, Racal Electronic racheté par Thales en 2000, Ferranti, démantelé en 1993 et dont les activités défense ont été reprises essentiellement par GEC marconi, Dowty fusionné dans Messier-Dowty (groupe Safran), l’hélicoptériste Westland passé sous le contrôle de son compatriote GKN a d’abord été associé à l’italien Agusta dans une coentreprise AgustaWestland. Puis en 2004 Finmeccanica, maison mère de Agusta a racheté la part de GKN. Vickers a été racheté par Rolls-Royce en 1999 et sa division défense a été revendue au britannique Alvis, lui-même racheté par BAE Systems en 2004.
Enfin deux sociétés sont passées sous contrôle américain : Devonport Management (contrôlé par Halliburton) et l’avionneur Hawker Siddeley, revendu à Raytheon Aircraft.
En Europe
– Les dix sociétés allemandes ont évolué de façon un peu différente : si le groupe familial Diehl n’a guère changé, les activités militaires de DaimlerBenz ont été apportées à la firme européenne EADS. Siemens a cédé son activité électronique de défense et le chantier naval Lürssen a réduit son activité militaire.
Les autres entreprises allemandes se sont concentrées : Thyssen et Krupp ont fusionné et ensuite repris le chantier naval HDW. Krauss-Maffei (et Wegmann ont également fusionné.
– En Italie, le group Fiat a revendu en 2002 sa filiale Fiat Avio (aujourd’hui contrôlée par le britannique Cinven) et les deux grands holdings publics IRI (Aeritalia, Selenia, Fincantieri,...) et EFIM (Agusta, Oto Melara,..) ont été démantelés et privatisés donnant naissance au groupe Finmeccanica, neuvième groupe mondial de défense en 2006.
– De même le holding public espagnol INI (Bazan, Santa Barbara) a été démantelé et remplacé par un autre holding (SEPI). Dans cette transformation le chantier naval Bazan, devenu Izar, a été en 2005 rebaptisé Navantia. Le constructeur d’armement terrestre Santa Barbara est lui passé sous contrôle de l’américain General Dynamics.
– En suède, la concentration a fait disparaître du secteur Bofors (groupe Nobel), passé sous contrôle de Celsius, puis, après le rachat de celui-ci par son compatriote Saab, cédé au groupe américain United Defense et finalement échu au britannique BAE Systems. et les arsenaux FFV ont vu leurs activités réparties entre Bofors et Volvo Aero.
Quelle politique d’autonomie ?
De ce maelström industriel, sont nés les grands groupes EADS, BAE Systems et Thales, rejoints plus tard par Finmeccanica. On pouvait y voir les prémices d’une Europe de l’armement qui coordonnée à une doctrine européenne de défense aurait consolidé les moyens d’une autonomie stratégique. Mais il faut nuancer sérieusement ce point de vue car les incertitudes politiques sont graves .
Le développement d’un concept de « sécurité », même rebaptisée « nationale » aboutit à redéfinir les missions et les moyens de la défense, dans un continuum qui va du risque d’avalanche au conflit armé ouvert.
Dans le cas français, les réductions prévues (54 000 postes) aboutissent à la constitution de ce que l’ancien ministre de la défense Jean-Pierre Chevènement appelle « une petite armée de projection » , avec tous les risques d’assujettissement aux choix impériaux qu’impliquent une telle structuration.
Le développement théorique de la notion de sécurité va de pair avec le développement des productions de sécurité qu’on constate chez les principales firmes d’armement , notamment dans l’électronique. Dans le même temps, la politique d’équipement est réorientée vers la perspective nouvelle d’un « recours au marché mondial », autrement dit aux fournitures américaines , qui risque d’ouvrir inconsidérément sans réciprocité les marchés d’armement aux firmes d’outre-atlantique. Le risque est d’autant plus marqué que les grandes firmes européennes misent beaucoup sur le marché américain comme on le constate dans les choix de BAE Systems.
Dans cette évolution, les conditions concrètes de la production d’armement apparaissent négligées : la cohérence industrielle d’une montée en puissance de Dassault (dispensé d’OPA) dans le capital de Thales n’est pas évidente. Les annonces impulsives sur l’avenir de DCNS sont discutables. Et le suivi politique des firmes d’armement est loin d’être assuré : le seul document qui à l’automne 2008 dans la discussion budgétaire donne des indications sur les firmes d’armement donne à EADS un chiffre d’affaires de 6milliards d’euros alors qu’il est de 39 milliards. Il divise par deux le chiffre d’affaires de Thales et celui de safran. Il indique des chiffres tout à fait insolites pour l’activité militaire : 3,6 milliards d’euros pour EADS au lieu de 10 ; 3,6 pour Thales au lieu de 6 ; 1,5 pour safran au lieu de 3.
On mesure ici combien la suspension en 1993 de la parution de l’avis budgétaire « industrie et recherche d’armement » est préjudiciable. C’est là un indice alarmant de la place seconde laissée à la politique des moyens, sans laquelle il n’y aura pas d’autonomie stratégique réelle.
Cirpes . Paris, 1er janvier 2009