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« La valeur et l’importance de la peine infligée à Jorge Rafael Videla dépasse de loin la récurrente « indécrottable bulle » (sic) dans laquelle vivent les argentins coupés de ‘l’Amérique Latine‘ plus que dans un sens culturel, psychanalytique, géopolitique et idéologique. Celle-ci dépasse tout cercle régional, parce qu’elle constitue un énorme message pour les peuples … », etcetera.
Les mots d’un texte excellent, émotif, et écrites par un intellectuel de gauche honnête que, en plus de le respecter, je lis avec attention. Cependant, le paragraphe choisi porte les affirmations qui répondent, malheureusement, à des piques que ne coïncident pas avec la réalité historique ni le ressenti de la majorité des argentins.
« Des argentins coupés de l’ « Amérique Latine » ? » Comme nous disons au Mexique … : qué tanto es tantito ? (mais de quoi on parle ?) D’autres peuples du continent seraient-ils plus ou moins « connectés » à l’Amérique Latine ? Et l’Amérique Latine … : qu’est-ce que c’est ? Une idée ou une mosaïque de singularités bigarrées contrastées ?
Les États-Unis nous traitent de « latins » (ou bien, « indiens »), et l’Europe qui nous a « découverts » continue de nous voir à travers le prisme idéologique de Diderot, parce que les « câbles » de Wikileaks la mettraient en cause. Ensuite, quelques argentins avec lettres de citoyenneté Latinoaméricaine :
1. José Gervasio Artigas (1764-1850). Héros indépendantiste. Quand l’Argentine et l’Uruguay n’existaient pas comme Etats, Artigas a mené la première bataille victorieuse contre les Espagnols au Río de la Plata, et ensuite a dessiné le projet d’intégration politique et économique qui regroupe, justement, aujourd’hui les pays du Marché commun du Sud (Mercosur). Il est mort expatrié.
2. José de San Martín (1778-1850). Un libérateur et un Héros indépendantiste. En désobéissant aux ordres du gouvernement pro-britannique de Buenos Aires, il a traversé avec son armée la cordillère des Andes et a libéré le Chili et le Pérou du joug espagnol. Il est mort dans la pauvreté.
3. Bernardo de Monteagudo (1789-1825). Héros indépendantiste de la Bolivie, de l’Argentine et du Pérou. Au Pérou il fut le chef du renseignement de Saint Martin, et plus tard Bolivar l’a chargé de l’organisation du Congrès Amphictyonique de Panama. Il est mort assassiné.
4. Hipólito Irigoyen (1852-1933). Président argentin par deux fois. Quand un navire de la Marine de guerre argentine a mouillé dans le port de Saint-Domingue (1920), le capitaine du navire a consulté son gouvernement pour savoir quel drapeau il devait saluer, si c’était celui des États-Unis (qui occupaient le pays) ou le Dominicain. Irigoyen a répondu : « Allez et saluez le pavillon dominicain en reconnaissance de son indépendance et de sa souveraineté ». Par cet acte, une rue centrale de Saint-Domingue honore sa mémoire. Il est mort dans la pauvreté.
5. Manuel Ugarte (1875-1951). Poète et écrivain socialiste. Il a marqué pour toujours le concept de « Grande Patrie ». En 1911, il a entrepris au Mexique une tournée de par le continent. Ses conférences attiraient des milliers de jeunes. En 1914, il a créé l’Association Latinoaméricaine. Sandino lui a écrit en lui disant : « votre nom, monsieur Ugarte, est depuis longtemps familier parmi nous ». Méprisé par les gauches argentines, Ugarte a été sauvé de la misère par le général Juan D. Perón.
6. Juan Domingo Perón (1895-1974). Président en trois occasions. Ennemi du « panaméricanisme » US, il s’est affronté à Washington. Un précurseur du concept du « non alignement », a soutenu la « troisième voie » et l’intégration économique sous-régionale. Perón s’est refusé à envoyer des troupes à la guerre de la Corée (1950-53), a condamné l’invasion yankee au Guatemala (1954), a envoyé des armes aux sympathisants du président Jacobo Arbenz, a salué à la révolution cubaine (1959) et a célébré la mémoire du Che Guevara quand il est tombé au combat (1967).
7. Julio Cortázar (1914-1984). Ecrivain. À la différence des grands et petits écrivains qui vivent suspendus à leur « succès » éditorial ou prosternés face au « roi de toutes les Espagnes », il fut un intellectuel digne qui a appuyé la révolution cubaine, le Chili d’Allende, le Nicaragua sandiniste, et a donné une partie de ses droits d’auteur à des révolutionnaires argentins et chiliens.
8. Gregorio Selser (1922-1991). Journaliste et écrivain. Il a redécouvert le Sandino anti impérialiste pour les nouvelles générations du Nicaragua, il a dénoncé dans des dizaines de livres le rôle de la CIA à l’Amérique Latine, et dans quatre tomes il a détaillé de la façon la plus minutieuse les interventions de Washington en l’Amérique Latine.
9. Ernesto Che Guevara (1928-1967). Combattant internationaliste, libérateur et citoyen de la Cuba révolutionnaire, paladin incorruptible des jeunesses révolutionnaires du monde. Le Che est mort en Bolivie, avec l’espoir de la libération du pays qui l’a vu naître.
10. Enrique Gorriarán Merlo (1941-2006). Combattant internationaliste. Il a eu le courage et la décence de commander le groupe de patriotes qui à Asunción du Paraguay a exécuté le tyran du Nicaragua, Anastasio Somoza (1980).
11, 12, 13. Carlos Gardel (1887 ?-1935), Atahualpa Yupanqui (1908-1922), Mercedes Sosa (1935-2009).Leurs chansons et mélodies raisonnent tous les jours dans chaque village et grande ou petite ville d’Amérique Latine.
14. Eduardo Galeano (1940). Ecrivain. Ainsi comme Artigas, qu’importe si l’auteur « Des veines ouvertes de l’Amérique Latine » est né en Uruguay ou en Argentine. En 2008, le Mercosur l’a nommé « citoyen illustre ».
La Jornada . Mexico, le 29 décembre 2010.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
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El Correo. Paris le 26 novembre 2011.