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4 novembre 2005

IV Sommet des Amériques : Bush en terres hostiles. Hier l’Espagne, aujourd’hui les Etats-Unis... Non à la neocolonization.

 

Même le plus conservateur des jouneaux français ...
El Correo

Par Lamia Oualalou
Le Figaro
. Paris, 4 novembre 2005

Non à la neocolonization !

Le slogan a le mérite de la clarté : « Stop Bush ». Les murs de Buenos Aires et ceux de la cité balnéaire de Mar del Plata, qui accueille aujourd’hui et demain 34 chefs d’Etats américains, en sont tapissés. Avec ses variantes : « Bush Go home », « Fuera Bush » (« Bush dehors »). Jamais président américain n’aura été attendu avec autant d’animosité en Argentine. Et dire qu’il y a moins de dix ans, Carlos Menem, alors président, célébrait les « relations charnelles » entre son pays et les Etats-Unis...

Le modèle américain ne fait plus recette dans son arrière-cour. Une décennie de libéralisation économique échevelée, orchestrée par le FMI et la Banque mondiale avec la bénédiction de la Maison-Blanche, a laissé les populations latino-américaines à genoux. L’Amérique latine a l’impression d’avoir été la victime d’un grand pillage, organisé par une association de malfaiteurs comprenant les banques internationales, le FMI, et bien sûr, leurs élites. Un sentiment qui, en particulier dans les Andes, en Bolivie, au Pérou, en Equateur, où les Indiens représentent une part importante de la population, entre en résonance avec des siècles d’exploitation. Hier l’Espagne, aujourd’hui les Etats-Unis...

La prédominance de CNN contestée

Le paradoxe est que les 6% de croissance moyenne des économies latino-américaines en 2004, du jamais vu depuis vingt-cinq ans, n’apaise pas ce désamour. Car depuis son arrivée au pouvoir, il y a cinq ans, George Bush a multiplié les maladresses. Son attachement à l’électorat de l’Etat de Floride, gouverné par son frère Jeb, l’a incité à construire sa politique dans le sous-continent à travers le prisme anticastriste.

Incompréhensible pour la majorité des jeunes Latino-Américains pour lequel Fidel Castro est au mieux un glorieux résistant, au pire, un dictateur fantôme du passé. Le déclenchement de la guerre en Irak a ranimé le souvenir des interventions musclées des « marines » en Amérique centrale du début du siècle et celui des dictatures des années 70, qui ont bénéficié au moins de la complaisance de Washington. Les interventions de l’Administration Bush dans les différents processus électoraux n’ont pas été plus heureuses. En demandant aux Boliviens de ne pas voter pour le leader indigène Evo Morales, en 2002, l’ambassadeur américain à La Paz n’a fait qu’alimenter son impopularité. Cette même année, son homologue à Caracas s’était félicité de l’éphémère coup d’Etat à l’encontre du Vénézuélien Hugo Chavez. Quarante-huit heures plus tard, l’ex-parachutiste reprenait le pouvoir en martyr.

L’envolée des cours du pétrole lui a permis d’emporter le 15 août 2004 un référendum sur son maintien au pouvoir. Hugo Chavez est décidé à attaquer les Etats-Unis sur ce qu’ils considéraient comme une chasse gardée : l’Amérique latine.

Au projet d’alliance économique courant de l’Alaska à l’Argentine prôné par Bush, l’Alca, il oppose son modèle d’alliance bolivarienne (Alba) fondée sur une intégration des peuples et un socialisme aux contours diffus. Pour attaquer la prédominance médiatique de CNN, il promet la naissance d’une télévision du sud, Telesur. Et renvoie avec fracas des militaires et des évangélistes américains installés au Venezuela en les taxant d’espions.

Le personnage d’Hugo Chavez, pur produit des Caraïbes, est peu susceptible de séduire les foules argentines ou brésiliennes. Mais tous admettent une fascination pour cet homme qui a le toupet de tenir tête à George Bush. Car pour asseoir son influence, Hugo Chavez a mis en place une véritable diplomatie du pétrole. Il fournit de l’or noir à bas prix aux petits pays d’Amérique centrale et des Caraïbes, propose de généreux échanges viande contre pétrole au Brésil et à l’Uruguay et rachète une partie de la dette argentine quand les marchés tournent le dos à Buenos Aires. Cela marche. A la fin de l’année, le Venezuela sera membre à part entière du Mercosur, la communauté économique du cône sud. Cette alliance signifie qu’au moins à court terme, les deux géants que sont le Brésil et l’Argentine n’attendent rien des Etats-Unis.

***
Washington feint d’ignorer les provocations d’Hugo Chavez L’Administration Bush et l’industrie pétrolière américaine ménagent leurs intérêts au Venezuela en conjuguant vigilance et modération.

Par Philippe Gélie
Le Figaro
. Paris, 4 novembre 2005

Les manifestations d’hostilité qui attendent George W. Bush à Mar del Plata vont une nouvelle fois mettre en vedette le président vénézuélien, Hugo Chavez. Ce pourfendeur de l’impérialisme américain représente une douloureuse épine dans le pied de l’Administration Bush. En général, Washington ne prend pas de gants avec ceux qui font obstacle à ses intérêts, de la Corée du Nord à l’Iran en passant par la Syrie. Pourtant, dans son voisinage immédiat, la superpuissance américaine se laisse malmener presque sans réagir.

Ce ne sont pas seulement les noms d’oiseaux dont Chavez accable Bush. C’est l’alliance stratégique avec Fidel Castro à Cuba, une politique d’armement qui inquiète le voisin colombien, l’utilisation du pétrole comme arme diplomatique, la menace récurrente de suspendre les livraisons de brut aux Etats-Unis, l’ordre d’expulsion de missionnaires américains...

Le mois dernier, le président a frôlé la ligne rouge en affichant son intention de développer une filière nucléaire civile, dans la foulée du resserrement ostentatoire de ses liens avec l’Iran. Ceux qui redoutaient une « sur-réaction » de l’Administration Bush auront été surpris. La secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, qui tient Chavez pour « une force négative », s’est abstenue de répondre à ce qu’on qualifie dans son entourage de « mauvaise blague ». Steve Hadley, le conseiller à la Sécurité nationale, y a vu une simple hypothèse « problématique ».

Depuis la tentative de renversement avortée en 2002, quasi ouvertement soutenue à Washington, le caudillo de Caracas est persuadé que Bush veut envahir son pays ou le faire assassiner. Le dérapage du pasteur évangéliste Pat Robertson, appelant fin août à l’élimination physique de ce « terrible danger », n’a rien fait pour apaiser ses craintes. Pourtant, la politique officielle américaine maintient plutôt un profil bas. « Notre stratégie consiste à l’isoler et à éviter la confrontation, car cela le stimule, comme un enfant qui recherche l’attention, explique l’ancien sous-secrétaire d’Etat de Bush pour la zone Amériques-Caraïbes, Roger Noriega. La solution réside dans notre programme positif d’ouverture politique et économique : si nous réussissons à mener à bien les réformes commerciales, fiscales et institutionnelles nécessaires en Amérique latine, Chavez sera marginalisé. »

Bush le pétrolier

Cette voie prudente coïncide avec les intérêts du lobby américain du pétrole, dont George Bush est issu. Si l’exploitation pétrolière est le moteur de l’économie vénézuélienne (1), les capitaux étrangers sont son carburant. Les compagnies américaines Chevron, Exxon Mobil ou ConocoPhillips ont investi des milliards de dollars dans le pays, 6e producteur mondial, dont les réserves atteindraient 78 milliards de barils. Chavez a beau avoir revu leurs contrats à son avantage, et dans certains cas lancé le fisc à leurs trousses, elles nourriraient des projets de développement à hauteur de 30 milliards de dollars. « Ce gouvernement est votre allié, leur a dit le président en mars. Nous ne chassons personne du Venezuela. »

Comparé au Mexique, à l’Iran ou à l’Arabie saoudite, « le pays reste ouvert et, malgré les problèmes, l’un des endroits les plus faciles au monde pour aller chercher du pétrole », souligne Luis Giusti, ancien président de la compagnie nationale Petroleos de Venezuela SA (PDVSA), reconverti comme expert à Washington. Farouche adversaire de Chavez, qui l’avait écarté de son poste, il met toutefois en garde contre « la dégradation de l’état de droit, qui affecte aussi les étrangers ». Au département d’Etat, on se dit vigilant : « Nous sommes à l’écoute des intérêts économiques américains, mais nous ne perdons pas de vue les autres enjeux, affirme M. Noriega. Si le lobby pétrolier fait pression sur l’Administration, il gaspille son argent, parce que ces pressions ne sont jamais arrivées jusqu’à moi. »

Washington mise sur le sens des responsabilités des autres dirigeants latino-américains, avec lesquels Bush aurait « des relations solides », malgré son impopularité. « J’ai déjà vu ses homologues couper la parole à Chavez en disant qu’il leur faisait perdre leur temps », confie un diplomate. Roger Noriega évoque une rencontre il y a six mois avec des pétroliers inquiets de la montée de l’arbitraire à Caracas. « Le lendemain, j’ai dit à "Condi" Rice : les compagnies américaines approuvent notre politique en faveur de la démocratie. »

(1) Le pétrole fournit 20% du produit national, 80% des exportations et la moitié des revenus de l’Etat.

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