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27 mars 2018

Dossier : « Plateformes, surveillance et post-politique dans la cybersociété »

« GOUVERNER, C’EST FAIRE CROIRE »
La politique dans l’univers panoptique des reseaux

par Luis Lazzaro

 

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Introduction

L’ère de l’action coercitive de la communication et de la pression systémique de dispositifs capables de produire une réalité virtuelle sonne à la porte de la démocratie, afin de s’assurer qu’il existe encore du politique. Pour savoir s’il y a encore une vie. Pour voir si, dans les marges étroites de la souveraineté de l’Etat, il reste encore quelque chose qui tienne debout et rende possible la gouvernabilité en termes démocratiques.

Selon l’universitaire basque Innerarity nous vivons une ère post-politique, l’époque de la démocratie sans politique. Et dans ce vide, ce qui est politique prend la forme d’un territoire scénographique pour des mises en scène – aussi bien officielles que oppositionnelles – ou pour de simples rituels symboliques. Il n’y circule que des émotions circonstancielles qui occultent plus qu’elles ne disent, avec des déclarations volontaristes et l’expression de vœux qui ressemblent davantage à des recettes discursives qu’à un énoncé organique et rationnel de la politique.

Dans le monde globalisé, le politique prend généralement la forme d’une mobilisation à peine capable de produire des expériences constructives, se limitant à « ritualiser certaines contradictions envers ceux qui gouvernent, lesquels à leur tour réagissent en simulant un dialogue et en ne faisant rien » [1].

Le problème c’est que le pouvoir n’est plus là et qu’il refuse d’être vu. D’où la nécessité d’interpeller une fois de plus la politique avec le souci de la défier pour qu’elle soit l’expression d’une souveraineté populaire qui nécessite sérieusement de donner un contenu à la démocratie. Pour cela, elle a besoin, entre autres, de déconnecter ou de réinitialiser une grande partie des citoyens, résignés aux arrangements médiatiques et à la manipulation digitales de leurs émotions.

La tromperie épistémique des promoteurs de l’être digital qui promettaient le bonheur éternel dans un monde sans travail, sans conflit et sans histoire, est restée loin derrière nous. Le système fonctionne sous l’égide d’un superpouvoir transnational et poreux dont la capillarité atteint individuellement chaque citoyen dans un monde chaque fois plus connecté et inégalitaire. Un pouvoir qui est presque devenu une religion. Le « j’aime est un amen digital. Le smartphone n’est pas seulement un appareil de surveillance efficace, c’est également un confessionnal mobile. Facebook est notre église globale », dit le coréen Byung-ChulHan-la dans son livre « L’hypercommunication digitale détruit le silence dont a besoin l’esprit pour réfléchir et pour être lui-même » [2].

Le paradigme physique des masses qui caractérisait la société industrielle a cessé de fonctionner. Des médias de masse, une consommation massive, des partis politiques assumantl’appartenance à une classe et un ancrage social. A la place de tout cela, nous avons aujourd’hui des communautés, des archipels qui, dans la postmodernité, survivent à la dissolution de cette société et se regroupent en tribus nomades qui habitent les réseaux sociaux dans le monde digital. Un monde d’individus isolés dans leur connexion et économiquement consommés par les informations personnelles que chacun d’entre eux fournit. Une époque de vide habité par des marques ou des franchises de partis qui offrent leurs servicespour gérer le pouvoir et qui sont généralement dans le courant dé-régulateur du néolibéralisme. Toute position faisant appel au peuple en tant que catégorie sera présentée comme appartenant à un passé obscur. Et toute mobilisation populaire qui fera allusion à ces temps passés sera taxée de nostalgique ou déformée dans un simulacre d’information.

L’astuce du néolibéralisme est de savoir se réinventer sur les cendres de son dernier échec comme étant le futur. Il a pour cela recours à un vieux truc que Marcuse appelait « la politique de la technologie » : dans cette société, l’appareil productif tend à devenir totalitaire dans la mesure où il détermine non seulement les occupations, les aptitudes et attitudes socialement nécessaires, mais également les besoins et les aspirations individuelles [3]. La nouveauté technique – aujourd’hui sans dimensions temporelleni spatiale dans un monde binaire – devient ainsi l’idéologie d’un nouvel ordre économique et social mondial dont la gestion appartient aux détenteurs du copyright.

C’est avec ce contexte tendu que se livre la bataille pour un modèle de société, d’identité culturelle et de démocratie dans la post-modernité. Les changements de production dans la communication ont changé les règles de l’exercice politique. Le citoyen ne délègue pas sa représentation de manière automatique dans la mesure où il lui est difficile de reconnaître le rang social auquel il appartient et de retrouver une correspondance dans le discours politique. Son ancrage n’appartient pas nécessairement à sa place dans la chaîne de production, comme dans la tradition marxiste, place à partir de laquelle il peut interpeler sa condition de sujet social et politique. Le sujet de la société liquide (Bauman, 1999) est le produit de l’interface homme/machine/machine/machine-homme (comme l’avait anticipé Weiner dans « Cybernétique et Société » [4]. Il y examine la pathologie dominante de la société, la peur (et non pas le droit) de l’absence digitale.

« GOUVERNER, C’EST FAIRE CROIRE »
La bulle informationnelle

La recommandation de Francis Bacon au cardinal Richelieu au 17ème siècle : « gouverner c’est faire croire » est devenue l’acte de naissance d’une nouvelle forme d’exercice du pouvoir au moyen de la publicité. A cette époque, les rares médias disponibles devaient déjà se mettre au service de la construction de scenarii d’opinion dans un but de gouvernementalité. Imaginons donc la multiplication exponentielle du « faire croire » à l’époque de la saturation informationnelle et des fake news.

Jamais encore le système de production mondial, le réseau de communications et les rouages du contrôle géopolitique n’avaient disposé d’autant d’information ni d’un commando centralisé comme celui d’aujourd’hui. La diversité de raisonnement et la culture sont menacées par le langage unique (binaire) qui navigue au rythme des algorithmes qui régulent les flux et les priorités de circulation. L’usage instrumental de ce dispositif contamine les décisions sociales, politiques, économiques et informationnelles.

L’émergence d’un monde traversé par des objets et produits technologiques se ressent dans le domaine des significations, dans ce que certains épistémologues appellent le « langage des objets produits », définition qui fait directement allusion au phénomène de virtualisation de la réalité et à la prise de contrôle discursif de la réalité par les biens et les services qu’a généré la révolution scientifique et technique de la fin du 20ème siècle.

Avec le passage du langage des objets produits à la macrosémiotique – de vastes ensembles de signifiants du même genre, la signification du « monde des mythes et des idéaux de la raison » change pour le « monde des objets construits et l’expansion irrésistible des échanges de bien avec la consécration concomitante de la primauté de l’appréciation technique », nous dit l’épistémologue Juan Samaja [5] dans la continuité de Marcuse et d’autres savants.

La longue liste des opérations réalisées sur les Technologie de l’Information et de la Communication (les TICs) inclue la segmentation des publics à des fins de manipulation (y compris électoralement) au moyen de fausses informations et par la multiplication des armées de « trolls » (faux profils) virtuels ou robotisés, chargés de semer la confusion, la panique et/ou des événements alternatifs parmi les opposants et/ou les naïfs. C’est ainsi que l’on exacerbe les phobies, les stéréotypes et les préjugés.

Des élections ont déjà pu être programmées grâce à certaines de ces partitions algorithmiques. La population des Etats-Unis touchée par des opérations d’information orientée a représenté 40% sur un total de 310 millions de personnes. Facebook a admis que 130 millions d’usagers avaient généré 10 millions de partages. Il en va de même avec Twitteret Google. Outre le résultat des élections aux Etats-Unis, on obtient des vagues de xénophobie sur toute la planète, l’apogée idéologique du néolibéralisme et une culture-monde qui impose des modèles sociaux et de consommation.

La dérégulation économique que facilite internet – sans contrôle souverain – est présentée comme un mécanisme d’arbitrage géopolitique inscrit structurellement au moyen d’une architecture de satellites et d’un câblage de fibre optique qui donne une mine de données pour la surveillance, le suivi, l’espionnage, et dans le même temps son utilisation pour alimenter l’Intelligence Artificielle (prospective) afin de manipuler les marchés, les consommateurs, souligne Elbaum [6].

Le boom des fake news a provoqué le débat sur le rôle de Facebook et Google en tant qu’éditeurs journalistiques ayant une responsabilité par rapport aux informations qu’ils diffusent. Les clignotants des alarmes se sont allumé y compris dans les pays développés, comme cela s’est produit au Royaume Uni où Patricia Hodgson, présidente de l’OFCOM (organisme régulateur des médias) a indiqué que les deux groupes technologiques jouaient également le rôle d’éditeurs et qu’en conséquence ils devaient respecter les nouvelles règles en matière de médias.

Les opérateurs de réseaux et les moteurs de recherche gèrent l’accès à l’information et à la consommation de publicité de centaines de millions de personnes sur la planète. Facebook a lancé en 2006 News Feed, sa première plateforme de sélection d’informations pour téléphones portables et a récemment fait la promotion du mouvement « time wellspent » (Temps bien utilisé) qui organise la distribution personnalisée des informations selon ses propres critères. De cette façon, les usagers ne savent plus qui est derrière l’information puisque les médias ont cédé leur production informationnelle à un nouveau système de monétisation qui les excluent du marché.

Cela a conduit l’un des plus grands journaux d’Amérique Latine, le Folha de Sao Paolo, à retirer sa page du réseau de Zuckerberg : « La décision, annoncée par Facebook en janvier,de changer le filtre de News Feed afin de donner la priorité à ce que les amis et parents partagent entre eux, a mis en évidence les inconvénients d’un recours au réseau pour distribuer du contenu », a dit le Folha qui a fermé sa page sur Facebook il y a quelques jours [7]. Cependant, l’algorithme du réseau social, considère le journal, « renforce la tendance de l’usager à consommer toujours plus de contenu avec lequel il a des affinités, favorisant ainsi la création de bulles d’opinions et de convictions, et la propagation des fake news ».

Pour le média, ce changement ne garantit plus au lecteur de recevoir des points de vue opposés sur un même sujet.

Il est difficile dès lors de comprendre la différence entre le vrai et le faux ; entre la réalité et le simulacre que les médias en construisent. L’avantage de ce dispositif est d’aveugler l’individu pendant qu’on occulte le mécanisme de gestion de son temps. C’est-à-dire que le même dispositif de gouvernementalité remplit le double objectif de montrer et d’occulter, tout en conservant la tradition de surveiller et punir [8]. Au lieu du déshonneur public du Moyen Age il est possible aujourd’hui de faire appel à la condamnation médiatique de l’opposition ou à l’exaltation du policier à la gâchette facile qui supprime des malfaiteurs pour rendre justice au nom de toutes les peurs et frustrations sociales. Ce qui est donné à voir (un policier tirant dans le dos d’un voleur qui tente de s’enfuir) c’est ce que l’on cache à la raison et qui se redéfinit dans l’inconscient collectif comme un acte de justice nécessaire pour la tranquillité des membres de la tribu. Le truquage consiste à faire voir à chacun sous une forme personnalisée ce qu’il souhaite voir. Avec cet éclairage médiatique, on détourne les plus pauvres de la précarisation sociale, les confiscations monétaires et juridiques. La raison politique ne parvient pas encore à désamorcer cette bombe à fragmentation qui circule sur les smartphones sous la forme d’une fausse polémique à propos de la peine de mort.

Fin de la neutralité

C’est dans ce contexte qu’avec la finalisation des règles de neutralité (Obama, 2015) le gouvernement des Etats-Unis vient de rendre le monde moins sécurisé en posant les bases d’un usage discrétionnaire d’internet ; ceci autorise les propriétaires des autoroutes informatiques à réguler les flux, le contenu, la qualité et l’ordonnancement de l’information en fonction de leurs propres convenances.

Selon l’ouvrage d’Elbaum, 98% du trafic sur Internet entre l’Amérique Latine et le reste du monde transite par des serveurs des Etats-Unis. 75% de l’information qui circule à l’intérieur de notre sous-continent a également un domicile « physique » dans des « nuages » états-uniens. Les groupes GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et NATU (Netflix, AirB&B, Tesla et Uber) sont les acteurs exclusifs des flux de circulation de contenus et des algorithmes qui ouvrent et ferment les portes selon leurs intérêts et convenances.

Paradoxalement, le monde semble enregistrer les hostilités du nouvel ordre et tend à se réfugier dans un protectionnisme qui recommande de faire attention à la suractivité de l’ouverture libre-échangiste. Ce train semble être déjà passé depuis un certain temps.

En Argentine, l’euphorie futuriste post-2015 irradie un volontarisme technocratique perméable aux mandats de la politique de la technologie à caractère transnational qui consiste à proposer des procédés informatiques comme étant synonymes de progrès. On voit ici se reproduire le fétiche de Negroponte [9] qui avait promis de sortir l’Afrique de la pauvreté en distribuant des ordinateurs aux enfants, et que des millions d’affamés fuyant les horreurs de la société et de la guerre sont venus démentir. La modernité aurait été dans ce cas l’eau, l’électricité, des infrastructures, l’industrie et le développement humain.

Malgré cela, un ministère de la Modernisation se met en place dans notre pays. En réalité, il fonctionne comme une succursale des grands maîtres du smart business. Ses mentors tentent de passer d’une économie primaire, avec un développement industriel réduit et un minimum d’infrastructures, à un monde producteur des robots, de l’intelligence artificielle et du cyber-gouvernement, sans expliquer comment ces entreprises résoudront les problèmes chroniques du chômage, de la pauvreté et des inégalités. Au nom de la modernisation, on démantèle l’architecture juridique des communications, les lieux de recherche et de développement technologique, les domaines de production scientifique les plus avancés du pays.

Le ministre Ibarra, en charge de ces questions, a délégué la gestion de la big data nationale aux grands groupes qui interviennent au niveau des clouds. Au détriment de la souveraineté et de la capacité de gestion nationale, il autorise dix nouveaux satellites étrangers à vendre leurs services, alors que dans le même temps il privatise plus de 50% du troisième satellite argentin de communications, supprime le Sous-Secrétariat des Services Technologiques et de Production, affaiblit l’Institut national de Technologie Industrielle (INTI) et encourage la mégafusion corporatiste de Cablevision/Télécom qui laisse des usagers et citoyens sans aucune protection constitutionnelle.

Il en résulte un accroissement de la concentration corporatiste dans des domaines clés de la souveraineté économique et de la gestion de l’information qui se produit en même temps d’une forte diminution des ressources humaines et scientifiques du pays. Cela suppose aussi une chape de plomb sur les espoirs d’expansion des ISP (fournisseurs d’Internet) indépendants et des médias gérés par des PME ou communautaires, lesquels pourraient offrir l’écoute « d’autres voix » en matière d’information.

Est-il possible dans ce contexte d’imaginer un scénario de récupération de la souveraineté politique en démocratie ? Cela ne semble ni simple ni linéaire. Rarement, le système de production et le système politique ont été aussi imbriqués dans un schéma qui – à cause des difficultés de la démocratie sous l’action de la communication – suppose qu’une plus grande expansion du techno-capitalisme entraîne une plus grande dépolitisation ; qu’une plus grande visibilité de l’individu entraîne une plus grande dissimulation du pouvoir ; que davantage d’information génère moins de connaissance.

La politique en tant qu’art de gérer et de transformer la réalité se débat entre la simple administration des conditionnements technologiques avec leur impact sur la production et social d’une part, et la construction d’instruments publics permettant leur usage pour améliorer la qualité de vie des citoyens. La première difficulté est de surmonter le mythe de la progressivité neutre qui s’offrirait par la seule expansion technico-scientifique. Or celle-ci n’éduque pas, ne soigne pas, ne donne pas à manger, alors que Raul Alfonsin espérait qu’elle suffirait à instaurer la démocratie en Argentine. Cela ne peut se produire que dans un Etat intelligent qui régule ses possibilités et prend partie en faveur des majorités. Et pour y parvenir il est presque obligatoire que le citoyen puisse politiser la démocratie en s’engageant physiquement et aussi virtuellement, en exerçant un contrôle critique de la gouvernance des réseaux et en revenant à la souveraineté du politique dans ses décisions.

Luis Lazzaro* pour Cuadernos del CEL (Centro de Estudios Latinoamericanos)

CUADERNOS DEL CEL, 2018, Vol.III, Nº 5. Págs. 24-32. ISSN : 2469-150X.

* Luis Lazzaro est journaliste et il a exercé comme rédacteur, rédacteur en chef de rubrique et chroniqueur dans diverses publications nationales et étrangères. Il a un diplôme de troisième cycle en tant que spécialiste en éducation, langues et médias (UNSaM). Il est actuellement professeur en droit de la communication à l’Université Nationale d’Avellaneda (UNDAV) et professeur régulier de droit de la communication et de l’information à l’Université de Moreno (UNM). Il est le coordinateur de troisième cycle en télévision numérique et nouvelles platesformes à l’Université de La Matanza. Auteur des livres « Geopolítica de la palabra, Reflexiones sobre Comunicación, Identidad y Autonomía » CICCUS-Editions UNDAV, 2015, et « La batalla de la Comunicación, De los tanques mediáticos a la ciudadanía de la Información » (Colihue 2010, Reimpr 2011). Co-auteur de « En la ruta digital. Cultura, convergencia tecnológica y acceso » (Cultura Nación, 2011).
Cet article fait partie du dossier « Plateformes, surveillance et post-politique dans la cybersociété].

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Marie-Rose Ardiaca

El Correo de la Diaspora. Paris, le 27 mars 2018

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Notes

[1Daniel INNERARITY «  Democracia sin política ¿Por qué la democracia puede perjudicar seriamente a la democracia ?  », Universidad del País Vasco, 2014.

[2Federico KUKSO, « Apología de la desconexión  », La Nación, Buenos Aires, 15 de enero de 2017.

[3Hebert MARCUSE, « One-Dimensional Ma » (1964) Trad. fr. (1968) « L’Homme unidimensionnel »

[4Norbert WEINER, « The human uses of human being : Cibernetics and society », Da Capo Press, 1988, 105. « Cybernétique et société » (1952, rééd. 1971), Union Générale d’Éditions, Collection 10/18 ; nouvelle traduction, 2014, Coll. Points, (ISBN : 2-7578-4278-1), qui délègue des espaces de sa souveraineté personnelle à des algorithmes qu’il ne sait comment manipuler et qu’il ne connait pas.

Le sujet ne distingue plus la frontière entre les sphères privée et publique. L’administration de la citoyenneté, les démarches, les requêtes, les relations familiales, les interactions sociales et même les relations intimes sont de plus en plus confinées dans le champ électronique du virtuel, avec ses schémas de monitoring, sa surveillance et son suivi. Une sorte de filet de pêcheur qui en se relevant nous sort du milieu physique de notre vie antérieure et de notre enveloppe corporelle afin de nous convertir en données lumineuses qui exigent un identifiant, un mot de passe, une validation et une acceptation du système. La principale terreur est de rester déconnecté et de se convertir en un marginal, un renégat.

Les conséquences, les blessures intérieures de cet emprisonnement sont déjà visibles : aggravation de la nomophobie (peur irrationnelle d’oublier son portable) augmentation de troubles liés à l’addiction à Internet, syndrome de la vibration fantôme, irritabilité, troubles du sommeil, symptômes d’ « info-obésité », narcissisme et exhibitionnisme digital, fatigue de la connexion, nous dit Kusko dans une note intéressante « Apologie de la déconnexion »[[ Juan SAMAJA, « Epistemología de la Salud. Reproducción social, subjetividad y transdisciplina », Buenos Aires, Lugar Editorial, 2004.

[5Juan SAMAJA, « Epistemología de la Salud. Reproducción social, subjetividad y transdisciplina  », Buenos Aires, Lugar Editorial, 2004.

[6Jorge ELBAUM, « Geopolítica digital latinoamerIcana »

[7« Folhadeixa de publicar conteúdo no Facebook », Folha de São Paulo, 8/2/2018. Le journal considère que l’algorithme de ce réseau « renforce la tendance de l’usager à consommer toujours plus de contenu avec lequel il a des affinités, favorisant ainsi la création de bulles d’opinions et de convictions et la propagation des fake news ».

[8Pour acceder à une approche actualisée et novatrice sur les techniques de surveillance il est recommandé de consulter, dans ce même Dossier : « Confiscation du conflit : « Tracking prospectif-coercitif » ou la repression « Smart », Diego LLUMÁ, Cuadernos del CEL vol. III nº 5 (2018) 17-27.

[9Nicholas Negroponte. MIT, Massachussets. Son programme «  One laptop per Children  » fut un énorme échec dans des pays qui n’avaient ni électricité, ni connexion à internet, ni infrastructures.

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