Accueil > Les Cousins > Bolivie > Evo Morales donné gagnant et l’Amerique latine aussi.
Par C.D.
El Correo, Paris 18 décembre 2005
Les boliviens se sont rendus aux urnes doublement ce dimanche, pour choisir leur futur président et renouveler le Congrès. Une élection sous surveillance puisque Evo Morales, indien et dirigeant du MAS (mouvement vers le socialisme) était en bonne position dans les derniers sondages, dans les premières estimations à la sortie des urnes.
Toutefois le système électoral bolivien a ceci de particulier que si au premier tour, aucun candidat n’obtient plus de 50% des voix, il revient au congrès de désigner le président.
Face à Evo Morales, dont la victoire potentielle suscitait de vraies inquiétudes du coté des américains, se trouve le candidat de droite libéral Jorge Quiroga. Le troisième candidat, Samuel Doria Medina, roi du ciment dans la riche province de Santa Cruz, avait déclaré que si Morales avait plus de 5% des voix, il lui apporterait son soutien. Celui-ci pourrait être décisif. La question est de savoir de quelle marge de manœuvre va disposer Evo Morales, une fois en tête.
Pour ces élections, il est en tandem avec Alvaro Garcia Linares, comme vice président. Un homme au profil plus classique, qui justement à chercher à élargir l’électorat initial de Evo Morales, décrit souvent de façon simpliste comme le chef des planteurs de coca. Le candidat de gauche veut créer la différence en permettant au pays et à ses habitant de reconquérir la richesse du pays , à commencer par le gaz , aujourd’hui aux mains de compagnies étrangères, ainsi offrir un projet de société plus équitable dans un pays où la majorité des habitants vit dans la pauvreté, et où seule une zone -Santa Cruz- profite d’une certaine richesse.
En effet, les hommes d’affaires boliviens voient d’un mauvais œil une victoire du candidat socialiste, certains jouant les oiseaux de mauvais augure prévoient un ralentissement de l’économie en cas de victoire. Il est vrai que la province de Santa Cruz, qui tient tant à ses richesses, avait envisagé de demander l’autonomie, lorsque le peuple bolivien est descendu dans la rue en mai dernier face aux hausses des tarifs du gaz. Et surtout réclamant un meilleur partage des richesses nationales exploitées par les compagnies étrangères, à travers une taxation supplémentaire. Une révolte qui faisait suite à une autre plus dramatique en octobre 2003.
Les énormes réserves de gaz bolivien sont donc un enjeu qui dépasse les frontières de ce petit pays de neuf millions d’habitants, et concernent tant ses voisins (Chili, Brésil, Argentine) que les Etats-Unis. Le gouvernement a d’ailleurs sous la pression du peuple partiellement modifié les contrats des compagnies étrangères implantées dans le pays, le 17 mai dernier.
Ces dernières ont depuis fait appel devant tribunal international d’arbitrage. Evo Morales veut sur ce dossier aller plus loin. D’aucuns parlent de renationalisation : il souhaite renégocier les contrats avec les compagnies étrangères, qu’elles deviennent des prestataires de service, et que le pays puisse avoir à nouveau sa souveraineté sur les richesses de son sous sol, à travers un contrôle de l’Etat, ce qui permettrait aussi de garantir l’approvisionnement du marché intérieur.
Il est vrai qu’une victoire du candidat de la gauche Evo Morales, qui a le soutien d’un Chavez, de Castro, et de Lula, et suscite l’intérêt du Mercosur (son représentant Carlos Alvarez suit de près le scrutin) viendra renforcer le courant socialiste qui traverse l’Amérique Latine aujourd’hui. Cet axe inquiet les Etats-Unis au plus haut niveau, qui ont déjà entamé leur œuvre pour décrédibiliser le candidat Morales, sur le terrain de la coca, ayant fait de la lutte contre les drogues illégales un point aussi important que le développement économique ou la consolidation de la démocratie.
Les prochaines heures seront décisives, pour la stabilité de la Bolivie, alors qu’il ne faut pas oublier la présence d’une base américaine au Paraguay à 200 km seulement de la frontière Bolivienne (El Correo : Installation d’une base des Etats Unis au Paraguay), du coté de la fameuse province de Santa Cruz, qui pourrait être tentée - sous la poussée de la droite- de réveiller ses velléités sécessionniste.