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« 12 de 0ctubre : Jour de la Résistance indigène »
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Le discours qui circule ces jours-ci comme étant d’Evo, fut en réalité une invention (très juste certainement) de l’avocat et auteur vénézuélien Luis Britto García, à l’occasion du « Jour de la Race » [Le 12 Octobre jour de la « découverte » de l’Amérique, est célébré de façon cynique en A. L. comme le Jour de La Raza], aujourd’hui appelé « Jour de la résistance indigène », sous le texte « Guaicaipuro Cuatemoc facture la dette à l’Europe », qui a été publié par le journal El Nacional de Caracas, le 18 octobre 1990.
Dans ce texte, de fiction, Britto réfléchit sur la dette que l’Europe a envers l’Amérique et avec quels mots un indigène américain pourrait réclamer une telle dette. L’œuvre, écrite sous forme d’épître, a été ensuite diffusée par internet sous le nom de « Conférence du Cacique Guaicaipuro Cuatemoc devant la réunion des Chefs d’État de la Communauté européenne », en faisant croire aux lecteurs qu’un véritable cacique indigène a prononcé ce discours lors une conférence internationale.
Bien que le personnage soit fictif et que la présence indigène dans une telle conférence n’a jamais eu lieu, le texte contient une réflexion sur le sujet de la conquête et sur le développement de l’Europe à travers l’utilisation des richesses naturelles de l’Amérique.
Ici donc moi, Guaicaipuro Cuautémoc, suis venu trouver ceux qui célèbrent la Rencontre. Ici donc moi, descendant de ceux qui ont peuplé l’Amérique il y a quarante mille ans, suis venu trouver ici ceux qui l’ont trouvée il y a cinq cents ans. Ici donc nous nous trouvons tous : nous savons ce que nous sommes, et c’est bien assez. Nous n’aurons jamais autre chose.
Le frère douanier européen me demande un papier écrit avec un visa pour pouvoir découvrir ceux qui m’ont découvert. Le frère usurier européen me demande le paiement d’une Dette contractée par des Judas que je n’ai jamais autorisé de me vendre. Le frère juriste européen m’explique que toute Dette est payée avec des intérêts, même si c’est en vendant des êtres humains et des pays entier sans demander leur consentement. Je les découvre déjà.
Moi aussi je peux réclamer le paiement. Je peux aussi réclamer des intérêts. Figure dans les Archives des Indes, papier sur papier, reçu sur reçu, signature sur signature, que seulement entre l’année de 1503 et celle de 1660 sont arrivés à Sanlúcar de Barrameda 185 000 kilos d’or et 16 millions de kilos d’argent provenant de l’Amérique.
Pillage ? Je ne le crois pas, parce que c’est penser que les frères chrétiens manquent à leur septième commandement.
Spoliation ? Gardez moi Tonantzin de me figurer que les Européens, à l’égal que Caín, tuent et ensuite nient le sang du frère.
Génocide ? Cela serait donner crédit à des calomniateurs comme Bartolomé de las Casas, qui qualifient la Rencontre de Destruction des Indes, ou à des ultras comme le docteur Arturo Uslar Pietri, qui affirment que le démarrage du capitalisme et de la civilisation européenne actuelle fut du à cette inondation de métaux précieux.
Non : ces 185 000 kilos d’or et 16 millions de kilos d’argent doivent être considérés comme le premier de plusieurs prêts conviviaux de l’Amérique pour le développement de l’Europe. Le contraire serait présupposer des crimes de guerre, ce qui donnerait droit, non seulement d’exiger un remboursement immédiat, mais des dommages et intérêts. Je, Guaicaipuro Cuautémoc, préfère croire dans la moins offensive des hypothèses. Les si fabuleuses exportations de capital ne furent pas plus que le début d’un Plan Marshalltzuma pour garantir la reconstruction de l’Europe barbare, ruinée par leurs guerres déplorables contre les musulmans, créateurs de l’algèbre, la polygamie, le bain quotidien et autres réalisations supérieures de la civilisation.
Pour cette raison, puisque le Cinquième Centenaire de l’Emprunt arrive, on peut se demander : les frères Européens ont-ils fait une utilisation rationnelle, responsable, ou du moins productive des ressources si généreusement avancées par notre Fonds Indoaméricano International ?
Nous déplorons d’avoir à répondre non. Pour ce qui est stratégique, ils l’ont dilapidé dans des batailles de Lépante, Armadas Invincibles, Troisième Reich et autres formes d’extermination mutuelle, sans davantage de résultat que finir occupés par les troupes US de l’OTAN, comme Panama (mais sans canal). En matière financière, ils ont été incapables – après un moratoire de 500 ans tant de s’acquitter du capital ou des intérêts, que de se libérer des rentes liquides, des matières premières et de l’énergie bon marché que leur exporte le Tiers Monde.
Ce tableau déplorable renforce l’affirmation de Milton Friedman selon laquelle une économie subventionnée ne pourra jamais fonctionner. Et cela nous oblige à leur réclamer - par leur propre bien le paiement du capital et des intérêts que nous avons si généreusement retardé tous ces siècles. En disant ceci, nous précisons que nous ne nous abaisserons pas à demander aux frères européens les méprisables et sanguinaires taux d’intérêt flottants de 20% voire même jusqu’à 30% que les frères européens exigent des peuples du Tiers Monde. Nous nous limiterons à exiger le remboursement des métaux précieux avancés, plus le modique taux intérêt fixe de 10% annuel accumulé pendant les trois cent dernières années.
Sur cette base, et en appliquant la formule européenne de l’intérêt composé, nous informons les Découvreurs que non seulement ils nous doivent, comme premier paiement de leur Dette, une masse de 185 000 kilos d’or et une autre de seize millions de kilos d’argent, les deux élevés à la puissance trois cent. C’est-à-dire : un nombre pour l’expression totale duquel plus de trois cent chiffres seraient nécessaires, et qui dépasse largement le poids de la terre. Très lourds sont ces amas d’or et d’argent. Combien pèseraient-elles, calculées en sang ?
Alléguer que l’Europe au milieu ce millénaire n’a pas pu produire de richesses suffisantes pour annuler ce modique intérêt, reviendrait admettre son échec financier absolu et/ou l’irrationalité démentielle des hypothèses du capitalisme. De telles questions métaphysiques, évidemment, n’inquiètent pas les indoaméricains. Mais en effet nous exigeons la signature immédiate d’une lettre d’Intention qui discipline les peuples endettés du Vieux Continent, et les oblige à respecter leurs engagements par une Privatisation rapide ou Reconversion de l’Europe, qui leur permette de nous la livrer toute entière comme premier paiement de sa Dette historique.
Les pessimistes du Vieux Monde disent que leur civilisation est en faillite leur empêche de respecter leurs engagements - financiers ou moraux. Dans ce cas, nous nous contenterions d’être payés en nous donnant la balle avec laquelle ils ont tué le poète. Mais ils ne pourront pas : parce que cette balle, est le cœur de l’Europe.
Luis Britto García pour El Nacional
El Nacional. Caracas, le 18 octobre 1990
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo. París, 1° de diciembre de 2013.
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