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Comme c’est arrivé avec le « gasolinazo » – l’augmentation subite de 80 pour cent du prix du carburant – que le président bolivien Evo Morales a appliqué, dans le cas de la route Cochabamba-Beni, la vision erronée de tous les gouvernements « progressistes », selon laquelle le développement consisterait à obtenir une augmentation des ressources financières du pays sans se préoccuper des considérations sociales ou écologiques. Seuls les blocages de route dans plusieurs parties du pays, les manifestations, la condamnation massive, les démissions du ministre de la Défense, d’autres ministres et de plusieurs députés de son parti, ont obligé le président à geler la construction de la route, bien que son vice-président avait dit qu’il n’y avait pas d’alternative au tracé de la voie et que lui même avait déclaré que l’œuvre serait faite « oui ou oui. »
En Bolivie la Constitution établit un État plurinational, reconnaît les autonomies indigènes et régionales, et impose l’obligation à l’administration centrale de consulter les peuples sur tout changement qui vise les zones où ceux-ci habitent, qui sont de propriété collective. Des centaines d’indigènes avaient commencé leur marche à pied du Beni (département autonome dans l’amazonie , capitale Trinidad) à La Paz, avec leur tête les dirigeants de la Confédération des Peuples autochtones de l’Orient Bolivien (CIDOB), appuyés de façon solidaire par des représentants des markas et ayllus des hauts plateaux. Ils protestaient parce que la route que le gouvernement a décidée de construire traverserait la principale réserve écologique : le Territoire Indigène du Parc National Isiboro Sécure (TIPNIS), ouvrant le chemin aux déboisements, aux cultivateurs de coca et aux groupements pétroliers.
Le TIPNIS a 1.2 million d’ hectares, dont 1 million sont des territoires communautaires originaires où vivent 64 communautés (10 000 personnes). Sur les autres 200 000 hectares sont installés 20 000 familles de cultivateurs de coca (presque 100 000 personnes). La route serait construite grâce à un prêt de 322 millions de dollars de la Banque Nationale de Développement Economique et Social, du Brésil. Le gouvernement bolivien apporterait encore 110 millions de dollars pour la construction, qui intéresse le capital brésilien, mais aussi les commerçants et les paysans boliviens des zones où passerait le tracé de la voie. De manière que le gouvernement oppose les intérêts économiques et nationaux à la défense de l’environnement que les indigènes avancent, et oppose des paysans, des commerçants et des colonisateurs aux chasseurs- cueilleurs indigènes du TIPNIS, et l’industrialisation (c’est à dire exploitation arboricole, cultures de coca, extraction pétrolière) dirigée par de grandes entreprises à la préservation des forêts et de l’eau. Face à la protestation de la CIDOB, on accuse les dirigeants de celle-ci d’être en relation avec l’ambassade des États-Unis et de faire partie d’une manœuvre déstabilisatrice en vue de faire tomber Evo Morales (et le MAS son parti) en 2014, à laquelle participeraient d’ importants intellectuels et ex-fonctionnaires gouvernementaux jusqu’au Mouvement des Sans Peur (jusqu’à il y a peu alliés de Morales et du MAS) avec l’appui de l’oligarchie de Santa Cruz et de la droite classique.
Il est sûr que, de même que la décision du gouvernement d’appliquer le gasolinazo pour des raisons simplement économiques a provoqué des grèves et des manifestations dans toute la Bolivie, la brutale répression policière contre une manifestation pacifique a rempli le pays de blocages de routes et de manifestations populaires. Les paysans de la zone où a eu lieu la répression ont empêché le passage des camions avec les prisonniers et les autres ont pris l’aéroport où allaient être déplacés les dirigeants de la marche arrêtés et frappés; de plus, mercredi la Centrale Ouvrière Bolivienne a fait une grève générale de refus de la répression.
Tardivement, le président Evo Morales cherche à négocier. Il propose un referendum au Beni et à Cochabamba sur la route et son passage par le TIPNIS. Hormis qu’ainsi il reconnaît implicitement que pourrait exister un tracé alternatif (chose qu’il avait catégoriquement niée), l’approche même – que votent sur la destruction possible du TIPNIS ceux qui ne vivent pas là et qui bénéficieraient commercialement de la route – est un subterfuge et exclut de la négociation les indigènes guaranis. Soit de l’application de la Constitution et des principes proclamés de plurinationalité. Il veut imposer la logique du capital – du développement – à la relation indigène avec la nature et les nécessités de l’État unitaire face à l’autonomie reconnue pour la Constitution. Sans doute, dans toute mobilisation apparaissent ceux qui essaient de profiter du mécontentement pour déstabiliser le gouvernement. Mais les mobilisations répondent aux erreurs de celui-ci et à son incapacité de discuter des problèmes au lieu d’agir avec des décisions autoritaires. Il y a aussi dans les revendications de la CIDOB et ses alliés des exigences impossibles, comme fermer l’Aguaragüe, d’où la Bolivie extrait 90 pour cent du gaz qu’elle vend ou consomme, ou quand il sollicite que les pays qui contaminent les payent eux pour préserver le TIPNIS, acceptant ainsi que les forêts soient otages du capital étranger et l’idée que la Bolivie ne doit pas se moderniser.
Mais on peut réfuter cela alors que le problème central consiste en ce qu’une discussion publique n’a pas eu lieu sur comment combiner, dans un pays capitaliste dépendant d’une économie d’ extraction des ressources naturelles et du développementisme – initialement inévitables mais qui doivent être contrôlés – avec le développement humain, par rapport à la nature, soit avec la création de consommation et de productions régionales alternatives. Le respect pour la capacité de compréhension des citoyens, de la Constitution et les droits indigènes doit remplacer l’orgueil et la domination de ceux qui veulent imposer « le progrès ». Surtout quand un gouvernement est à la tête d’une révolution en marche contre les obstacles anti-indigènes et colonialistes du passé, du retard, de la dépendance et des vieilles relations tyranniques de commandement.
La Jornada. Mexique, le 2 octobre 2011
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
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El Correo. Paris, le 5 octobre 2011.