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17 de noviembre de 2005

De Bolivar à Papineau

 

Par Donald Cuccioletta *
Giras
Le mercredi 4 avril 2001

Depuis quelques années, l’idée du libre-échange est présentée comme une panacée. La campagne en sa faveur, en Amérique du Nord avec l’ALENA et en Amérique du Sud avec le MERCOSUR, est menée par la locomotive néolibérale. Le souci premier des tenants du libre-échange est d’établir une culture économique uniforme. Cette pensée unique est réductrice. Elle voile la réalité des Amériques comme un espace qui abrite une multitude d’identités, de cultures, de territoires et d’histoires.

L’antidote à l’américanisation, c’est-à-dire l’homogénéisation par le modèle états-unien, c’est l’américanité (americanidad pour les Latino-Américains). En affirmant cette identité commune, les peuples et les groupes culturels des Amériques se réapproprient l’hémisphère que les États-Uniens ont voulu usurper. Et ce nouveau discours de notre appartenance continentale nous incite à retracer les origines de cette américanité, par exemple à travers l’histoire des premiers contacts entre les Européens et les autochtones ou à travers les premières luttes (guerres d’indépendance et révolutions libérales) contre ces mêmes colonisateurs européens.

Cette recherche nous conduit à voir clairement les similarités qui existent dans les processus de colonisation, les révolutions pour l’indépendance et les luttes politiques pour établir des gouvernements démocratiques et libéraux, de Bolivar à Papineau.

Colonisés et victimes des guerres menées par les empires français, britannique, espagnol et portugais pour le contrôle du continent, les nations et les peuples d’Amériques ont lutté pour faire leur indépendance face à ces mêmes empires. Les premiers à réussir furent les États-Unis. Par la suite, au cours de la période 1776-1850, certains suivront cet exemple avec succès. Ce mouvement d’émancipation à l’échelle des Amériques tracera un nouveau tableau de la culture politique de l’hémisphère. À travers cette volonté de rupture avec la domination européenne, les guerres d’indépendance ont aussi signifié que les institutions développées dans les Amériques avaient grandi en stature politique et idéologique.

Les luttes anticoloniales

La révolution de 1776 aux États-Unis, basée sur le pragmatisme protestant, est très vite suivie par la révolte des esclaves à Saint-Domingue en 1791 contre l’empire français. Déjà en 1771, au Pérou, la rébellion indigène menée par Tupac Amaru sonne l’alarme. Partout en Amérique latine, le slogan "Mort au mauvais gouvernement" devient le cri de ralliement. C’est ainsi qu’en 1810 débute la marche de Simon Bolivar, qui porte son message de révolution du Venezuela jusqu’au Pérou, pendant que San Martin fait de même dans la région du rio de la Plata, peu de temps après que Bernardo O’Higgins eut mené la lutte au Chili.

Ces luttes anticoloniales voient aussi le jour au sein des colonies britanniques du Bas et du Haut-Canada en 1837-38. La rébellion des Patriotes, s’inspirant des autres luttes dans les Amériques, revendique cette même indépendance. Papineau dans le Bas-Canada et Mackenzie dans le Haut-Canada appartiennent à la même lignée que les Jefferson, Hidalgo, Toussaint-Louverture, Tupac Amaru, Bolivar, San Martin, O’Higgins et plusieurs autres qui luttent pour l’avènement de la démocratie.

Animé par une volonté de contrôler leur avenir économique (ils sont après tout une bourgeoisie en évolution), ces précurseurs n’en étaient pas moins les porte-étendards d’une pensée libérale dans les Amériques, inspirée des philosophes français et écossais du siècle des Lumières. Du rio de la Plata jusqu’au Bas-Canada, des idées comme la séparation de l’Église et de l’État, la démocratie, le libéralisme, l’école publique et l’institution de la république se font entendre et remplissent les pages de journaux comme la Gaceta de Literatura de Mexico, le Papel Periódico de Bogotá, la Gaceta de Buenos Aires, le Mercurio Peruanio et Le Canadien au Bas-Canada.

L’idée de la république, certes influencée au début par l’expérience états-unienne, trouve néanmoins ses racines dans l’antidémocratisme exercé par le contrôle bureaucratique espagnol et portugais ainsi que par l’autoritarisme étouffant du pouvoir britannique dans le Bas et le Haut-Canada. L’institution d’une république est perçue par les révolutionnaires au sud du rio Grande comme un fédéralisme inclusif basé sur la liberté et l’égalité.

Hommes du Nouveau Monde

De même, dans le Bas et le Haut-Canada, la république devient une extension naturelle de la pensée libérale des Patriotes. Comme l’écrit Gérard Bouchard dans Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, "la pensée patriote mettait en forme une affirmation nationale largement affranchie de références ethniques, ouverte à toutes les religions et à toutes les races, conformément à l’idée qu’on se faisait d’une société des Amériques". En rejoignant les autres compatriotes des Amériques pour la construction d’une société laïque et républicaine, "les Patriotes affirmaient que la société à émanciper n’était ni française, ni anglaise, ni états-unienne, mais qu’elle trouverait d’abord ses fondements dans ses institutions".

Plusieurs années avant que les États-Uniens ne se définissent comme Américains et ne s’approprient l’Amérique, déjà, en 1788, la Gaceta de Literatura de Mexico revendiquait l’idée de la "nuestra nación hispano americana" et interpellait ses lecteurs avec les mots "nosotros los Americanos". En dépit de la revendication d’identités régionales ou nationales, le caractère de leur lutte débordait largement ces dernières pour s’approprier une appartenance continentale. C’est ainsi que les habitants au sud du rio Grande ont très vite compris cette américanité/americanidad ancrée dans leur histoire.

Parallèlement, au Bas-Canada, la question de l’appartenance continentale était posée par rapport à la notion "d’homme du Nouveau Monde". Sans vouloir s’attribuer une identité spécifiquement américaine, à l’instar de leurs compatriotes latino-américains, il n’en demeure pas moins que cette appartenance au "nouveau monde" indiquait une conscience ou, du moins, une perception que cette terre du Bas-Canada était un territoire parmi les autres dans les Amériques.

Il est d’autant plus important de relever cet aspect que les Québécois prennent aujourd’hui de plus en plus conscience qu’une partie de leur identité réside dans leur appartenance au continent. Ainsi, nous avons rejoint nos véritables "petits cousins", ceux de l’Amérique latine, et nous sommes désormais en position de renouer avec le concept de panaméricanisme basé sur la notion d’américanité partagée.

En somme, le projet d’intégration continentale auquel nous confronte la classe politique et économique actuelle se doit d’élargir ses horizons et de tenir compte de cette histoire et de ces identités partagées par les peuples d’Amérique.


* Historien à la State University of New York à Plattsburgh et membre du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les Amériques (GIRA)

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