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25 de octubre de 2011

Cristina Kirchner, la Sélection Nationale lui donne du « Présidenta »

por José Pablo Feinmann *

 

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Je sais que nombreux l’ont remarqué. Que plusieurs le savent. Mais n’osent pas l’avouer. Les hypothèses risquées font mal. Elles font mal aux militants au cœur pur parce qu’ils tombent amoureux de leurs leaders. Elles font mal aux intellectuels parce qu’ils ont peur de les dire et d’être rejetés. Ou d’être loin de la vérité. Elles font mal aux timorés parce qu’ils ne veulent pas se risquer. Mais il faut les dire. Surtout si d’aucun croit en elles. Ma certitude est celle-ci : Cristina Fernández de Kirchner, le jour de la mort de son compagnon, quand elle arriva à la Casa Rosada, pâle, avec des lunettes noires, quand elle s’est placée, présidant la cérémonie de l’adieu final, là, à la tête du cercueil, quand à peine, très légèrement, elle a levé le menton et cherché avec son regard le regard des gens, et elle l’a trouvé, elle a trouvé beaucoup de gens et beaucoup de regards qui la regardaient avec foi, avec espoir, avec dévotion, elle a pu choisir entre deux chemins. Nous savons tous que ce qui définit l’être humain est le possible. Qu’il n’est pas une pierre, une racine, une brique, une montagne. Qu’il n’est pas réalité, il est possibilité. Et c’est la source de sa grandeur et celle aussi de son angoisse. Celle de vivre en choisissant. En se jouant entre une possibilité et l’autre. Et à chacune qu’il choisit il se choisit lui même. Nous sommes, alors, la somme de toutes les possibilités que nous avons assumées dans le passé. Mais dans le présent nous sommes une possibilité que nous avons à choisir et nous n’avons pas encore choisi. Cela nous distingue des choses. Les choses sont, pour toujours, ce qu’elles elles sont. Les êtres humains ne sont jamais quelque chose, définitivement quelque chose. Quand ils le sont ils se sont chosifiés. Cristina Fernández, cet après-midi, face au cercueil de son compagnon a embrassé sa possibilité : je vais être comme il lui aurait plu que je fus, je vais être telle que le pays a besoin de moi. Je vais être comme je veux et j’ai besoin d’être si je veux demeurer vivante. Cette possibilité elle l’a choisie. L’a faite sienne. Là Cristina est née. En tolérant sa douleur, mais en ne la cachant pas. En disant à tous : ne confondez pas ma douleur avec faiblesse. Elle a eu à être plus que jamais la Présidente du pays. Parce qu’elle a eu à être seule. Sans son compagnon. Elle aurait pu choisir une autre possibilité. Celle de s’effondrer. Celle d’être la faible femme, de s’exhiber telle que et de renoncer peu de mois après. La phrase aurait été : « Je ne peux tolérer sa perte. La douleur m’empêche de gouverner ». Non, la phrase fut le contraire : « Je ne peux tolérer sa perte. Mais la douleur ne m’empêche pas de gouverner. Je vais continuer. Sans lui. Avec lui, spirituellement, à côté de moi. Mais ne pas s’y tromper : seule. Je ne l’aurai plus à mon côté. L’unique qui me touchait ne me touchera plus. Quelque chose s’est déchiré en moi. Mais une nouvelle force. Que moi, une femme forte, ignorais. Celle d’être forte sans l’amour, celle d’être forte dans la solitude, celle d’être forte sans un homme comme Néstor à mes côtés. Cela fut nouveau. J’ai eu à l’apprendre et je l’ai appris. Pendant cet apprentissage j’ai grandi. Je me suis même surpassée. J’ai été au-delà de ce qui je n’avais jamais pensé aller. Jusqu’à ce que je découvris quelque chose d’inespéré, subit (parce que cela s’est emparé de moi comme une révélation quasi sacrée) : je continuais d’aimer Néstor, souffrant de son absence, le pleurant, mais moi c’était moi, je marchais seule, décidais, ordonnais, pensais, je prenais entre mes mains (de plus en plus fermes, plus solides et sûres) la conduite de tout l’appareil péroniste, chaque fois que je me sentais plus aimé, chaque fois j’étais capable de donner plus d’amour, d’être plus tendre, plus douce. Le jour de ta veillée funèbre beaucoup m’ont embrassé mais moi j’en ai embrassé beaucoup plus. Le mythe de ma froideur a pris fin. Qui pour toi n’a jamais existé, parce que tu me connaissais bien et tu connaissais cette ardeur que tu réveillais. Mais qui a commencé à exister pour les autres. Combien j’ai serré entre mes bras ce jour là ! Et j’ai découvert quelque chose : Cela m’a encore plu plus qu’ils m’embrassassent. Oui, la chaleur existe et l’amour du peuple existe. Et j’ai continué. Et parfois j’ai senti qu’être si forte, si libre, que parler avec tant d’assurance et même de gaité sans que tu ne fusses avec moi était comme t’offenser. Mais non. C’était un hommage qui je te faisais. Ici me voila, Néstor. Je fais tout cela parce que je veux maintenir vif ton souvenir et si – d’aventure – tu me vois que tu te sentes fier de moi. »

Beaucoup de choses pourraient être dites. Mais l’héroïne de ce triomphe électoral indiscutable est – avant tout – Cristina Fernández. À partir de la mort de Néstor elle a mené une nouvelle et spectaculaire re-création d’elle même. Elle n’a pas manqué de force pour freiner la CGT, elle fut un brillant chef d’Etat sur le champ international, elle a fait face aux médias qui l’agressent, qui l’insultent, elle a conduit en interne toutes ses forces partisanes, elle s’est adressé clairement à tout le pays chaque fois que cela fut nécessaire, a promulgué des mesures sociales très importantes, elle a prononcé des discours impeccables : avec une diction parfaite, avec une voix claire, sans lire même une misérable antisèche, elle a démontré une intelligence infiniment supérieure à ses tristes rivaux, et, par-dessus le marché, chaque jour on l’a vue plus jolie. (Croyez-moi, Présidenta : le pays, vous, vous aime). Un phénomène qui se reflète maintenant – de façon cohérente– dans les résultats électoraux. Fut-ce par la mort de Néstor ?

Regardez, il n’y a pas de supporter de football qui ne le sache : l’équipe qui reste avec dix joueurs gagne le match. Il est clair qu’il me plairait que Néstor fusse sur le terrain. Mais la grande faucheuse, qui décide qui continue de jouer ou non, qui reste sur le terrain et qui s’en va à la douche, pour Nestor a sorti le rouge. Que vat-on faire. Mais à partir de là, l’équipe – avec Cristina à la tête, qui a mis tout de suite le brassard de capitaine – a phénoménalement remonté le match et a poussé ses rivaux dans leurs buts jusqu’à faire un carton. Maintenant, ce qu’il suit. Et ce qu’il suit est si ardu. Il y a tant d’intérêts de tant de misérables à toucher que s’elle ne continue pas de, sera difficile. Mais que personne ne s’alarme : chez l’équipe nationale il y a de tout. Des avants, des défenseurs, des ailiers vertueux, des gardiens aux reflets électrisants capables de voler jusqu’à la lune. Et un DT qui connaît tout. Etonnez-vous : c’est une femme. Et ceux de la Sélection la respectent tellement qui lui donnent du Présidenta.

José Pablo Feinmann
Pàgina12
. Buenos Aires, le 24 octobre de 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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El Correo. Paris, le 25 octobre 2011.

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