Accueil > Les Cousins > Paraguay > Coup d’Etat au Paraguay Lugo, l’insupportable.
Par Modesto Emilio Guerrero *
Página 12. Buenos Aires, le 6 septembre 2008.
La plainte précoce faite par le président paraguayen, Fernando Lugo, sur une réunion conspiratrice avérée, met à nue une nouveauté des temps qui courent. Les propriétaires du pouvoir sont pressés, ils ne supportent déjà plus autant de gouvernements indépendants dans l’hémisphère sud.
Pour conspirer contre le président Hugo Chavez ils ont attendu trois ans. Son mandat avait débuté le 2 mars 1999. Tout de suite après ils ont essayé contre Evo Morales, dont le gouvernement s’est installé le 26 janvier 2006, mais ils ont résisté à la tentation dix mois. L’équatorien Rafael Correa, qui a commencé son mandat le 15 mars 2007, a eu à attendre neuf mois pour apprendre la première tentative de conspiration contre son gouvernement.
Trois ans, dix mois, neuf mois. Le prêtre tiers-mondiste Fernando Lugo, président populaire du Paraguay, ils l’ont donné à peine trois semaines dans le « supportomètre » de ses ennemis.
Cela ne signifie pas d’inévitables conspirations militaires et rien d’autre. C’est trop simple. Il s’agit d’un plan dynamique et calculé où les conspirations font parties d’un menu qui inclut de sinueux tripotages diplomatiques, des pressions financières, des offres d’investissements, des pactes semi-secrets de TLC et tout cela qui peut conduire à une remise en ordre de leur pouvoir hémisphérique. Dans cette intention entrent la capitulation de Lucio Gutierrez [Ex président d’Equateur], l’affaiblissement gouvernemental comme celui provoqué en Argentine et qu’on essayé au Nicaragua ou les échecs électoraux du style nicaraguayen de 1989. Henry Kissinger, qui en sait long sur des conspirations, les définit comme « une stratégie à effets multiples adaptée à la globalisation » (Tribuna Media Service, 11-12-07)
L’exemple du Paraguay dévoile le degré de fragilité comme État-Nation capitaliste, le prototype du protagoniste mafieux semé dans les structures politiques, militaires et sociales du pays et de l’importance de l’impunité, qui leur donne l’aplomb pour défier le nouveau gouvernement depuis le premier jour. Ils profitent de l’absence d’un puissant mouvement social et politique organisé qui défend Lugo. En 1995, quand j’ai interviewé Lino Oviedo [l’ex général putschiste de 1996 et actuel récidiviste] à Montevideo, j’ai compris cette condition avec cette réponse : « C’est que dans notre pays les choses sont faites de telle manière que rien ne bouge sans que nous ne le sachions". Phrase révélatrice, que de toute façon on ne peut pas éviter le changement que Fernando Lugo vient de commencer. Alors le but maintenant est de le déstabiliser.
Au Venezuela ils ont du attendre jusqu’à ce que Chavez parle des « lois d’approfondissement de la révolution », en septembre 2001, qu’elles avancent sur le droit social à la terre, la reprise en main du pétrole et de Pdvsa et d’autres choses très laides pour eux. Durant ces trois années préalables, le travail fut d’acheter, de corrompre et de le mettre dans le rail. Je me rappelle la déclaration révélatrice de Pedro Carmona dans un entretien que j’ai eu avec lui en juin 1999, avant d’être « Pedro le Bref ». « Cet homme qu’il fasse ce qu’il veut avec sa Constitution bolivarienne et ses discours incendiaires, mais qu’il ne s’avise pas de toucher au pétrole et déranger ce pays ». Ce sens de pouvoir de classe face à ces deux peurs a conduit au coup d’Etat du 11 avril 2002.
Avec Evo la situation qui a mené à la première conspiration de novembre 2006 a commencé six mois auparavant, le jour même le 1er mai où il a nationalisé les hydrocarbures. Ceci n’a pas été seulement la réponse des multinationales touchées, en commençant par la brésilo-étasunienne Petrobras, mais la peur qu’ont eu les caudillos de Santa Cruz et des autres provinces productrices du gaz du sud de la Bolivie : ils ont compris qu’ils étaient sur le point de perdre le contrôle sur ces ressources. Cinq mois après, ils se réunissant déjà avec des agents de l’ambassade des États-Unis, cherchant des alliés dans les Forces Armés, de l’Église, et un appui technique de l’Usaid, le NED et la CIA.
Pour Correa, la rogne a commencé du coté de l’opposition au Parlement qui lui fait presque renvoyer quatre ministres la première année. Elle a grandi avec la résolution présidentielle de fermer la base Manta en 2009 et avec sa volonté d’être « un socialiste du XXIe siècle » comme Chavez. Après l’agression territoriale d’Uribe qui a dévoilé que son appareil de renseignement « était infiltré par la CIA, qui a fourni une information secrète à des agents colombiens et qui a conduit à l’attaque militaire... » (Jacob Hornberger, Aporrea, 24/04/08)
L’effrayant souvenir de plus de trois cents coups d’état du XXe siècle latinoaméricain nous fait revivre la phrase révélatrice selon laquelle l’histoire ne supporte pas la vacuité, ou l’on avance ou l’on recule.
* Modesto Emilio Guerrero est écrivain et journaliste vénézuélien, l’auteur de quelques livres, le dernier la biographie : Qui a inventé Chavez ?
** Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et carlos Debiasi.