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Le sommet de Mar del Plata s’est soldé par un échec, les 34 pays américains se révélant incapables de s’entendre sur la déclaration finale.
Par Lamia Oualalou
Le Figaro. Paris, 7 novembre 2005
Opération Amérique : après les Argentins, c’était hier aux Brésiliens, qui lui ont donné ce nom, de déployer le plan de sécurité qu’implique l’arrivée du président George Bush. Près de deux mille hommes, dont cinq cents agents américains, sont mobilisés. Un dispositif inédit pour accueillir le chef d’Etat qui effectue sa première visite officielle à Brasilia. Une raison de plus d’agacer une population déjà hostile au président américain. Car les effluves du barbecue qu’organise en son honneur Luiz Inacio Lula da Silva dans sa résidence de Granja do Torto n’y ont rien fait : c’est à un accueil glacial qu’a eu droit le président américain. Même la tranquille capitale a vu une partie de ses murs envahis par des affiches «Bush assassin».
L’ Alca en panne
Hier, les 25 véhicules de la suite de George Bush ont été contraints de pénétrer par l’entrée de service de la résidence présidentielle pour éviter les groupes de manifestants. Cela commence à être une habitude pour l’hôte de la Maison-Blanche, qui avait déjà eu droit l’avant-veille à un défilé de 40 000 personnes conduites par la star du football Diego Maradona au cri de «Bush dehors» dans la ville balnéaire de Mar del Plata, à 400 kilomètres au sud de Buenos Aires. «Il n’est pas facile de me recevoir», a d’ailleurs ironisé George Bush lors de son entretien avec son homologue argentin Nestor Kirchner.
Une expérience d’autant plus pénible que l’Administration américaine est repartie les mains vides de Mar del Plata. George Bush comptait sur ce troisième sommet des Amériques pour relancer les négociations sur l’Alca, la zone de libre-échange des Amériques, courant de l’Alaska à la Terre de Feu, en panne depuis des mois. L’enjeu était pourtant de taille pour celui qui, au plus bas des sondages aux Etats-Unis, espérait marquer un point lors de sa tournée sud-américaine. Tout en affichant une apparente discrétion, il a dépêché ses alliés traditionnels dans la région pour tenter de convaincre l’ensemble des 34 pays de la région d’inclure dans la déclaration finale du sommet la reprise des pourparlers en avril prochain. Le Guatemala, le Canada et le Mexique n’ont pas économisé leurs forces, parvenant à rassembler la majorité des signatures.
Mais ni celle du Vénézuélien Hugo Chavez, pour lequel «Mar del Plata sera la tombe de l’Alca», ni celles du Mercosur, l’alliance qui rassemble l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Incapables de trouver un compromis, Bush ne signerait pas un texte qui ne comprendrait pas au moins le terme Alca, Chavez refusant de le parafer s’il l’incluait, les pays ont finalement décidé d’étaler au grand jour leurs divisions. La déclaration reconnaît que 29 pays sont favorables à l’établissement d’une zone de libre-échange. Mais elle indique dans la foulée que cinq pays ont refusé de discuter du projet avant des négociations prévues en décembre à Hongkong dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), où ils espèrent faire avancer le débat sur la suppression des subventions agricoles, de la part des Etats-Unis et de l’Union européenne.
L’hôte du sommet, Nestor Kirchner, a décidé d’ignorer l’échec d’un sommet dont le thème principal, la lutte contre la pauvreté, a totalement été occulté, pour se féliciter du «dur» et «digne» combat mené par le Mercosur contre la proposition américaine. Le chef d’Etat argentin a d’ailleurs sidéré ses pairs en dénonçant dans son discours d’inauguration l’action des Etats-Unis dans la région, en présence de George Bush. Washington, a-t-il martelé, a appuyé pendant des années «des politiques qui ont provoqué la misère, la pauvreté et l’instabilité démocratique».
Les difficultés de Lula
Lula aura plus de difficulté à faire de même. Il a plus à perdre : les échanges entre les deux pays ont bondi de 24% en 2004, atteignant 31 milliards de dollars. Surtout, le président brésilien, dont la popularité est minée par un scandale de corruption depuis plusieurs mois, n’est pas en position d’attaquer les principes néolibéraux, alors qu’il soumet son pays à une rigueur budgétaire dont le Fonds monétaire international n’osait même pas rêver. Toutefois, les divergences d’appréciation sur la situation politique explosive de plusieurs pays de la région, la Bolivie, l’Equateur, Haïti et sur le rôle du Venezuela, dont l’influence inquiète la Maison-Blanche, ont probablement donné à Lula l’occasion de souligner sa différence. Le président américain aura la consolation, aujourd’hui, d’être accueilli par des autorités panaméennes plus amènes à son égard. La population, elle, a choisi son camp : les affiches anti-Bush sont déjà prêtes.