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Pendant les premières années du XXIe siècle, l’ascension de présidents nationalistes et progressistes en Amérique du Sud a généré, entre d’autres actions importantes, la remise en question des mécanismes traditionnels de financement des pays sous-développés. Il est à remarquer que l’octroi de prêts de la part des institutions financières internationales, contrôlées par les pays centraux, a été historiquement associé à l’adoption de politiques néolibérales qui délimitent le développement périphérique.
Il semble y avoir actuellement une interprétation générale selon laquelle l’intégration financière dépendra beaucoup plus de la planification, de la rationalité et des stimulations des États Nationaux et de leurs organismes de crédit que de l’initiative d’entreprises ou du marché. Par conséquent, dans ce nouveau scénario, l’objectif des pays sud-américains serait d’adopter des politiques publiques et de créer des alternatives financières, qui servent comme instruments d’appui effectif face à un problème chronique de besoins de devises pour clore les comptes de la Balance des paiements.
Dans ce sens, il est devenu nécessaire de soutenir les initiatives récentes de la Nouvelle Architecture Financière Régionale, dans le cadre de l’Union de Nations Sudaméricaines (UNASUR). Nous comprenons que la majorité des gouvernements, décidés à approfondir le développement économique et social, la distribution de revenu et l’intégration régionale, doivent profiter du moment de la crise internationale pour créer et renforcer des sources de financement propres et des lignes de coopération macroéconomique en dehors de l’enceinte strictement libérale. Les actions peuvent avancer principalement dans deux orientations :
1) des instruments facilitant le commerce intra-régional et un appui financier aux pays qui font face à des problèmes de liquidité ou de restriction externe.
2) des mécanismes de financement du développement économique et social, comme de grands projets industriels et d’infrastructure pour l’intégration.
Dans le premier cas, ce sont les chambres de clearing, unions de paiements, accords de crédit réciproque et fonds de réserves conjointes. Dès les années soixante et soixante-dix, deux grandes initiatives ont été prises en Amérique du Sud dans ce sens : l’Accord de Paiements et de Crédits Réciproques (CCR) dans le cadre de l’Association Latino-américaine d’Intégration (Aladi) et le Fonds Latino-américain de Réserves (FLAR). Dès 2008, le Brésil et l’Argentine ont mis en avant le Système de Monnaies Locales (SML), dans le cadre du MERCOSUR, et, en 2010, les pays membres de l’ALBA ont adopté le Système Unique de Compensation Régionale de Paiements (SUCRE).
Dans le deuxième cas, ce sont les instruments de financement du développement, comme la Corporation Andine de Promotion (CAF), la banque Interaméricaine de Développement (BID), le Fonds Financier pour le Développement du Cuenca del plata (Fonplata), la banque Nationale de Développement économique et social du Brésil (BNDES) et Banco del Sur. Aujourd’hui, le mécanisme principal régional pour cela est la CAF. Elle tient ce rôle malgré les supposés critères techniques assumés par l’institution et malgré une participation extra-régionale à sa direction, y compris avec la présence croissante chinoise. Le Fonplata est très limité en ressources et comprend seulement le Cône Sud. Au cours des dernières années, une autre institution a étendu son rôle dans cette zone, le BNDES, mécanisme de l’état brésilien. L’institution finance plus de 16 milliards de dollars de projets d’infrastructure dans la région.
La proposition de créer cette banque fur présentée en 2004, par le président vénézuélien Hugo Chávez, dans le cadre de la création de la Communauté Sudaméricaine des Nations (CASA). Comme nous l’avons commenté, l’idée de constituer cette institution a surgi dans un contexte de changements dans la situation politique régionale, d’une recherche de plus grande souveraineté économique. La nouvelle vision politique sud-américaine a estimé que la région devrait disposer de ses propres financements et rompre les liens avec des mécanismes qui perpétuent l’endettement et le sous-développement. Le scénario international avec une plus grande disponibilité des ressources, différent des années 80, a permis que les pays assument des postures plus éloignées des institutions financières multinationales. Des remboursements anticipés de la dette ont même eu lieu, comme dans les cas du Brésil et de l’Argentine (en 2005), de l’Uruguay (en 2006) et du Venezuela (en 2007).
L’un des arguments principaux favorables à la création du Banco del Sur repose sur le fait qu’une grande partie des réserves internationales des pays sud-américains est déposée dans des banques européennes ou des États-Unis. Par conséquent, l’une des propositions consiste en ce que la nouvelle institution rassemble au moins une partie significative de ces ressources pour développer l’Amérique du Sud. L’idée originale consistait en ce qu’elle fonctionne comme un “prêteur de dernière instance”, comme si c’était un Fonds monétaire international (FMI) sud-américain ou comme un FLAR plus renforcé. Cependant, en 2007, les présidents de l’Argentine et du Venezuela se sont unis avec l’intention de constituer la nouvelle institution comme promoteur du développement, orienté vers le financement de secteurs stratégiques, l’avancée scientifico-technologique et le combat contre la pauvreté. Ensuite, la Bolivie, l’Équateur et le Paraguay ont rejoint le groupe. Après est arrivé le Brésil et, enfin, l’Uruguay.
En septembre 2009 seulement, cinq ans après sa présentation comme idée, fut signé l’Accord Constitutif du Banco del Sur. L’un de ses objectifs est que l’institution ait un capital souscrit de 10 milliards de dollars et un capital global autorisé de 20 milliards, apporté de façon proportionnelle par ses pays membres. Face de l’importance des projets, le montant semble très limité. Les apports seraient les suivants : Le Brésil, l’Argentine et le Venezuela, les trois plus grandes économies, déposeront 2 milliards de dollars chacune ; l’Équateur et l’Uruguay, 400 millions ; la Bolivie et le Paraguay, 100 millions. Ce groupe contribuerait avec 7 milliards tandis que 3 autres milliards seraient obtenus à travers des contributions de 970 millions du Chili, de la Colombie et du Pérou ; et 45 millions de la Guyane et du Suriname. Bien que le Chili, la Colombie et le Pérou soient nommés, jusqu’à aujourd’hui on constate l’absence des trois pays.
La banque, qui n’est pas encore opérationnelle, aura son siège à Caracas et des succursales à Buenos Aires et à La Paz. L’idée est qu’elle agisse sur deux fronts : inciter à la disparition des asymétries entre les pays membres et au financement de projets nationaux et régionaux de développement, en soutenant l’attribution de crédits pour des coopératives et des petites et des moyennes entreprises. C’est-à-dire son rayon d’action est plus orienté vers une sorte de BID sudaméricaine, entre guillemets. Ainsi, resterait encore à définir quelle institution régionale exercera le rôle de FMI régional, nécessairement sans les exigences gênantes et les contreparties contraires à la souveraineté et au développement. Récemment, le Brésil et l’Argentine, qui ne sont pas encore dans le FLAR, ont manifesté leur intention d’être admis au fond, en accroissant leur rôle et capacité d’action.
Au delà des bonnes perspectives, quelques doutes importants existent au sujet du fonctionnement du Banco del Sur. La préoccupation, par exemple, porte sur les pouvoirs de vote et de veto dans l’institution. Il est crucial ne pas répéter les problèmes d’institutions comme le BID. Simultanément, il semble fondamental que la nouvelle entité financière provoque la formation d’un marché régional de valeurs des dettes publiques. Enfin, l’avenir du Banco del Sur semble spécialement associé à deux options qui peuvent être assumées par le Brésil. La première serait de suivre le chemin d’un rôle croissant du BNDES comme moteur d’une intégration sous un leadership vert et jaune. L’autre chemin, celui du Banco del Sur, est considéré comme plus équilibré, vaste et complémentaire, pour un projet commun. A Caracas, pendant la création du CELAC, la présidente Dilma Rousseff a pris l’engagement brésilien d’approfondir cette deuxième alternative. Avec l’actuel temps de crise internationale l’heure est d’approfondir le processus effectif d’intégration.
La création de la banque a été facilement votée par les Congrès Nationaux de quatre des sept pays fondateurs : L’Argentine, la Bolivie, l’Équateur et le Venezuela. Dans ce moment, en plus de l’Uruguay, l’initiative requiert encore l’approbation des parlementaires brésiliens.
* Économiste et professeur invité de l’Université Fédérale d’Intégration Latino-américaine (UNILA), Brésil. Doctorant dans le Programme d’Économie à la Politique internationale (PEPI) de l’Université Fédérale de Río de Janeiro (UFRJ).
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
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El Correo. Paris, le 7 décembre 2011.