recherche

Portada del sitio > Los Primos > Brasil > "Au bord d’une crise financière majeure"

8 de octubre de 2002

"Au bord d’une crise financière majeure"

 

Luis Miotti, économiste de la Caisse des dépôts et consignations, professeur à l’université Paris-XIII

Propos recueillis par Alain Abellard

"Le Brésil est au bord d’une crise financière majeure"
Vous n’écartez pas l’hypothèse d’un scénario catastrophe au Brésil. Pourquoi ?

L’accord du FMI, annoncé début août, pour une aide au Brésil de 30 milliards de dollars, n’a fait que repousser l’éventualité d’une crise à très court terme, mais le fantasme d’une crise, à un an, plane.

Quelle est la réalité de la situation du Brésil ?
Le seul indicateur au vert, c’est l’excédent primaire des finances publiques, d’environ 3 % du PIB. Il sert à payer la dette. Les autres fondamentaux sont mauvais : le change a explosé (le réal se situe entre 3,8 et 3,9 par rapport au dollar, soit une dépréciation de 30 % en un an) ; la croissance, dans le meilleur des cas, sera de 1 % en 2002. La bonne combinaison des fondamentaux, ce serait : 3 % de croissance, un taux d’intérêt réel de 9 % (contre 15 % aujourd’hui), une dépréciation du change non supérieure à 3 % et un excédent primaire de 3 % à 3,5 %.

Le volume de la dette ne constitue-t-il pas un problème ?
La dette publique brésilienne représentait, il y a un an, 50 % du PIB. C’est inférieur à la dette de la France, qui est de 60 %. En revanche, si l’on poursuit la comparaison, cela se complique : la durée moyenne de remboursement de la dette de la France est de 7 à 8 ans. Pour le Brésil, le taux de roulement est de 6 à 7 mois. Fin septembre 2002, la dette publique brésilienne représentait 62 % du PIB, soit environ 300 milliards de dollars. Si les fondamentaux s’écartent de la bonne combinaison d’équilibre, la dette explosera.

Comment expliquez-vous la réaction négative des marchés ?
Au début, ils ont joué à se faire peur. Le problème est qu’ils ont déplacé les fondamentaux vers une combinaison qui n’assure pas la stabilité de la structure de la dette. Les attaques des marchés ont bousculé le Brésil. En économie, il y a des points d’irréversibilité et la possibilité de dégradation est la plus probable. Aujourd’hui, le Brésil est dans une situation de déséquilibre durable ; il est au bord d’une crise financière majeure.

Quand le FMI fait l’éloge du Brésil et raille d’Argentine, c’est de la propagande ?
Non. Pour une fois, le Fonds a bien fait les choses avec le paquet de 30 milliards. C’est la bonne technique, la bonne manière et le bon montant. C’est dans sa mission d’éviter les crises, d’intervenir au moment où les marchés se trompent. C’est au FMI de dire aux marchés : "Vous vous trompez" et de le leur prouver en intervenant. La question est de savoir s’il n’est pas intervenu trop tard.

Comment appréciez-vous l’arrivée annoncée au gouvernement de "Lula" et des cadres du Parti des travailleurs ?
Même si leur programme est "light", voire orthodoxe et s’ils ont prouvé, dans quelques Etats, qu’ils pouvaient gérer correctement, ma réponse est qu’aujourd’hui ce n’est pas cela la question. La question, ce sont les fondamentaux dégradés et le risque d’irréversibilité. Le problème de Lula est qu’il devra satisfaire ses électeurs et rassurer les marchés.

Vous pensez qu’il va gouverner pour rassurer les marchés ?
Il va avoir du mal à revenir à l’équilibre, car la demande d’un changement sera très forte. Et cela passe par le budget de l’Etat. Le problème est qu’il est bouclé ; cela a été signé avec le FMI : l’excédent primaire de 2003 à 2005 a été fixé à 3,75 % du PIB. Et Lula l’a validé en acceptant "le pacte de transition" proposé par le président Cardoso.

Cela limite donc les marges d’action de tout gouvernement ?
C’est pire. Le Brésil doit faire encore mieux que l’année dernière. Cela signifie plus d’impôts et moins de dépenses. Si les finances publiques ne dégagent pas un excédent, cela sera mal vu par les marchés et il n’y aura pas d’argent. Dans le cas contraire, il y aura une forte insatisfaction sociale.

Peut-il dénoncer l’accord avec le FMI, qu’il a ratifié ?
S’il ne respecte pas l’accord, s’il remet en cause les engagements du Brésil ce sera catastrophique, comme en Argentine. Il ne peut pas faire cela ; il peut faire peu de choses, très peu de choses.

Vous dites clairement qu’il est condamné à l’immobilisme. Il peut agir sur la fiscalité, son assiette, ses taux, par exemple ?
Oui, mais cela suppose qu’il ait une majorité au Congrès. Or les simulations montrent que le PT et ses alliés seront très minoritaires. Comment fera Lula pour faire voter les lois ? Après les élections, il y a un risque d’ingouvernabilité. L’exécutif va être obligé de négocier et ces tractations vont lui coûter cher.

Vous êtes très pessimiste...
Dans le contexte international actuel, le pire est à redouter.

• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 05.10.02

LE MONDE | 04.10.02 | 11h51

Retour en haut de la page

Objetivo

|

Trigo limpio

|

Mapa del sitio