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1er février 2024

Attaque contre la défense des auteurs argentins et étrangers

par Mónica López Ocón

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Que se cache-t-il derrière l’action du gouvernement contre la Sociedad General de Autores. Si les articles 350 et 351 de la « Loi Omnibus » sont approuvés, Argentores cessera d’être l’entité qui gère le paiement des droits d’auteur en Argentine et dans le reste du monde, et ses membres seront lésés. Qui en seront les bénéficiaires ?

Le gouvernement de Javier Milei a lancé une croisade contre la culture dans le cadre de la « Loi Omnibus » envoyée au Congrès. Sous prétexte de réduire les coûts et la taille de l’État, il soumet des institutions qui s’autofinancent. Cela va de l’INCAA (L’Instituto Nacional de Cine y Artes Audiovisuales) au fond Fondo Nacional de las Artes jusqu’à la loi pour la Défense de l’activité du Livre. La Société générale des auteurs (Argentores) ne fait pas exception à la règle. Qui tirerait bénéfice de la mise en œuvre des articles de la nouvelle Loi liés à l’institution ?

Chaque auteur pourrait gérer ses droits individuellement et Argentores cesserait d’exister en tant qu’institution qui existe depuis plus d’un siècle [1910].

Miguel Ángel Diani, président d’Argentores, déclare à Tiempo Argentino : « Nous ne recevons pas d’argent de l’État. Il s’agit d’une association à but non lucratif fondée par des auteurs dramatiques il y a 114 ans. À l’époque, ils se sont battus pour les droits d’auteur dans les théâtres ».

« Il s’agit d’une activité privée, car l’auteur s’entend avec les hommes d’affaires pour obtenir l’argent des recettes, qui n’est pas une taxe, mais qui vient de ce que le spectateur paie lorsqu’il va voir une pièce de théâtre ou de l’abonnement qu’une personne paie pour voir, par exemple, un spectacle sur le câble ».

« L’auteur reçoit un pourcentage d’argent pour autoriser l’utilisation de son œuvre. Le droit d’auteur n’est donc pas une taxe et nous ne recevons pas d’argent de l’État. Sur l’argent perçu par l’auteur par l’intermédiaire des sociétés de gestion collective, la société perçoit un pourcentage des frais administratifs qui est utilisé de façon mutualisée ».

« Argentores, poursuit-il, « est essentiellement une société mutuelle qui perçoit et paie des droits d’auteur. Nous utilisons l’argent de la mutualité pour des prépaiements gratuits pour les membres, pour les retraites dont le minimum est plus élevé que celui accordé par l’État et 15 par an sont attribuées. Nous accordons également des prestations sociales, des allocations de naissance et de décès... ».

« Nous aidons constamment les auteurs », poursuit-il, « car nos fondateurs se sont rendu compte que la vie de l’artiste en général et de l’auteur en particulier se complique à partir d’un certain âge : seuls 20 % de nos membres atteignent 65 ou 70 ans en toute sérénité financière. C’est un cercle vertueux : les auteurs eux-mêmes - je suis dramaturge et scénariste - nous font bénéficier d’une sécurité sociale et d’une mutuelle, en plus de l’argent que nous recevons ».

Le projet de loi présenté par le gouvernement Milei interdit aux Argentores le principe de la mutualité. Il touche le cœur de la société de gestion », explique M. Diani. Ce qui arrive à Argentores arrive aussi à SADAIC, DAC, AADI ou SAGAI. L’argument formel est que nous avons pour vocation de collecter et de liquider de l’argent et que, par conséquent, nous ne pouvons pas être mutualistes. Mais nous ne dépendons pas de l’État, ce n’est donc pas valable de dire que parce que nous devons réduire le poids de l’État, nous devons réduire nos coûts.

Compte tenu des dommages que causerait l’approbation des articles 350 et 351, la Confédération Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (CISAC) suggère aux députés argentins de retirer les articles 350 et 351 de la Loi Omnibus, dont l’approbation porterait gravement atteinte aux intérêts des auteurs nationaux et étrangers, et de maintenir en l’état le régime juridique en vigueur dans la République Argentine, qui constitue manifestement la meilleure défense pour la protection de leurs droits ».

« L’adhésion à Argentores est un choix », déclare Diani. « Nos membres adhèrent en raison des avantages qu’offre l’organisation ».

D’autres organisations similaires sont dans la même situation. Récemment, la Federación Iberolatinoamericana de Intérpretes o Ejecutantes (FILAIE), dont le directeur est le compositeur Luis Cobos, a envoyé une lettre à la Chambre des Députés dans laquelle il soulignait que « c’est un principe universel que les droits des artistes-interprètes doivent être de gérer de façon collective obligatoire par une seule entité, c’est-à-dire avec exclusivité ».

« La gestion individuelle et/ou la concurrence de différentes entités pour la même catégorie de droits conspirent toutes deux contre la gestion au point de la rendre non viable ».

Et d’ajouter :

« En revanche, l’initiative visant à transformer la Direction Nationale des Droits d’Auteur en une officine d’État doté de pouvoirs étendus en matière de gestion collective, et même habilité à retirer l’autorisation d’entités qui fonctionnent depuis plus d’un demi-siècle avec l’approbation de leurs membres, comme c’est le cas de l’AADI, suscite de vives inquiétudes. Un tel bureau pourrait devenir un instrument de censure ».

Argentores, mutualité, autogestion et une affaire pour quelques-uns

En même temps que les articles de la Loi Omnibus interdisent la mutualité, ils permettent à l’auteur de s’engager dans l’autogestion.

« L’autogestion est une erreur », affirme M. Diani. Et je donne un exemple. Je suis scénariste. Si une de mes œuvres sort sur une plateforme au même moment en Argentine, en Allemagne, en France et au Pérou, que puis-je faire si je n’ai pas derrière moi une structure administrative comme Argentores pour pouvoir percevoir mes droits partout dans le monde. C’est impossible.

Cela facilite le rôle des agences « et comme il n’y a pas d’obligation de faire une mutuelle, une agence avec trois avocats prend les trois auteurs qui ont le plus de succès à ce moment-là, réduit les frais administratifs, au lieu de 15 %, elle demande 10 et l’auteur peut avoir l’impression d’économiser quelques sous ».

Il poursuit :

« Mais lorsque son succès est terminé et que son travail n’est plus autant apprécié ou qu’on ne fait plus appel à lui, l’auteur finit ses jours sans retraite, sans assistance, sans paiement anticipé, sans rien. Derrière cette dérégulation qu’ils essaient de faire, il y a un business pour quelques-uns ».

« À l’époque de Menem, ils ont essayé de faire exactement la même chose. Les directeurs de l’époque ont rencontré Roque Fernández, qui était ministre de l’économie, et lui ont expliqué ce dont je parle maintenant. Et Roque Fernández n’avait aucun argument pour maintenir les sociétés de gestion dans cette déréglementation et les en a retirées ».

« De plus, poursuit-il, nous ne dépendons pas de l’État ».

Nos assemblées, qui sont annuelles, sont suivies par l’Inspection Générale de la Justice (IGJ) et l’Institut National de l’Associativité et de l’Economie Sociale (INAES) parce que nous sommes une mutuelle. Ces deux institutions nous contrôlent et approuvent nos bilans. Si nous ne dépendons pas de l’État, si nous ne représentons pas un impôt, il n’y a pas moyen de s’immiscer dans une société de gestion. La logique de la déréglementation n’a pas de « base ».

« Nous avons discuté avec différents blocs de députés, tous comprennent notre position et, à l’exception du bloc au pouvoir, ont décidé de nous soutenir ».

Il ajoute :

« Argentores ne représente pas seulement les auteurs argentins, mais les auteurs du monde entier, soit environ 5 millions d’auteurs, par le biais d’accords de réciprocité entre différentes sociétés de gestion collective. L’organisation représente des auteurs espagnols, italiens, français, polonais et anglais. Nous avons même des accords avec les Etasuniens.

« Les sociétés de gestion telles qu’Argentores, poursuit-il, tant dans notre pays que dans la plupart des pays du monde, ont des droits exclusifs, c’est-à-dire qu’elles ont des droits de perception exclusifs. Sur le plan juridique, ces entités ne sont pas en concurrence les unes avec les autres. En ayant des droits exclusifs, lorsque le moment est venu de s’asseoir et de discuter avec Google, Netflix ou toute autre société de ce type, les auteurs ont un interlocuteur valable par le biais de la société de gestion collective. Si celle-ci est atomisée et que différentes agences apparaissent, l’auteur est toujours perdant.

« La seule façon de comprendre pourquoi ils veulent déréglementer les sociétés de gestion », dit-il, « c’est que, derrière cette déréglementation, il y a un business pour gagner quelques dollars pour deux ou trois groupes d’avocats qui sont des amis de quelqu’un. Si ce n’est pas le cas, la déréglementation n’a aucun sens ».

Mónica López Ocón* pour Tiempo argentino

Tiempo argentino. Buenos Aires, le 30 janvier 2024

*Mónica López Ocón a contribué au Suplemento Cultural de La Opinión, du premier Tiempo Argentino, à La tecl@ Ñ et à d’autrerevuess. Elle a travaillé pour plusieurs magazines d’Editores Asociados et à Noticias. Elle travaille pour Tiempo Argentino depuis 2010. Elle est l’auteur de « Pichon Rivière, el hombre que se convirtió en mito ».

Traduit de l’esâgnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Paris, le 1er février 2024

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