Portada del sitio > Reflexiones y trabajos > Argentine : Kirchner et la bombe nucléaire monétaria
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Cette note d’Heinz Dieterich dévoile la réalité de la dette extérieure et son manque de légitimité. "Les fonds rapaces" [1] agissent déjà, comme c’est le cas pour Kenneth Dart d’EM Limited. Le FMI lui-même a souligné dans un document, l’activité de groupes mafieux du capital financier. C’est ainsi qu’ils ont agi pour la chute d’Enron. Dart a engagé un procès contre l’Argentine. Dart a renoncé à sa nationalité nord-américaine pour ne pas payer d’impôts et il a choisi celle de Belize.
Le récent accord argentin avec le Fond Monétaire International (FMI) au sujet du paiement de la dette extérieure, signé après un éphémère moratoire, a ravivé le débat sur le gouvernement du président Nestor Kirchner. Pour l’extrême gauche cet accord démontre, une fois de plus, que Kirchner est le classique violoniste de la politique criolla : il tient son instrument à gauche et il joue avec la droite. Le capital financier international pense le contraire. La Dresdner Bank qualifie l’accord de "mou", contraire aux intérêts des "possesseurs d’actions" et fait du tort à "la crédibilité du FMI" ; pour la Bank of America les négociations ont révélé que le FMI "peut être manipulé facilement".
L’entrepreneur argentin, aussi bien dans sa branche financière et industrielle, que dans la construction et le commerce, a accepté le pacte pour "faire honneur aux obligations de l’Argentine, sans compromettre la naissante récupération économique". Des acteurs aussi dissemblables que le secrétaire de la Trésorerie étasunienne, John Snow, le président de la Banque Interaméricaine de Développement (BID), Enrique Iglesias et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), à Paris, se sont félicités de cet accord et le président Kirchner l’a qualifié de "pont d’argent pour reconstruire peu à peu l’Argentine".
En faisant un bilan préliminaire -la lettre d’intention n’a pas été publiée- des pour ou contre obtenus par le gouvernement, il est évident qu’il s’agit d’un compromis qui reflète une situation classique d’équilibre entre deux forces contentieuses, à l’état de relative fragilité.
Le gouvernement a versé presque trois milliards de dollars pour une dette absolument illégitime et, en grande partie, illégale, aux requins du capital financier et il a accepté un objectif d’excédent fiscal de trois pour cent pour l’année 2004. Cela est la preuve d’une fragilité. Néanmoins, il n’a pas accepté les demandes relatives à la compensation des banques étrangères et à la rentabilité des entreprises de services publics transnationales, après la dévaluation de 2001; il n’a pas accepté non plus la planification d’un calendrier pour ces paiements prospectifs et il a obtenu une nouvelle programmation à trois ans autour de 21 mille millions de dollars pour la dette multilatérale. Cela est la preuve d’une résistance.
Les fragilités internes de Kirchner sont au nombre de deux. Il doit réussir la reprise de l’économie nationale dans un temps très court, avec des taux de croissance minimaux de cinq à six pour cent annuels, pour désactiver la bombe du temps social que les gouvernements « vendeurs-de-patrie » de Carlos S.Menem et de Fernando de la Rua ont laissée.
Non moins impérieuse est la tâche du président afin de mettre en place très vite une base sociale et une organisation politique nationale appropriée qui lui permette de maintenir dans de justes limites la classe politique corrompue du Radicalisme argentin et du Péronisme, et lui permette de s’opposer aux tentacules du pouvoir de la vieille oligarchie de la capitale et de la province de Buenos Aires. La récupération d’importantes bases politiques dans les provinces au cours des dernières élections; la récupération favorable de l’insipide gouverneur de Buenos Aires, Ibarra, afin de combler avec des forces appropriées et alliées le vide de pouvoir qu’a laissé la destruction du péronisme dans la capitale, tout comme une série d’audacieuses mesures contre les protagonistes de la guerre sale et des juges corrompus, ont fait avancées la cause de Kirchner. Néanmoins, il est loin d’être sauvé, parce qu’il avance sur un champ miné par ses ennemis internes et externes.
La faiblesse du FMI, en revanche, fait dériver le mécontentement des masses argentines, la précaire situation globale du capitalisme néo-libéral, le discrédit de ses institutions internationales et la faiblesse de Washington. Le gouvernement Bush, qui, comme Hitler en 1943, est en train de s’ébranler sous les impacts de son Blitzkrieg raté sur le front Est (Irak, Afghanistan, Palestine) s’achemine vers un désastre économico-fiscal national qui est en train de se faire ronger par une crise de légitimité à cause de ses mensonges cyniques sur l’Irak; il n’aurait pas pu ralentir une crise financière mondiale, déchaînée par la cessation des paiements (moratoire) de l’Argentine.
L’équilibre entre ces deux forces a obligé, cependant, le compromis obtenu qui concède une période de relative stabilité à chacun des acteurs. Cette dualité de pouvoirs, néanmoins, ne peut être que transitoire. Donc, l’accord a une double signification: il marque le début d’une trêve et, en même temps, il entame une période d’accumulation de forces de la part de chaque acteur, qui tend vers la rupture du statu quo. La guerre avec le capital financier international et son emblématique instance, le FMI, continue néanmoins, et peut déboucher très vite sur une bataille stratégique : dans le cas de l’Argentine, sur la révision des tarifs des services publics privatisés, sur le système de pensions et les indemnisations de la banque étrangère ; dans le cas du Brésil, sur les négociations de la dette extérieure, planifiées pour la fin de l’année.
Cette bataille stratégique ne pourra pas être gagnée par Kirchner -ni par Inacio "Lula" da Silva- s’ils s’affrontent seuls au FMI. C’est-à-dire qu’ils devront prendre la décision avant décembre, s’ils se confrontent aux usuriers du capital financier international de manière unie, et avec l’appui probable d’autres gouvernements latino-américains ou de manière individuelle. S’ils décident de faire la guerre en unissant leurs forces, ils ne peuvent pas être ruinés. Et ce pour trois raisons :
– 1. l’importance de chaque dette est si grande et les prévisions respectives des entreprises internationales pour classer leurs propres actifs en pertes, sont si différées, que l’entrée par défaut (cessation des paiements) de Buenos Aires et de Brasilia retentirait sur l’économie mondiale ;
– 2. comme si cela n’était pas suffisant, l’Argentine compte son équivalence monétaire comme une arme nucléaire tactique ;
– 3. last but not least, l’Argentine et le Brésil compte aussi leur équivalence monétaire comme une arme nucléaire stratégique. L’arme tactique dont dispose le président Nestor Kirchner est l’échec du juge fédéral Jorge Ballesteros de juillet 2000, obtenu par l’héroïque lutte du compagnon Alejandro Olmos, car la dette extérieure contractée par la corrompue dictature militaire (1976-1983), est en partie illégale et illégitime, parce qu’elle est née d’une association illicite. Ballesteros a également affirmé que le Congrès est le tribunal pour déterminer les responsabilités politiques qui conviennent.
La dette extérieure s’élevait en 1975 aux alentours de 8 milliards de dollars. À la fin de la tyrannie, elle atteignait une somme autour de 45 milliards de dollars. Entre le début de la dictature et l’année 2000, l’Argentine a remboursé plus que la totalité de la dette actuelle, à savoir, plus de 200 mille million de dollars. Dans le même temps, environ 130 mille million de dollars sont sortis du pays dans la fuite des capitaux. Pour toutes ce raisons, il n’y a aucune raison de continuer à payer cette mises à sac de la part des gorilles, de l’oligarchie et de leurs alliés internationaux, mais plutôt d’utiliser l’antécédent Olmos/Ballesteros contre eux.
D’une plus grande importance s’avère l’arme stratégique nucléaire monétaire qui est à la disposition de Kirchner, Lula et autres présidents d’un cartel qu’on ne peut différé des endettés latino-américains. Il s’agit de l’accord de Londres, ratifié le 27 février 1953 entre la République Fédérale d’Allemagne (RFA) et ses créanciers.
Pour permettre à l’élite allemande la possibilité de payer les dettes extérieures contractées des années antérieures, après avoir semé la destruction et la mort au monde entier, le gouvernement allemand a obtenu dans cet Accord les suivantes concessions qui doivent être la règle pour toute renégociation de la dette extérieure latino-américaine :
En fixant le total de la dette globale on a fait grâce des intérêts depuis 1934, en réduisant la dette presque de moitié.
Pendant les cinq premières années (1953-1957), le paiement de la dette a pratiquement été suspendu.
Le principe clé, "la bombe nucléaire" de Kirchner et de Lula, est dans l’article 9 de l’Accord et dans les accords respectifs entre la RFA et le FMI qui stipulait que les transferts d’intérêts et d’amortissements "doivent être traités…comme des paiements de transactions courantes".
Cette clause excluait toutes les formes nocives de couverture du service de la dette qui sont aujourd’hui dominantes et qui rendent impossible que les pays néo-coloniaux sortent de la misère :
– le paiement par le biais des réserves internationales
– le paiement par le biais des entrées de devises de l’investissement étranger direct et du portefeuille
– l’importation d’épargne extérieure par le biais de nouveaux prêts ou bons de l’État
– l’échange de la dette en privatisation ou swaps du patrimoine national.
– 4. En excluant ces sources néo-coloniales de financement, la possible couverture du service de la dette se réduit à l’unique forme économique soutenable qui existe pour un pays endetté : un excédent de la balance du commerce et des services.
– 5. Sous la conduite réussie du chef de la délégation allemande, le plus important banquier du régime nazi et du premier gouvernement démocrate chrétien post-nazi, le dévot catholique Hermann Abs, de la Deutsch Bank, avec l’appui confirmé de Washington cet objectif a justement été atteint. Aux dires du Parlement Allemand de 1953, " il y a eu une reconnaissance unanime des représentants de 31 pays que l’Allemagne avait seulement l’obligation découvrir ses engagements de paiement uniquement avec un excédent sur les balances commerciales et les services. "
Parmi ces 31 pays se trouvaient les créanciers actuels les plus importants des pays endettés du Sud, parmi eux, les Etats-Unis, l’Angleterre, la France, l’Italie et la Canada. Aucun de ces pays, en incluant l’honteux cas du gouvernement allemand social-démocrate-vert, n’est disposé, aujourd’hui, à concéder aux pays martyrisés par les usuriers du capital financier international, le " libre commerce " et le protectionnisme des puissances mondiales, le droit à une existence économique digne, comme ils le concédèrent en 1952, avec les négociations avec un ex-banquier nazi, à la RFA.
– 6. L’Accord de Londres a réduit le service de la dette extérieure allemande d’environ 11 à 3,4 pour cent des exportations annuelles du pays et lui donnait le droit à consultations et, de fait, à suspendre les paiements, alors que sa "capacité de transfert" se voyait affectée par ce qu’elle " affrontait des difficultés dans l’accomplissement de ses obligations extérieures ".
Pendant la Campagne du désendettement Jubilé 2000, les gouvernements du groupe des G-7 ont suffisamment démontré qu’ils n’ont aucune disposition, pour en finir avec l’usure financière internationale, qui leur pourvoit une richesse économique et un pouvoir politique global. Néanmoins, il faut les forcer à céder.
Les conditions objectives pour une négociation réussie au bénéfice des peuples existent. La faiblesse de Washington ; le total discrédit de l’État Global, dans ses tentacules structurelles, comme le FMI, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le Conseil de Sécurité ; la montée de la lutte populaire ; la consommation de la théorie du Nouveau Projet Historique de la société post-capitaliste, le Socialisme du XXIème siècle, et la constellation de présidents progressistes latino-américains en Argentine, au Brésil, au Venezuela et à Cuba, permettent de rompre à partir de la Grande Patrie le nœud étouffant de la dette extérieure.
Au pouvoir économique, démographique et territorial de ces pays se trouve la masse critique pour la victoire. L’Accord de Londres pourvoit le concept stratégique du triomphe. Il ne reste plus qu’à lui ajouter la volonté et l’audace bolivarienne pour prendre le chemin de la libération. Pour les gouvernements d’Argentine, du Venezuela et du Brésil, le problème de la dette extérieure n’offre pas de choix : c’est une question de survie. S’ils ne s’affrontent pas unis au capital financier dans les conditions actuelles, qui offrent les lauriers de la victoire, ils verront difficilement l’avenir qu’ils désirent construire.
Traduction de l’espagnol : Lopez Garcia Isabelle.
Rebelion, 20 de septiembre de 2003.
Notes :
[1] Extrait de « 50 Questions 50 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale », par Damien Millet et Eric Toussaint, 2002 : Les pays en voie de développement ayant accès aux marchés financiers émettent des titres de la dette pour y lever des fonds. Une fois émis, ces titres ont une valeur qui fluctue suivant la situation économique et financière du pays concerné, et peuvent se négocier entre acteurs financiers. Ces dernières années, il est arrivé que des institutions privées rachètentà bas prix des titres de créances de pays en difficultés, dont le propriétaire cherchait à se débarrasser pour récupérer une partie de sa mise. Et aussitôt, ce nouveau créancier attaquait en justice l’État endetté pour exiger le règlement total et immédiat de la créance, réalisant un profit colossal, sans se soucier des conséquences humaines et sociales. Ce sont les fameux " fonds-vautours ", qui s’acclimatent fort bien d’un contexte instable et d’une corruption importante. Le prix payé par les pays est parfois plus important que les quelques allégements obtenus de haute lutte.