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15 avril 2008

Mystères "contre-terroristes"

Amérique Latine :
Pourquoi ont-ils tué Raul Reyes en caleçon alors qu’il dormait ?

 

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Avant sa mort, les experts se demandaient : comment Reyes pouvait-il rencontrer tant d’interlocuteurs dans tant de lieux, même en dehors de la Colombie, pendant tant d’années, et tout de suite retourner dans la jungle sans être détecté par les services de renseignements colombiens ni la CIA ses puissants systèmes de ratissage électronique ? Jusqu’à ce qu’ils le tuent en dormant , en caleçon et personne (sauf, nous) ne s’est demandé pourquoi les radars électroniques avant ne fonctionnaient pas avec ce chef guérillero "itinérant", et soudain pourquoi ils ont fonctionné.

Lors d’une émission de télévision, le jeudi 6 mars, le journaliste argentin Pablo Biffi, auteur de l’un des derniers reportages que Raul Reyes ait accordés, il montrait sa surprise et se demandait pourquoi le commandant des FARC avait été assassiné pendant qu’il dormait seulement vêtu de sous-vêtements.

Selon les déclarations faites à la presse par le vice-ministre de Défense de l’Équateur, Miguel Carvajal, le groupe conduit par Reyes se trouvait dans un endroit de la forêt équatorienne, et les hélicoptères et les avions qui l’ont attaqué ont traversé la frontière au delà de 10 kms pour bombarder le campement tandis que les guérilleros dormaient en sous-vêtements.

Le président de l’Équateur, Rafael Correa, a signalé qu’ "Uribe lui avait menti et que les membres des FARC étaient endormis, que le fait avait été un massacre et qu’on les avaient trouvés en tenue pour dormir".

Selon des rapports du service de renseignement militaire équatorienne publiées dans le quotidien El Comercio, de Quito, avec l’exception de trois d’entre eux qui remplissaient des fonctions de surveillance, Reyes et les 18 autres morts (des guérilleros et des étudiants mexicains en voyage d’études) dormaient en sous-vêtements, et l’armement existant dans le campement, grenades et fusils se trouvait empilé et n’a pas été utilisé à aucun moment.

Le correspondant argentin de Clarín [Quotidien Argentin] en Colombie, qui a passé trois mois retité dans la jungle pour faire un reportage avec Reyes, a remarqué que pendant ses déplacements avec les FARC, il a pu observer les mesures de sécurité que les guérilleros utilisaient pour éviter de révéler leur présence et ainsi s’éviter "des surprises", comme dormir avec leur arme à côté et en uniforme de combat, et marcher la nuit avec leur lampe de poche pointé vers le sol.

Dans les pratiques que ce groupe de guerilleros utilise comme mesures habituelles de prévention, l’opération militaire qui a surpris Reyes et son groupe de guérilleros qui l’accompagnait "entrain de dormir et en sous-vêtements", n’arrête pas d’attirer l’attention des experts.

Selon les renseignements vénézuéliens Reyes utilisait un téléphone satellite pour communiquer avec des fonctionnaires de haut rang dans le monde entier, même avec Chavez, qui était au courrant qu’il pouvait être détecté à tout moment par les systèmes de ratissage informatique aux mains de l’armée colombienne.

Reyes, en plus de sa condition de de deuxième chef et de porte parole médiatique le plus important des FARC, était le négociateur international de l’organisation guerrillera et maintenait des contacts directs avec représentants de haut niveau de nombreux gouvernements du monde (la majorité), principalement européens.

Cette réalité du mouvement constant qu’exigeait sa fonction, même en dehors du cadre protégé de la jungle colombienne, rendait impossible que Reyes, dans sa qualité de négociateur de "l’accord humanitaire" sur les otages, avalisé par tous les gouvernements du monde, ne disposât pas d’une couverture "d’une zone franche" tacitement respectée même par les États-Unis et le gouvernement d’Uribe lui même.

Comment Reyes pouvait -il rencontrer tant d’interlocuteurs, dans tant de lieux géographiques, même en dehors de la Colombie, et tout de suite retourner dans la forêt sans être détecté par les renseignements colombiens ni la CIA avec leurs systèmes puissants de ratissage électronique ?

C’est la même question que les experts se sont posés à une échelle mondiale avec "Ben Laden", "l’homme plus recherché" par la CIA, le Pentagone, les 16 agences d’espionnage étasunienne, plus tous les services occidentaux et qui, à ce qu’on suppose, était caché sans être détecté depuis 2001 à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, dans une région d’un "niveau d’infiltration" élevé de l’intelligence étasunienne. Quelqu’un pourrait-il sagement penser que Reyes pourrait mener ses contacts, rencontres et déplacements internationaux sans être détecté par l’intelligence militaire des Etats-Unis qui est chez elle en Colombie ?

Les FARC ont été déclarées "organisation terroriste" par l’ONU, l’OTAN et la majorité des gouvernements au monde assignés à la "guerre globale contre le terrorisme", pour laquelle Reyes, le deuxième chef de l’organisation guerrillera, figurait comme une "cible" pour tous les services d’intelligence à échelle mondiale.

Comment le "chancelier" des FARC pouvait-il se déplacer librement sans disposer un minimum de "zone franche" déclaré quei lui garantissait ne pas être pris ?

La version officielle du gouvernement d’Uribe (qui fourni une Vidéo "maquillée" du campement où est mort Reyes) consiste en ce que la position du chef guérillero a été détecté à partir d’un ratissage de son téléphone satellite : la technologie informatique du ’Plan Colombie’ a mis autant d’années pour « localiser » le téléphone du deuxième chef des FARC ?

Un précision : Toute l’activité internationale développée pendant ces années (Reyes est arrivé à rencontrer le président de la Bourse de New York), avec les déplacements correspondants à l’intérieur et à l’extérieur de la Colombie, indiquent que Raul Reyes disposait d’une zone franche tacite respectée par tous les gouvernements et autorités mondiales.

Cela explique, pourquoi Reyes et son groupe (contrevenant les lois basiques de la survie dans "l’illégalité" dans la jungle) se trouvaient désarmés et entrain de dormir en sous-vêtements (comme si pour une virée de tourisme d’aventure), à l’exception d’une "garde formelle", qui n’a rien pu faire face aux puissants "Tucán" et aux hélicoptères équipés de missiles de l’armée du Plan Colombie.

Alors bien : Pourquoi, les Etats-Unis ont-ils décidé de rompre les règles et d’ ordonner l’élimination de Reyes par des commandos d’élite ?

Il y a trois hypothèses :

1) Le Plan et la stratégie de la "guerre contre-terroriste"
2) Les nécessités d’Uribe et du Plan Colombie
3) Chavez et la militarisation régionale.

La "guerre contre-terroriste".

En ce qui concerne le point un, et comme c’est écrit dans différents rapports, dans sa stratégie globale "d’une guerre antiterroriste" en Amérique Latine, le Pentagone, la CIA, le FBI, et le reste des agences étasuniennes de renseignement, ont décidé d’approfondir des accords (en argumentant une action "antiterroriste régionale") avec les gouvernements de l’Amérique Latine pour étendre le Plan Colombie au reste du continent, incluant plus de coopération et d’équipement militaire avec leurs armées et leurs polices régionales dans le combat contre le terrorisme.

Le plan de la Maison Blanche (poussé par le Complexe militaro-industriel) cherche un réarmement des armées et des forces régionales de sécurité encadrées dans la "guerre antiterroriste" comme hypothèse de conflit, en remplacement de la "Doctrine de Sûreté Nationale" qui a équipé les armées locales dans les années soixante-dix [qui s’est soldée avec des centaines de milliers de morts et alors que les procès en cours faits aux policiers et militaires de l’époque ne sont pas même terminés pour certains ni commencés pour d’autres].

Il s’agit d’un plan qui combine la domination géopolitique militaire de la région avec le commerce d’armes et de technologie à grande échelle (de la part des multinationales du Complexe Militaire Industriel des Etats-Unis) destinés au rééquipement militaire des armées locales qui luttent contre le « terrorisme ». Dans ce scénario, les FARC forment, en premier lieu, l’hypothèse du conflit central, "l’ennemi terroriste à affronter" qui nourrit le fait d’actionner les accords régionaux contre le "terrorisme".

L’assassinat de Reyes (le commandant le plus emblématique des FARC), dans ce contexte, signalerait le début d’une offensive de la "guerre contre le terrorisme" en Amérique Latine en montrant "la réalité opérationnelle" du Plan Colombie et de sa machinerie militaire avec l’objectif de l’imposer à d’autres gouvernements (avec la vente correspondante, bien sûr, d’armes et de technologie).

Les "nécessités" d’Uribe.

Le gouvernement d’Uribe souffre d’une grande usure interne, et son incapacité à résoudre le "conflit armé" avec les FARC lui enlève des soutiens parmi les secteurs militaires et la droite libérale et conservatrice colombienne.

De plus, l’irruption de Chavez comme "médiateur" des négociations pour l’échange de prisonniers entre les FARC et le gouvernement de la Colombie prenait de plus en plus le rôle principal au président colombien.

À son tour, Reyes était l’interlocuteur de Chavez et du président français, Nicolas Sarkozy, qui, quelques heures avant l’assassinat du chef un guérillero, avait déjà commencé à négocier une opération pour prendre la tête d’une "mission humanitaire" chargée de négocier une libération globale des otages de la FARC, y compris celle de l’emblématique Ingrid Betancourt.

La mort de Reyes, a "dégonflé" l’opération de Chavez et de Sarkozy et a diminué la pression internationale sur le gouvernement d’Uribe, qui a endossé un nouveau rôle dans la guerre contre le "terrorisme" des FARC.

Dans ce contexte, l’assassinat de Reyes a pu être une concession de Washington à son allié Uribe, qui a fait d’une pierre deux coups : se débarrasser de Chavez et éliminer son principal contact avec les FARC.

Chavez et la "militarisation régionale".

Autre point qui prend de l’importance comme hypothèse sur la cause de la mort de Raul Reyes, c’est le "facteur Chavez" et une guerre Colombie-Venezuela et sa relation avec un plan du Pentagone pour militariser la zone et obtenir (sous un prétexte de médiation) une expansion régionale de son propre appareil de contrôle géopolitique militaire impérial.

En ce qui concerne le plan du Pentagone de pousser à la guerre Colombie-Venezuela, on lui attribue deux objectifs centraux :

 A) S’emparer des zones stratégiques du pétrole vénézuélien,
 B) Repositionner et renforcer son contrôle militaire sur ce qu’in appelle les "cinq frontières" (Colombie, Équateur, Pérou, Brésil et Venezuela) où se trouve la gigantesque réserve de pétrole partagée, en renforçant sa position pour s’emparer de l’eau, du gaz et des ressources extraordinaires de biodiversité de l’Amazone, vitales pour la survie future des États-Unis comme puissance.

Dans ce cadre, l’assassinat de Reyes (comme soutiennent quelques rapports de renseignement militaire) aurait principalement été orienté pour créer les conditions pour une escaladée militaire entre la Colombie et la Venezuela, qui assoie les bases permanentes d’un conflit armé dans la région, justifiant une présence militaire active des États-Unis dans une défense de la "sûreté continentale".

Le but de l’opération militaire, pour tuer Reyes, conformément à cette hypothèse, ne serait les FARC mais Chavez, qui (sans être impliqué directement dans le conflit) a immédiatement réagi en ordonnant le déploiement de ses troupes et ses chars à la frontière.

Malgré l’intervention de l’OEA, le conflit entre la Colombie et le Venezuela continue à monter, et selon les déclarations de Chavez et de Correa des derniers jours, il sera très difficile de décompresser l’escalade militaire à la frontière.

En résumé, l’assassinat de Raul Reyes (qui a surpris les FARC elles-mêmes) a cassé le statu quo "d’une zone franche" dont il jouissait et a déclenché un conflit entre Chavez et Uribe qui peut déboucher sur une guerre régionale qui nourrit les plans de Washington.

Ceci pourrait être l’hypothèse la plus plausible de la mort de Reyes en petite tenue.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de  : Estelle et Carlos Debiasi.

Par IAR
Espagne, le 8 Mars 2008.

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