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31 janvier 2007

A cause de ses œillères idéologiques, le "Premier Monde" ne voit en Amérique Latine que du « populisme ».

par Alfredo Zaiat

 

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L’économiste usaméricain Joseph Stiglitz a attaqué hier encore le savoir conformiste de ses collègues. Autrement dit, les lieux communs qui découlent de leurs œillères idéologiques. Le Prix Nobel d’Économie a regretté que le terme « populisme », que l’on applique aux politiques de quelques gouvernements latino-américains, soit utilisé dans un sens péjoratif.

A partir du moment où la région a commencé à changer de couleur politique, à la suite de la défaite des candidats qui préconisaient les recettes néolibérales des années 90 lesquelles ont fait la preuve de leur faillite totale, les principales officines où s’élabore l’idéologie de nos sociétés ont apposé le label "populisme" aux politiques appliquées par ces nouveaux gouvernements. Et avec cette étiquette, elles les disqualifient. Stiglitz, lui, en revanche, fait leur éloge.

La scène politique latinoaméricaine est inédite : la socialiste et femme Michelle Bachelet au Chili ; Evo Morales, un président issu du peuple indigène en Bolivie ; Tabare Vázquez, venu de la gauche historique du Frente Amplio en Uruguay ; le premier président ouvrier au Brésil, le réélu Lula da Silva, qui dirige la principale puissance de la région ; l’impétueux Hugo Chavez au Venezuela ; et l’expérience de Néstor Kirchner qu’il est difficile de définir.

C’est sur cette scène bouleversée, bouleversement dont l’ampleur et la soudaineté étaient totalement imprévisibles, du paysage politique de la région, qu’on a établi l’idée de populisme dans cette partie du globe. Ce n’est pas une question simple, puisque s’affrontent des conceptions irréconciliables : celles qui glorifient et celles qui diabolisent tout simplement une catégorie sociopolitique. En outre, les gouvernements de la région ont été regroupés en deux camps, ceux qui ont la sympathie des Etats-Unis et ceux qui militent dans l’ « axe du mal » aux dires de l’administration Bush.

Il y a aussi un protagoniste qui navigue dans un espace indéterminé de cette division schématique née au Département d’État des Etats-Unis et sous la direction de Condoleezza Rice : le gouvernement Kirchner. Même s’il est vrai que les principaux medias de l’establishment n’hésitent pas un instant à le situer dans le camp des populistes. Ils ratent, ce faisant, une occasion d’analyser les nuances et la complexité des processus en cours dans la région.

Stiglitz, ex-économiste en chef de la Banque Mondiale, a affirmé, dans ce sens-là, en parlant des contestés gouvernements de la région, spécifiquement ceux de la Bolivie et du Venezuela, que "la seule chose qu’ils disent, c’est que les pauvres doivent profiter des richesses de leur propre pays". Les journaux préférés des financiers, The Wall Street Journal et le Financial Times, tout comme l’hebdomadaire conservateur britannique The Economist, sont les haut-parleurs des critiques que l’establishment adresse à Evo Morales et à Hugo Chavez, observations résumées par : ce sont des "populistes".

L’administration de Néstor Kirchner, elle aussi, a eu droit à cette appellation parce que Kirchner a renégocié la dette extérieure impayable, parce qu’il a gelé les tarifs des sociétés privatisées et à cause de sa politique générale des prix.

Comme il l’a fait depuis qu’il a quitté la Banque Mondiale et qu’il a commencé à critiquer les politiques d’ajustement du FMI, Stiglitz va à contre-courant de l’opinion « politiquement correcte » des économistes du système. Aujourd’hui il vient défendre les politiques "populistes" parce que mener une politique « au profit des pauvres, c’est le fondement même de la démocratie ».

À Madrid, où il va prononcer aujourd’hui une conférence dans le cadre de sa tournée pour présenter son dernier livre (Making Globalization Work), l’économiste rebelle, lors de l’interview qu’il a donnée à l’agence espagnole EFE, a défendu l’idée que les gouvernements centraux devraient soutenir ces politiques-là.

Au lieu de les critiquer, « les gouvernements des pays développés devraient leur apporter tout leur soutien pour qu’ils réussissent dans un processus qui ne sera pas facile », a jugé l’ex-conseiller économique de l’ancien Président des Etats-Unis Bill Clinton. C’est-à-dire, lutter contre les inégalités sociales, contre la désastreuse répartition du revenu national et contre la pauvreté.

Mais, pour les gouvernements des pays développés, cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied, n’est-ce pas ?

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Manuel Colinas

Página 12. Buenos Aires, le 8 Noviembre 2006.

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