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30 octobre 2012

« L’émergence de la jeunesse en Amérique »

« Sans jeunes rebelles il n’y a ni changements ni révolutions »

 

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Dans le cadre du troisième anniversaire de Desinformémonos, l’écrivain uruguayen Raúl Zibechi et plusieurs représentants du mouvement étudiant du Brésil, Canada, Mexique et du Chili, ont souligné l’importance de ces mouvements de jeunesse qui ont émergé ces dernières en Amérique.

« Le passé est une référence, pas une prison, c’est pourquoi les changements générationnels qui surviennent régulièrement, sont une nouvelle vie et sans eux n’y aurait pas de continuité dans les résistances et dans les luttes. Si nous nous laissons rattraper par le passé, la créativité et la vie arrête d’avoir du sens, puisque répéter ce qui est déjà connu, c’est la mort », a soutenu le journaliste uruguayen Raúl Zibechi pendant la rencontre autour du thème « L’émergence de la jeunesse en Amérique ».

L’écrivain a salué l’irrespect des chemins tracés par les générations précédentes et les espaces qu’ouvrent les jeunes du Chili, du Mexique, de l’Argentine, de la Colombie et du reste de l’Amérique entière. « Aujourd’hui, en plus d’une irruption importante de la jeunesse, il y a une irruption de la jeunesse d’en bas. Il s’agit d’une nouvelle génération qui ne se laisse pas rattraper par des structures bureaucratiques, mais qui cherche à ouvrir ses propres espaces. C’est une génération qui n’a pas besoin de leaders individuels et dans laquelle il y a chaque fois une plus grande participation des femmes et de jeunes des périphéries urbaines et des classes défavorisées », a remarqué Zibechi.

Réunis dans la salle José Gaos, de l’Institut de Recherches Philosophiques de l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM), Raúl Zibechi, Fabio Alkim et Brisa Araujo, de l’Université de Sao Paulo, Alexander Beaudoin, de l’Université du Montreal, Natalia Elgueta, de l’Université Catholique du Chili, Javier Bautista, de l’Université Latinoaméricaine et membre du mouvement « #YoSoy132 » et Camilo Ceja, de Vasco de Quiroga Rural Normal dans Tiripetío, Michoacán, ont discuté de la situation de la lutte pour l’éducation dans chacun de leurs pays et des mouvements émanant de la jeunesse qui ont surgi ces dernières années autour du monde.

« Être jeune et ne pas être révolutionnaire est une contradiction presque biologique », a rappelé -en face d’une salle bourrée à craquer - Adazahira Chávez, de Desinformémonos , après la présentation d’une vidéo sur la couverture des mouvements étudiants l’an dernier, réalisée par l’équipe de la revue électronique.

Fabio Alkim, du Brésil, a remarqué l’importance de ne pas idéaliser la croissance économique de son pays, puisque cette idée est basée sur « des données qui cachent les grandes inégalités internes » qui incluent la modernisation, la privatisation et la commercialisation des universités fédérales et leurs divers champs, par exemple, le financement de la recherche dans des mains privées. Et alors, Alkim s’est demandé  : « Qui va financer les recherches qui tendent à générer une connaissance critique pour la société ? »

Pendant son intervention, Brisa Araujo, de l’Université de Sao Paulo, a parlé de la grève des étudiants au premier semestre 2012, qui a duré 113 jours et à laquelle ont participé 95 % des universités fédérales et lycées. Cette grève, a-t-elle expliqué, fut « la plus longue de l’histoire des étudiantes brésiliens ».

Araujo a dit que le gouvernement cherche à se défendre, en remarquant le fait que 14 universités fédérales ont été créées, « mais : quelles universités ? De nouveaux campus ont été ouverts, oui, mais avec des structures précaires, sans bibliothèques, sans salles à manger universitaires, avec des contrats précaires pour de professeurs, sous le modèle remplaçant, sans aucune classe de garantie, sans plans de carrière et avec une imminente surpopulation, puisque dans le « Plan de Restructuration et d’Expansion », signale-t-on que les postes vacants seront doublés dans les universités ».

Le québécois Alexander Beaudoin a lu une chronique du dit « Printemps Maple », expliquant son origine et soulignant l’appui que la société de Montreal a offert aux jeunes qui manifestaient contre une augmentation de 75 % du coût d’inscription que le Premier ministre, Jean Charest, avait annoncée dès 2010. Grâce aux marches (dans lesquelles il y avait plus de 300 000 manifestants dans les rues, dans une ville habitée par 2 millions), aux cacerolazos et autres manifestations de solidarité, les habitants du Québec ont soutenu un mouvement de « désobéissance civile pacifique », a expliqué l’étudiant canadien.

Beaudoin a mis en avant l’importance de YouTube, Twitter, Facebook et d’autres réseaux sociaux, qui sont devenus le siège « d’une bataille virtuelle » dans laquelle les manifestations étaient filmées, ainsi que la violence et la brutalité exercées contre des étudiants et les journalistes. L’instauration de la Loi 12, qui ne permettait pas la réunion de groupes de plus de 50 personnes, a suscité l’indignation de toute la population. L’échec final pour le gouvernement s’est vu dans les élections de 2012 où le gouvernement Charest a perdu, et le projet d’augmentation de l’inscription a été abrogé, ainsi que la Loi 12.

L’étudiante chilienne Natalia Elgueta a ébauché un portrait de la situation de l’éducation au Chili, depuis le niveau basique jusqu’au supérieur. Elle a fait référence à la grande contradiction qui existe entre la présentation qui est faite au monde de son pays « comme une possible puissance émergente, semblable au cas du Brésil », et la réalité de sa population, spécialement des étudiants. « Toutes les universités au Chili sont payantes, et il reste beaucoup pour faire encore devant un système éducatif hérité de la dictature de Pinochet, mais nous les jeunes nous osons enfin rêver », a-t-il dit.

La jeunesse mexicaine fut représentée par Javier Bautista, professeur de l’Université Latinoaméricaine et membre du mouvement « #YoSoy132 », et par Camilo Ceja, de la Rurale Normale de Trirpetío, du Michoacán. Le premier a inisté sur le fait qu’ « il n’y a pas de certitude sur ce qui peut arriver avec ce mouvement, mais il faut souligner qu’il a signifié l’émergence d’une nouvelle conscience et tendance à construire de nouveaux réseaux ». Pour sa part, Camilo Ceja a lu une lettre de la Fédération d’Étudiants Paysans Socialistes Unis du Mexique (FECSUM) et de l’Organización de Normales Oficiales del Estado de Michoacán(ONOEM) qui accusait l’État d’« imposer la privatisation de l’éducation » et a exigé, entre d’autres choses, l’annulation de la réforme du travail et la liberté pour les détenus politiques et de conscience.

Fut aussi lue une lettre du peuple guarani-kaiowá, à travers laquelle ceux-ci annoncent l’extermination de leur communauté, et demandent à être enterrés sur les mêmes terres que leurs aïeux, et fut annoncée une manifestation qui se tiendra devant l’Ambassade du Brésil au Mexique, pour protester contre les actions gouvernementales qui, sous prétexte de modernité et développement économique, piétinent les droits de l’homme de milliers de groupes indigènes.

Sofía Sánchez pour DesInformémonos

DesInformémonos. Mexique, le 29 octobre 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 30 octobre 2012.

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