recherche

Accueil > Argentine > L’Argentine honore ses échéances, mais n’obtient pas le « Stay »

26 juin 2014

Le bras de fer continue avec les fonds vautours

L’Argentine honore ses échéances, mais n’obtient pas le « Stay »

par Estelle Leroy-Debiasi *

 

Le ministre de l’économie Argentin Axel Kicillof a annoncé jeudi 26 juin que l’Argentine versait l’argent de ses échéances aux détenteurs de titres de la dette restructurée. De son coté, la justice Us a refusé de réintroduire la procédure de « stay ».

« La République Argentine a procédé au paiement du capital et intérêts des titres de la dette restructurée pour 832 millions de dollars dont 539 millions ont été déposés sur les comptes 15 098 y 15 002 de la banque de New York Mellon (BONY) à la Banque Centrale argentine (BCRA) ».
« Ajoutés aux échéances en pesos, le paiement réalisé aujourd’hui dépasse les 1 000 millions de dollars » a expliqué hier 26 juin le gouvernement argentin.

Précisant que le pays ayant payé l’échéance en temps et en heure, désormais les propriétaires des fonds ainsi déposés par l’Argentine étaient « les détenteurs de titres qui ont accepté la restructuration de la dette » en 2005 et 2010, et que l’Argentine avait « rempli » ses obligations, quelles que soient les injonctions de la justice US en faveur des fonds vautours, en l’occurrence NML Capital de Paul Singer (voir L’Argentine élabore une solution pour payer ses échéances.

Le ministre a aussi souligné que c’est une décision souveraine de l’Argentine d’honorer ces paiements « en temps et en forme », mais que si quelqu’un y faisait obstruction il pourrait s’exposer à des actions judiciaires, afin de faire valoir les droits du pays comme nation souveraine et membre de la communauté internationale dans le cadre du droit international, se référant à l’Organisation des Etats Américains (article 61), l’ONU (articles 2º incise 1 et 4), accord du FMI (article 4º), devant le Tribunal International de La Haye .

Ainsi, le défaut technique est évité... mais pour combien de temps. Les prochaines heures vont connaître des rebondissements. Puisque quasi simultanément le juge Griesa a annoncé rejeter la demande de l’Argentine préalable à la négociation de rétablir la clause de « stay », sursis à exécution, qui lui aurait permis d’honorer l’échéance de la dette restructurée au 30 juin, sans avoir à payer avant ou en même temps les 1,3 milliard de dollars cash au fonds vautours.

Ce n’est pas faute d’un concert de soutiens venus de tous horizons y compris les plus surprenants ces dernières 48 heures, tant l’application de la sentence du juge Griesa, sur la quelle la Cour Suprême a refusé de se pencher, ébranle la planète finance en matière de dettes souveraines, à commencer par la place de New-York. La question dépasse largement l’Argentine. Et c’est pourquoi le ministre de l’économie s’est expliqué hier devant les Nations Unies.

Non seulement l’Argentine a reçu le soutien de ces voisins régionaux, mais aussi du Groupe des 77 et de la Chine, mais de plusieurs analystes et éditorialistes du New York Times, du Wall Street Journal, du Financial Times, par la plume de Martin Wolf s’indignant, employant le terme d’extorsion pour qualifier le jugement de Griesa.

Sans oublier le conservateur « Foreign Affairs », mais aussi un groupe de plus de 100 parlementaires et intellectuels et universitaires britanniques... ni ceux qui s’étaient déjà fait connaître auparavant comme Amicus Curae ou le FMI parmi les premiers à réagir.

L’interprétation très particulière de la clause de « pari passu » faite par le juge newyorkais pour « protéger » un groupe de créanciers très minoritaires- puisque 92,4% des créanciers sont entrés dans la restructuration- suscite l’effroi ; mais surtout les responsabilités du séisme à venir se cherchent aujourd’hui du coté de la Cour Suprême qui a décidé de se laver les mains de cette affaire, et chacun y va de la nécessité de mettre au point de nouveaux garde-fous, si on veut qu’il y ait encore des restructuration de dettes souveraines... un jour.

Car par sa décision la Cour Suprême des Etats-Unis d’Amérique a subitement réécrit les règles du jeu en matière de dette souveraine, et les implications de sa décision dépassent très largement le cas de l’Argentine à moyen terme. Puisqu’elle est synonyme d’impossibilité de mener des restructurations de dettes souveraines de façon « sécurisée », donc personne ne se prêtera plus au jeu. D’où l’embarras en premier lieu du FMI ; certes de nouveaux contrats incluent des clauses d’actions collectives protégeant mieux les créanciers de dettes restructurées contre l’action d’un autre créancier faisant cavalier seul. Toutefois, il faudrait aller plus loin. Un mécanisme de protection des restructurations de dettes souveraines avait déjà été évoqué il y a plus de dix ans.

Concrètement pour l’Argentine, qu’en sera-t-il des prochaines heures et jours. La nomination d’un médiateur il y a quelques jours, en l’occurrence l’avocat Daniel Pollock du cabinet newyorkais McCarter & English LLP, pour ouvrir une négociation avec les fonds Vautours n’a pas empêché l’épreuve de force.

Le rôle de Pollack -dont les compétences sont reconnues dans ce type de litige- était de « conduire et superviser les négociations pour un accord entre les parties dans ce litige » selon la définition de Griesa. L’intention du gouvernement argentin tel qu’il l’a encore rappelé – notamment dans les communiqués sortis ces jours derniers dans la presse mondiale, est d’arriver à un accord permettant de payer 100% des créanciers mais sans mettre en danger la restructuration de la dette ni le paiement des échéances prévues. D‘où le paiement strictement à l’heure pour ne pas dire en avance des échéances,prévues au 30 juin.

La question étant de savoir si l’argent parviendra effectivement à « ses propriétaires » à savoir les détenteurs de titres de la dette restructurée. Mais y a-t-il encore place pour la négociation ? La clause de « settlement » permet des accords judiciaires et extrajudiciaires avec les créanciers sans qu’ils soient étendus aux détenteurs de titres de dette restructurée, ce qui permet de laisser le « pari passu  » ; et cela alors que la Clause de « Droits sur les offres futures » (RUFO), permettant aux créanciers de la dette restructurée de porter réclamation en cas de meilleure offre ne prend fin qu’au 31 décembre 2014.

Plusieurs pistes avaient été évoquées ces derniers jours, celle du swap de titres semble être mise de coté car trop compliquée (afin de changer le lieu de paiement des échéances), une autre pourrait être creusée à l’avenir, que l’Argentine se porte acquéreur des titres ou d’une partie des titres sur le marché.

Il semble que les titres de la dette restructurée se négocient plutôt bien sur le marché, ainsi le Gramercy Funds Management LLC très engagé dans le processus de restructuration de la dette aux cotés de l’Argentine, et qui avait un temps essayer de faciliter une éventuelle négociation avec les fonds vautours, aurait vendu ces titres à très bon compte il y a quelques semaines.

Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo

* Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune.

El Correo. Paris, 26 juin 2014.

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported. Basée sur une œuvre de www.elcorreo.eu.org.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site