Accueil > Les Cousins > Venezuela > Venezuela, chronique d’une bataille annoncée.
Par Modesto Emilio Guerrero
El Correo. Paris, le 31 mai 2007.
Si quelque chose est clair dans les évènements qui se déroulent au Venezuela depuis le dimanche 28 mai, c’est qu’il a été préparé avec le coté systématique des conspirations précédentes, même s’il n’a pas la même force qu’en 2002, 2003 et 2004, l’année où ont décidé de faire une pause parce que la déroute été trop lourde. La question est pourquoi ont-ils revenus trois années après avec la même arrogance de toujours, bien qu’ils ne disposent pas de la même capacité de mobilisation.
Pedro Carreno, le ministre du Pouvoir Populaire pour les Relations Intérieures, a dit que nous étions en présence du ’quatrième scénario de violence ’. Cela est vrai. De cette affirmation il faut tirer des conclusions sur les tendances de la confrontation anti impérialiste et de classes que vit le Venezuela.
Beaucoup plus que RCTV
Les jours actuels n’ont pas commencé le 27 mai, comme on pourrait le croire, mais un mois plus tôt, et pour des plus motifs importants qu’un canal de télévision qui savait ses jours comptés.
Cela fut à peine le prétexte, pas n’importe quel prétexte, sans doute, parce qu’il s’agissait du canal symbole du putschisme avec Venevisión et Globovisión. L’annonce de la perte de la Licence de RCTV (non renouvèlement de la concession d’exploitation de cette fréquence arrivée à son terme) a coïncidé avec d’autres annonces qui ont constitué l’occasion pour appelé à l’action contre la ’révolution bolivarienne’ et son gouvernement.
La décision a commencé un mois plus tôt, le 1er de mai, quand le gouvernement vénézuélien a pris possession des 55 000 kilomètres carrés de réservoirs de brut de la « Ceinture pétrolifère de l’Orénoque », et Chavez a proclamé : ’Nous avons enterré aujourd’hui l’ouverture pétrolière ’. Cela, pour Washington et ses porte-parole politiques et médiatiques à l’intérieur du Venezuela, a eu un impact semblable aux ’49 Lois habilitantes’ du 27 septembre 2001.
Comme c’est naturel dans la lutte de classes, ils ne pouvaient pas rester tranquilles face aux écrans de TV en regardant comment ils allaient perdre davantage de pouvoir économique et social. Le pétrole c’est le pétrole, et RCTV a été durant 54 années le principal instrument de contrôle de la conscience des Vénézuéliens pauvres et moyens, sans lequel n’était pas imaginable la ’stabilité politique’ dont ont joui les transnationales, AD et Copei et la classe dominante locale.
Perdre la « Ceinture Bitumineuse de l’Orénoque » leur a été impossible à avaler. À cela on a ajouté d’autres faits importants. Le gouvernement Chavez avait annoncé il y a un mois qu’il étudiait la possibilité de retirer l’État vénézuélien du Fonds Monétaire International (FMI), de la Banque Mondiale et de l’Organisation des États Américains (OEA). Emir Sader appellerait ceci, le ’débranchement ’, pour indiquer les degrés de rupture avec les machines de contrôle impérialiste.
Vu dans cette perspective, on comprend qu’il y a un mois, en coïncidence logique, commencent à poindre le signe d’actions en préparation. Ce qui a abouti à une chronique annoncée.
De la douzaine et demi enregistrées, nous en citerons deux qui contiennent le reste par leur poids spécifique.
Le 1er de mai, le porte-parole du Département d’État, Sean McCormack, a déclaré : ’Il est triste de le dire, mais ce ne sont pas seulement les élites celles qui souffrent de ces mesures, mais tout le peuple vénézuélien... Hugo Chavez est en train creuser sa propre tombe avec ses récentes actions de politique économique et de relations internationales. (Miami Herald, 1º de mai, 2007)
Le 2 mai, est publié l’appel de la Freedom House, une organisation qui travaille et finance des actions en défense de l’impérialisme étasunien : « Pour la première fois le Venezuela figure parmi les pays sans liberté de presse, dans le rapport annuel de l’organisation non gouvernementale Freedom House, mais la chute libre de cette nation andine est plus dramatique que celle la Russie et de Zimbawe, aussi placés à l’avant dernier rang en 2007 ». Cette dépêche a été diligemment diffusé par le Red de Diarios América dans tout le continent, par El Universal, et à travers l’agence EFE au reste de la planète. Vers le 27 mai, surtout les 28 et 29, il a servi surtout de base informative aux programmes de chaines de télévision et stations de radio.
EFE a ajouté de sa propre lettre : « Le gouvernement des Etats-Unis considère que le Venezuela ne coopère pas pleinement dans la lutte antiterroriste et a critiqué les ¨affinités idéologiques¨ du président vénézuélien, Hugo Chavez, avec la guérilla colombienne.
Une curieuse similitude avec les actions médiatiques de janvier à avril 2002 qui ont porté au coup d’Etat de Carmona. Seulement cette fois pas ils ’n’ont pas assez de billes’ pour quelque chose d’aussi sérieux.
4º Scénario : faire chauffer les moteurs
Cette fois l’opposition vénézuélienne de droite (celle de gauche, mais elle n’est pas l’ennemi du gouvernement ni étrangère au processus) ne disposait pas de base sociale, d’appui politique, ni de la force militaire suffisante pour proposer des choses plus difficiles. C’est pourquoi il a décidé d’exercer son militantisme, faisant chauffer les moteurs’ pour de prochaines occasions.
Ils doivent veiller à ne pas manquer de nouveaux scénarios, surement pour deux raisons distinctes. La première, est que le gouvernement et les mouvements populaires maintiennent leur cap d’approfondissement du processus révolutionnaire, maintenant embarqué vers une forme de socialisme, avec la réunion de presque trois millions de personnes dans le Parti Socialiste Unifié du Venezuela.
La deuxième est que la corruption dans beaucoup d’organismes officiels, l’inefficacité administrative par excès de bureaucratie et l’épuisement naturel de quelques missions, entaillent la bonne image du gouvernement depuis l’année 2006.
L’opposition pro-yanqui a profité de cette dernière raison pour s’être hissée sur la désillusion légitime d’un segment nouveau de « sa » classe moyenne, une classe dont ils se croient les propriétaires. Il s’agit des étudiants, une partie de l’Université Centrale du Venezuela, mais surtout des lycées et des écoles secondaires privées et religieuses. Cela explique aussi que peu nombreux étaient peu ceux qui sont sortis dans la rue. Comme il m’a commenté un juge octogénaire du Tribunal Suprême de Justice, « ils font la même chose que faisaient les prêtres fascistes en 1947 contre le gouvernement nationaliste d’AD, en
De toutes manières il est bon de ne pas perdre les proportions, et encore moins d’occulter, ou déformer, la réalité. Si nous prenons ce qui s’est produit au cours du dernier mois de mai, il est possible d’affirmer que les plans considéraient des actions de plus grande envergure. On ne peut dire jusqu’ où ils pensaient (et ils pouvaient) aller, parce que, comme nous l’apprend l’Histoire : ne coïncident pas toujours les intentions avec la force disponible. De là est apparu l’ « avant-gardisme » et le « foquisme » [1], deux variantes du « sustituísmo », qui comme nous voyons au Venezuela, est aussi utilisé par la droite militante.
Celui qui a mieux exprimé le caractère foquiste, et la relation avec ce nouveau secteur de la classe moyenne, dans ces journées, fut le Maire de Chacao, un des plus jeunes du pays. Leopoldo López a dit ceci à Globovisión : « J’appelle les jeunes et les universitaires. L’appel est à s’organiser, à ce qu’ ils s’organisent dans leur différentes universités, qu’ils articulent des mécanismes non pacifiques pour pouvoir exprimer leur frustration ’(Aporrea, Vidéo en format Youtube, pris de Globovisión, en rapport de Luigino Bracci, 29/05/07)
La réalité les a mis dans une mauvaise passe. Ils se sont épuisés en trois jours. Ils ont terminé en étant des victimes de leurs propres actions et méthodes. Un dirigeant populaire de l’ouest de Caracas m’a raconté, hier mardi, que les gens mêmes de classe moyenne de l’opposition, beaucoup qui ne veulent pas du gouvernement Chavez, ont commencé à rejeter les ’guarimberos’ (des gens ou groupes qui font des actions violentes se cachent et reviennent à la charge) par leur degré de violence et destructions, comme ceux de Chacao, où ils ont presque mis le feu à un bâtiment avec les gens à l’intérieur.
Outre ce fait avéré, il est bon de signaler que cette même classe moyenne haute sortira quand elle verra devant elle une alternative contre-révolutionnaire durable, solide, et, disons, non ’guarimbera’. C’est le pari des chefs de l’opposition vénézuélienne avec ces journées de « mise en jambes ».
Sauf la manifestation de quelque deux mille personnes face à la Commission Nationale de Télécommunications (CONATEL), à l’est de Caracas et les presque trois mille qui ont accompagné la perte du signal à 23.55 H. dans le studio de la RCTV, le reste ont été ’guarimbas’(terme vénézuélien d’origine esclave coloniale qui désigne ’action violente focalisée et dispersée ’).
Entre dimanche 27 et mercredi 30 mai, ont agi quelque 57 actions de guarimba à Caracas et cinq villes de l’intérieur. Celles plus sérieuses hors de la Capitale, se sont produites dans les villes andines de Mérida et San Cristobal. Dans la première par l’action militante systématique du groupe d’ultra droite le ’13 mars ’ à l’intérieur de l’Université ; dans la deuxième, par l’action effective d’un autre groupe de filiation fasciste appelée ’Partido Un Nuevo Tiempo’ (Partie Temps Nouveau), qui a obtenu de laisser 25 policiers bolivariens blessés, un résultat qui sonne comme un paradoxe.
Dans les actions restantes, concentrées sur Caracas et dans des villages voisins, comme Los Teques et le San Antonio de los Altos, les actions violentes ont disposé de l’appui des policiers des Municipalités Chacao et de Baruta, de la haute classe moyenne, dirigée par des dirigeants de l’opposition. Cette collaboration avec un corps armé explique la disparité évidente entre la quantité de manifestants participant et l’effet social de la violence et les destructions causées. (Sources : Aporrea, Radio Negro Primero, Radio Nacional du Venezuela, El Nacional)
Une défaite avec un point pour eux
La droite a été récemment mise en échec, dans son ’quatrième scénario’, mais quelque chose a gagné. Dans une bonne partie de l’opinion publique moyenne du continent a été ensemencée la matrice d’opinion, ou du doute (dans le moindre des cas) suivant : ’au Venezuela on ferme des médias de presse ’.
Cela est vérifiable en Argentine, un pays clef pour le gouvernement vénézuélien, où il existe une vaste sympathie de pauvres et de la classe moyenne pour Chavez et le processus bolivarien. Mais le mauvais effet est répété au Brésil, Chili, Équateur, Pérou et au Mexique, selon l’avis des correspondants qui couvrent ces pays. Pas beaucoup comprennent que la cessation de la concession à RCTV ne signifie pas sa fermeture, parce qu’outre Globovision, les propriétaires ont ouvert et ils continueront à transmettre par un canal du câble et de deux stations de radio. Même Evo Morales a fait référence au sujet, quand ils l’ont attaqué le 27, en utilisant le mot « fermeture » et non fin de la Licence. (Bolpress, 28 mai 2007)
La raison que l’opinion soit de leur coté est simple. Même Jésus-Christ et Gandhi seraient mal vu s’ils fermaient un media, parce qu’il s’agit d’un dispositif très sensible de ce qu’on appelle l’ « opinion publique » qu’ils ont construite. Cela fait partie des mensonges de la tellement embrouillé « conscience démocratique » avec laquelle ils manipulent le monde.
C’est ce qui ressort des responsabilités des ambassades vénézuéliennes et partenaires politiques du gouvernement vénézuélien, comme le gouvernement argentin, pays où Telesur continue à apparaitre au moment des lucioles dans le canal étatique. Sauf pour des rapports spéciaux comme ceux du journaliste Pedro Briguer, ou les rapports pour Telesu Caracas de la journaliste Paloma Garcia, le reste, reste entre les mains des « autres ».
Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi
Notes :
[1] La théorie du "foco" (foyer en espagnol) est une théorie développée par Che Guevara et Regis Debray. Il s’agit de créer un foyer révolutionnaire à partir d’un groupe de guérilléros déterminés, dans une zone savamment choisie. Ce groupe, par des actions d’éclats militaires va entrainer la population qui va alors se mobiliser et se révolter.