Accueil > Empire et Résistance > Une guerre froide continue.
Les vents de la précédente et classique Guerre Froide, identifiée communément depuis 1945 jusqu’en 1991, et qu’on pensait pouvoir être contenus avec une réingénierie politique, soufflent à nouveau sur la planète et particulièrement dans la région (Amérique Latine).
Par Juan Francisco Coloane
El Correo. Paris, le 21 diciembre 2006.
Nouvelles polarisations et vieilles menaces.
Elle s’exprime - par exemple - dans les différentes positions des populations sur la ratification d’un cadre constitutionnel unique dans la Communauté Européenne. Elle s’observe dans la position de confrontation des pays qui forment l’OTAN et dans l’hostilité des pays européens qui furent sous le secteur d’influence soviétique, envers la Russie. On la détecte aussi dans l’élection d’un diplomate qu’a soutenu l’invasion de l’Irak (2003) - le sud-coréen Ban Ki Moon - pour occuper la place d’un pacifiste comme Kofi Annan, dans l’ONU. Ce sont des mouvements qui se manifestent au centre du pouvoir.
Sur le plan plus régional et local, on la palpe dans les contours politiques qui ont été générés par la maladie de Fidel Castro, qui annoncent avec insistance son décès rapide, et le changement de régime.
Avec le décès de l’ex général Pinochet, est aussi apparue une vaste gamme de produits dérivés politiques, où pointe la nouvelle polarisation sous la vieille menace : communisme contre libéralisme.
Ces situations sont des points de repère pour mesurer dans quel état sont les analyses et les options. Quand l’argument libéral occidental s’épuise en ce qui concerne son efficacité et son rendement dans la recherche de la justice sociale, l’habitude propagandiste tend à comparer Cuba avec le Chili et Castro avec Pinochet, tombant dans une viscosité d’analyse.
Cela arrive quand ce type de raisonnement forgé avec le compte courant à vue, ou homologuant status quo avec stabilité, utilise Staline et Mao comme référant, pour déculpabiliser le libéralisme de sa double impuissance : l’auto destruction de ses bases et la négation à reconnaître que le phénomène existe.
Non en vain, l’ex - Secrétaire de la Défense des Etats-Unis, Donald Rumsfeld, en faisant tomber la première statue de Saddam Hussein lors de la prise de Bagdad en avril 2003, exprimait "que l’image de Hussein s’ajoutait au panthéon des tyrans comme Lénine et Staline. Il n’a pas mentionné Mao parce qu’en Chine, la photo du chef de la révolution est encore accrochée dans les bureaux.
C’est-à-dire, plus d’une décennie après avoir décrété la fin de la Guerre Froide, dans la base argumentaire pour envahir l’Irak, et former des démocraties de cette zone, l’idée de la contention du communisme était toujours et encore en vigueur.
Toutefois un des secteurs qui émergent dans les nouvelles formes de polarisation, est la rigidité des systèmes politiques qui a été entraînée depuis la période de la Guerre Froide, situation dont peu de pays se sont libérés.
La rigidité des systèmes politiques moulés pendant la Guerre Froide, a été étudiée de manière insuffisante et se présente comme la grande menace de l’état libéral. Étant donné que, face à ce qui fut observé dans le pôle mis en échec, les démocraties occidentales paraissaient presque parfaites. On vote pour des candidats et on sanctionnait automatiquement la légitimité du système.
Les systèmes politiques qui se sont reproduits en Occident, sont plus imparfaits que ce que laissent paraître leurs administrateurs.
Dans ce trajet, on a renforcé l’utilisation des outils de la Guerre Froide comme un ethos (caractère commun) politicien. La violence impitoyable à la recherche du pouvoir, le cynisme face au défi moral, l’abus des opérations secrètes, le lobby effréné utilisant jusqu’au chantage, et le secrètisme dans les relations de pouvoir, bien qu’étant des éléments intrinsèques de l’hyperréalisme en politique, paraîtraient être exacerbés quand ils opèrent en vue d’une quelconque suprématie.
Ces "capacités" sont intactes dans les appareils du pouvoir de l’État, dans les partis politiques, dans les universités, et dans une population encline et perméable à chercher une quote-part du pouvoir dans le système, au nom de la survie. C’est comme la "Loi de la Vie".
Formule à succès pour maintenir les bases de subsistance de l’État Libéral, la disparition du défi bolchevique s’est retournée contre lui-même. Il faut observer comment la société étasunienne continue à combattre pour déraciner ce qu’a semé le maccartisme. Le livre de l’auteur Nicholas Christopher, "Somewhere in the Night" (Quelque part dans la nuit), traite le sujet avec une écriture narrative de films à suspense et de polars écrits aux Etats Unis.
Les effets réels de la Guerre Froide n’ont pas été évalués dans toute leur dimension et une bonne partie de politiciens, intellectuels et communicateurs, ont simplement décrété leur fin. Comme s’il s’agissait d’un artefact manipulable et non d’une culture imprégnée dans le « façonnement de l’État ». L’analyse des structures des systèmes politiques ont fait l’objet de cette distorsion. Malgré la chute apparente du système bipolaire, la structure de la Guerre Froide - définie comme une culture - n’a pas été déracinée, ou transformée dans le meilleur des cas.
Il est possible que ce catalogue d’outils soit beaucoup plus utile dans la situation actuelle de transition de redéfinition des équilibres du pouvoir à tous les niveaux.
Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi.