Accueil > Empire et Résistance > Union Européenne > France > Un syndicat international pour « maîtriser la mondialisation ».
Mardi dernier à Vienne, les deux principaux syndicats internationaux ont fusionné pour donner naissance à la Confédération syndicale internationale (CSI), qui regroupe plus de 360 syndicats et quelques 190 millions d’adhérents répartis dans 150 pays. Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT (France), chargée des relations européennes et Anousheh Karvar, secrétaire nationale de la CFDT (France) en charge de la politique internationale, reviennent sur les espoirs engendrés par la CSI.
Par Constance Jamet
Marianne. Paris, le 6 novembre 2006.
Marianne : Pourquoi avoir créé la CSI aujourd’hui ?
Francine Blanche (CGT) : Il était largement temps de créer cette confédération ! Alors que les employeurs ont déjà leur union internationale et que les organisations économiques internationales, comme l’OMC, le FMI, sont légion, les salariés devaient s’unir au niveau international pour peser sur les multinationales et sur les institutions. Les délocalisations, le travail indécent, ça suffit ! Auparavant nous étions divisés entre plusieurs organismes : le CMT (confédération mondiale du travail) et la CISL (confédération internationale des syndicats libres), à deux nous n’étions pas crédibles pour lutter contre les restructurations. On ne savait jamais à quelles confédérations étaient liés les syndicats locaux en Inde, en Amérique Latine... Les dissolutions des précédentes structures n’ont pas été sans pincement au cœur, mais nous sommes fiers de ce projet commun. C’est un moment historique pour l’internationalisme syndical qui entre dans une nouvelle ère.
Anoushev Karvar (CFDT) : C’est l’accélération de la mondialisation, la chute du mur de Berlin et des anciennes barrières idéologiques (guerre froide mais aussi laïcs contre syndicalisme chrétien) qui a conduit à la constitution de la CSI. Y adhérer nécessite seulement de se conformer à nos valeurs : la démocratie syndicale et l’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
Quels sont les objectifs et les moyens de la CSI ?
F.B : La CSI se battra pour la liberté syndicale : dans de nombreux pays se syndiquer est un acte dangereux ou interdit. La CSI veut aussi changer la mondialisation libérale que subissent les peuples depuis 25 ans. Elle pourra agir contre le dumping social, les délocalisations, le travail forcé des enfants, le travail informel (plus de 80% des travailleurs dans le monde n’ont pas de contrats de travail), pour la défense les droits des migrants, comme leur liberté de circulation. Par ailleurs, la CSI travaillera avec les ONG pour développer l’économie solidaire.
A.K : La CSI en tant qu’interlocuteur unique aura plus d’influence pour imposer le respect des normes sociales de l’organisation internationale du travail (OIT). On doit maîtriser la mondialisation, mieux répartir les richesses et faire valoir les droits des travailleurs : cela passe par la signature d’accords cadre avec l’OMC et les multinationales, filière par filière, comme dans le textile, la communication ou le bâtiment. Nous allons aussi mettre en place des organisations régionales pour que les syndicats d’un même continent conjuguent leurs forces autour des problèmes communs. La CFDT est aussi particulièrement attachée aux discussions entre pays développés et pays du sud. Nos intérêts sont contradictoires : au Nord, on est contre les délocalisations, mais en Inde, on est demandeur de plus d’activités économiques. Il faudra trouver un équilibre pour mettre fin au dumping social de part et d’autre.
Comment a été accueillie la naissance de la CSI par les syndiqués français ?
F.B : Nos membres l’ont plébiscitée à 94,6%. Ils savent que ce n’est pas une superbureaucratie mais une grande opportunité. Si nous réussissons, notre succès encouragera les gens à se syndiquer, surtout les jeunes très attachés aux actions solidaires. Et sur le plan national, il sera peut-être plus facile de travailler avec FO, la CFDT, la CFTC, puisque nous les côtoieront tous les jours à la CSI. Nous n’avons pas le droit à l’échec : nous avons un mandat pour construire autre chose !
A.K : La CSI a été bien accueillie puisqu’elle va nous permettre de travailler ensemble : le seul moyen de traiter les problèmes sociaux que connaît la France dans le contexte de la mondialisation.