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15 septembre 2003

Un document lapidaire de l’Etoss sur Aguas Argentinas de Suez-Lyonnaise Eaux.

par Pedro Lipcovich

 

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L’entité régulatrice a produit un document lapidaire sur AA : entre autres mises en question, il dit que la société a obtenu d’augmenter les tarifs de 88% en s’engageant sur des investissements qu’elle n’a pas fait ensuite ; que pour avoir négligé certains travaux 800 000 personnes se trouvent sans eau potable, et qu’elle a seulement payé 42% des amendes qu’elle s’est vue infliger.

Une concession qui fait de l’eau

La conduite entrepreneuriale de Aguas Argentinas - filiale de Suez-Lyonnaise des Eaux- est "imbibé par le manque de collaboration, d’entêtement,de la réticence et même de la rebellion manifeste", selon un rapport lapidaire de l’entité régulatrice, l’Etoss. L’avis confidentiel auquel a eu accès Página/12 démonte et examine un mécanisme par lequel le contrat de concession "a été modifié dans des occasions successives" au bénéfice de la compagnie ; ces modifications "l’engageaient sur de plus grands investissements qui justifieraient des augmentations tarifaires, pour ensuite les négliger" ; avec ces renégociations en sa faveur, "le concessionnaire a encouru plusieurs fois des sanctions pour le non-respect de ses engagements " et, quand il a été sanctionné, "il a seulement payé 42% des amendes". Le résultat de tout ceci fut que la facture moyenne, qui, selon l’appel d’offre de 1993 date de la concession, était inférieure à 15 pesos, dépasse maintenant 27 pesos. L’entreprise a négligé ses investissements presque par milliards de pesos-dollars ; avec comme résultat, huit cents mille personnes qui ne reçoivent pas d’eau potable, plus d’un million de personnes qui n’ont pas d’égouts et plus de six millions qui ne bénéficient pas du traitement des eaux usées. En contrepartie, l’entreprise a obtenu une rentabilité supérieure à 20% annuel pendant toute la Convertibilité. Cela ne lui a pas empêché "d’éviter l’apport de propre de capitaux", ce qui a dérivé "dans une situation critique d’endettement". Comme la cerise sur ce dessert amer, dans le domaine de l’attention aux utilisateurs "elle a démontré une baisse d’efficacité et un manque d’intérêt".

Le rapport détaillé de l’Etoss (Entité Tripartite d’Oeuvres et Services Sanitaires) contient plus de 180 pages et circule dans les couloirs fermés de l’Unité Renégociatrice des Contrats d’Oeuvres et Services Publics (UniRen), à laquelle il a été destiné. Sa lecture intervient dans le cadre de la qualification informelle "de compagnie au bord de la résiliation du contrat" qui a été appliquée à Aguas Argentinas - avec Correos Argentinos et Aeropuertos Argentina 2000- lors d’une réunion du 21 août passé, à laquelle (comme l’a expliqué Página/12 il y a huit jours) ont pris part Robert Lavagna, ministre d’Économie, et Julio de Vido, de Planification Fédérale.

L’Etoss indique que, au cours du premier quinquennat de la concession (1993-98), Aguas Argentinas "a encouru de nombreuses fois le « non respect de ses engagements, se traduisant en matière d’investissements par la non exécution du Quatrième Égout Maximal et du Traitement Primaire à Berazategui", ce qui a abouti "un degré d’exécution de seulement 58% des investissements prévus". Le pourcentage d’accomplissement des projets d’investissement était de 88% en 1993 et a baissé à 75% en 1994, pour tomber à 45% en 1995, à 50% en 1996 et à 59% dans 1997/98. Le premier quinquennat de la concession totalise un non-respect du plan d’investissement de 611.900.000 de pesos (dollars).
Ce qu’il s’est passé fut que "les autorités officielles" de l’époque - le gouvernement de Carlos Menem - "ont admis une partie de ces inaccomplissements" au moyen de "processus de révision tarifaire et de renégociation contractuelle" qui en général ont été opérés "par le mécanisme de planifier de plus grands investissements qui justifieraient des augmentations tarifaires, pour ensuite les négliger". Durant les neuf années de concession, auraient du être investis 2202 millions de pesos mais ont été investis seulement 1265,9, avec un manque de 936,3 millions.
C’est pourquoi, "Aguas Argentinas a négligé les objectifs contractuels d’expansion" de sorte que "après neuf ans, on atteint une couverture d’eau potable de 79% des habitants du secteur, face aux 88% stipulé dans le contrat (équivalent à 840.000 habitants sans service)". Dans des drainages des égouts, "la couverture est de 63%, face aux 74% prévus (930.000 habitants sans service). En outre, "cette inefficacité s’est traduite dans des problèmes de basse pression concernant presque 70% du réseau". Plus impressionnant est le non-respect de l’objectif contractuel du traitement primaire des eaux usées, qui devrait avoir atteint 74% et qui est de seulement de 7%, ce qui affecte 6.180.100 habitants. Le rapport explique aussi comment les tarifs ont augmenté de 88% pendant la concession : en 1994 il y a déjà eu "une Révision Extraordinaire de Tarifs" qui les a augmenté de 13,5% et a augmenté de 38 et 45% les charges d’infrastructure eau et égouts. En 1997, une renégociation du contrat de concession "s’est traduite par un accroissement de 37% du tarif moyen résidentiel, pour financer l’expansion et le coût du Plan d’Assainissement Intégral, PSI". L’année suivante, une nouvelle "Révision Extraordinaire de Tarifs" les a augmenté de 5,31%. Mais arrivait déjà "la Première Révision Quinquennale de Tarifs, dont ont résulté des augmentations de 12,3%" (dans trois tronçons ; le dernier, prévu pour 2003, n’a pas été appliqué). En définitive, en 2001 le tarif moyen résidentiel a augmenté 10,4%, et de 4,4% en 2002. La facture moyenne, de 14,56 pesos en mai 1993, a atteint 27,40 pesos en janvier 2002.

Évidemment, "ces augmentations se sont traduites par des chiffres hautement satisfaisants pour une entreprise qui agit sur un marché réglementé et dont la demande moyenne s’avère sûre". La rentabilité de Aguas Argentinas a été de 20% en 1994 ; de 29% en 1995 ; de 25% en 1996 ; de 21% en 1997 ; de 13% en 1998 ; de 19% en 1999 ; de 21% en 2000 et du 17% en 2001. En moyenne, 20.625% annuel en dollars.

Toutefois, l’entreprise s’est endettée excessivement. "Aguas Argentinas a opté pour un niveau d’endettement supérieur à celui prévu dans l’appel d’offre ainsi que ce qui est admissible pour ce type de compagnies au niveau international". C’est que l’État "a encore été souple en faveur de l’entreprise dans la renégociation de 1997-99 en acceptant des niveaux d’endettement supérieurs à ceux de l’appel d’offre ", ce qui lui a permis "d’éviter un apport en capital propre pour couvrir les exigences financières de la concession, ce qui a dérivé dans une situation critique d’endettement à partir de 2002". Ceci "a exposé la compagnie à une faiblesse extrême qui l’ a empêché d’affronter mieux l’urgence économique" de cette année.

Et si un utilisateur se plaignait ? "Quant à l’attention portée aux utilisateurs, Aguas Argentinas a démontré une faible efficacité pour s’occuper des réclamations qui affectent sa rentabilité". Ce "manque d’intérêt" se traduit par la "réticence à fournir des informations, des désaccords constants, le refus d’assurer sa responsabilité face aux assignations de l’Etoss", qui qualifie le concessionnaire comme "imbibé par le manque de collaboration, réticent, entêté, allant dans quelques cas jusqu’à rébellion manifeste ". L’Etoss observe qu’Aguas Argentinas s’est vue infliger des amendes pour un total 40.603.114 de pesos dont elle a seulement payé 42.15%, soit 23.488.446 pesos.

La coupure massive de services est restée sans argument :
Les expertises ont déterminé que l’eau de la rivière n’était pas toxique

La nappe de pollution pour laquelle on a coupé l’eau à millions de personnes "n’était pas toxique" et aurait pu provenir, sans plus, "du nettoyage d’un moteur d’un petit bateau", comme s’est expliqué dans l’expertise que le juge Juan Jose Galeano a demandé à partir d’une plainte d’Aguas Argentinas elle-même. Ainsi, c’est ce qu’a appris le journal auprès d’une source liée à l’enquête.

D’autre part, l’Etoss est arrivé à la "certitude" qu’Aguas Argentinas a négligé déjà l’article du cadre régulateur qui l’oblige "à informer immédiatement" dans des situations d’urgence, et a entamé un "processus de sanction" pour fixer l’amende.

L’entreprise Aguas Argentinas avait porté plainte à propos de la supposée pollution pour laquelle on a coupé le service d’eau potable jusqu’à 20 heures, à presque six millions de personnes, mercredi 3 septembre 2003. La plainte est tombée à la cour fédérale au bureau de Juan Jose Galeano, qui a décidé de faire des recherches pour savoir si quelqu’un avait causé, de manière criminelle, "un dommage à l’environnement", c’est pourquoi il a sollicité des expertises à la Police Fédérale, à l’Université de Buenos Aires et à la Préfecture Maritime. Les experts de la police et de l’UBA ont livré hier leurs rapports.

"Selon le rapport du laboratoire chimique de la Police Fédérale, dans l’échantillon pris à l’entrée des piscines de décantation d’Aguas Argentinas on a enregistré une petite proportion d’un phénol, probablement dérivé d’un hydrocarbure - nous a raconté une source liée à l’enquête - : le volume n’était pas suffisant pour être toxique." La source a ajouté que, en accord avec l’expert, l’hydrocarbure dont provenait le phénol "a été jeté dans l’eau de la rivière, probablement par le lavage du moteur d’un bateau, peut-être certains des petits bateaux qui ont leurs poste d’amarrage près des prises d’eau".

Le rapport de l’expert de l’UBA n’indique même pas la présence de ces phénols mais seulement indique "divers germes et polluants habituels dans des eaux « brutes « de le Rio de la Plata, avant de passer par le traitement épurateur", selon la source. L’expert de Préfecture n’a pas encore fini son travail.

La source a spécifié que "avec ce que nous voyons jusqu’à présent, nous ne trouvons pas qu’il y ait eu une certaine conduite criminelle, par des tiers, avec l’intention d’empoisonner les eaux ou affecter l’environnement en ce sens". Dans la même plainte judiciaire, Aguas Argentines a exposé ses raisons pour avoir coupé l’eau : "Selon l’entreprise, ce fut une décision préventive dans le but d’établir si l’eau était ou non en condition d’être rendue potable, et, au cas où cela ne serait pas le cas, empêcher la pollution du reste de l’eau des piscines de décantation".

Effectivement, Adriana Lauro, porte-parole de l’entreprise, a affirmé hier que "quand nous détectons la présence de composants potentiellement toxiques, nous interrompons l’approvisionnement jusqu’à confirmer dans quelle concentration ils se présentent, et nous reprenons quand nous avons établi qu’il n’y avait pas toxicité".

Pour sa part, l’Etoss (Entité Tripartite Oeuvres et Services Sanitaires, organisme contrôleur) a décidé d’entamer un "processus de sanction" contre Aguas Argentinas pour non respect de l’article 42 incise B du cadre régulateur, selon lequel "au cas où se produit un manque de qualité au-dessus des limites tolérables, le concessionnaire devra immédiatement informer à l’entité régulatrice, en décrivant les causes, en indiquant les mesures et en proposant les actions nécessaires pour reconstituer la qualité de l’eau". La clé du non respect est en l’occurrence "immédiatement".

Alejo Molinari, directeur de qualité de l’Etoss, a affirmé que "avec toute certitude, il y a eu un non-respect de l’opérateur dans le devoir d’informer opportunément cet organisme. Une de ses premières obligations est d’informer de manière immédiate à l’Êtoss quand il y a un épisode de pollution extraordinaire, et dans ce cas la société l’a fait tardivement. Par conséquent, la direction de l’Etoss a décidé d’entamer le processus de sanction correspondant ". La sanction consistera en une amende dont le montant, de toute façon, serait relativement bas pour une entreprise comme Aguas Argentinas : les plus grandes amendes, par millions de pesos, sont fixées (ou devraient être fixées) par le non-respect des investissements ; les sanctions pour le non-respect d’engagements opérationnels sont plus petites, bien que dans ce cas cela pourrait arriver à dépasser le million de pesos.

D’autre part, l’Etoss continue son enquête sur les raisons citées par l’entreprise pour avoir coupé l’approvisionnement.

Página 12,13 septembre 2003

NDLR El Correo : Voir « Johannesburg et l’eau du New Jersey" ou comment en Afrique du Sud la même multinationale a employé les même dangereuses méthodes d’intimidation. Les coupures de services de distribution d’eaux ont ainsi favorisé le développement des épidémies de cholera et ont causé de nombreux décès parmi les plus démunis.

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