Portada del sitio > Los Primos > Chile > Tomás Hirsch : une nouvelle voix de gauche au Chili
Les élections présidentielle et parlementaires se tiennent le 11 décembre. Le candidat d’une coalition minoritaire à gauche de la gauche s’impose dans les débats avec une remise en cause du néolibéralisme. Il s’appelle Tomás Hirsch.
Par Claire Martin
Politis. Paris, 7 décembre 2005
Portrait
C’est la mouche du coche, le caillou dans la chaussure. Tomás Hirsch, le regard pétillant derrière ses petites lunettes, les cheveux grisonnants coupés court, un tantinet en bataille, a le parler franc et l’assurance de celui qui n’a rien à perdre. Car le candidat à l’élection présidentielle du 11 décembre pour la coalition Juntos Podemos Mas (Ensemble, nous pouvons plus) n’a aucune chance de l’emporter.
Cet humaniste, qui porte les couleurs de la première coalition de gauche extraparlementaire depuis la fin de la dictature [1], espère au mieux 10 % des voix. Et, pour les élections parlementaires et d’une partie du Sénat qui ont lieu le même jour, le grand espoir serait d’avoir un député élu, ce qui est arrivé une seule fois depuis la fin de la dictature en 1990. Car le scutin binominal, unique au monde et mis en place par Pinochet en 1980, empêche toute représentation des partis minoritaires [2]. Il privilégie les deux coalitions majoritaires, en les plaçant pratiquement à égalité au Congrès : la droite (Alianza por Chile) et la coalition de centre-gauche, la Concertación .
Si Tomás Hirsch n’est donc pas une menace pour les autres candidats, ce chef d’entreprise de 49 ans, à la tête des magasins Kodak, dérange pourtant. Ce fils de juifs allemands qui ont fui la Seconde Guerre mondiale dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, avec intelligence et nuances, en évitant les caricatures : le système néolibéral mis en place sous la dictature ne bénéficie qu’à 5 à 15 % de la population chilienne. Une croissance de 5 à 7 % par an est donc inutile, en dépit des félicitations du FMI, si elle ne profite pas à tous les Chiliens. Pour que le Chili sorte du rang des dix pays les plus inégalitaires au monde, il faut redonner à l’État un rôle majeur. Et quand on rétorque à Tomás Hirsch : « Mais vous faites partie de ces 15 % », il répond : « Donc ça vaut la peine de m’écouter. Je ne suis pas là pour changer ma situation personnelle. Je n’ai rien contre celui qui a de l’argent, mais je suis indigné de voir tant d’injustice. [3] »
Un discours qui choque dans l’atmosphère générale d’autosatisfaction pour une économie qui court après celles des pays du Nord. « Car, si les autres candidats centrent également leur campagne sur une meilleure redistribution des richesses, aucun ne compte remettre en question le système néolibéral qui creuse les inégalités », explique Mario Aguilar, vice-président du parti humaniste.
Si le discours de Tomás Hirsch n’est pas nouveau, il n’a jamais été si bien diffusé dans la société chilienne. « Je crois que le grand atout de Tomás, explique Marcel Claude, directeur de l’ONG environnementale Oceana, c’est qu’il s’est positionné comme un candidat viable, avec un discours cohérent. Il a réussi à dépasser l’image habituelle de cette gauche dure de l’opposition, pour donner l’image d’une alternative possible. » Une image qui a acquis de la visibilité. « C’est la première fois au Chili depuis la fin de la dictature qu’un candidat de la gauche extraparlementaire est invité aux débats télévisés, aux grands meetings, aux shows télévisés, comme les autres », souligne Andrea Insunza, journaliste et professeur à l’Université Diego Portales.
Notes:
[1] Juntos Podemos Mas représente les communistes, humanistes, chrétiens progressistes, le Mir notamment, et une cinquantaine d’associations.
[2] Il faut au moins 33,3 % des voix pour avoir un candidat élu sur les deux au Sénat ou au Parlement.
[3] El Mercurio, 23 octobre.