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Par Michael Albert
Z magazine, Juin 2000.
De nos jours, où qu’ils aillent, les gens de la gauche font face à de nombreuses questions venant de gens nouvellement politisés concernant un épisode politique ou un autre la October surprise, le scandale de la BCCI, l’Irangate, David Duke en mettant l’accent sur qui a fait quoi, quand et avec quelles connaissances et intentions. Ces mêmes gens posent beaucoup moins de questions sur les causes systémiques des tendances et des événements. Les gens étudient la liste des membres de tel groupe criminel. Ils ignorent la structure du gouvernement et des corporations. Comment cette " mode " est-elle arrivée ? Où nous mène-t-elle ?
Théorie de la conspiration
Une théorie de la conspiration est une hypothèse selon laquelle un événement a été causé par les machinations secrètes d’individus anti-démocrates. Un bon exemple est d’expliquer l’Irangate comme étant les actions secrètes et criminelles d’Oliver North et de ses co-conspirateurs. De même, une autre théorie de la conspiration explique la prise d’otage durant la dernière année de la présidence de Carter comme étant les machinations d’une " équipe secrète " aidant Reagan à gagner la présidence. Une théorie de la conspiration du meurtre de Karen Silkwood mettrait à jour les noms des personnes ayant secrètement planifié et exécuté le meurtre. En abusant, on pourrait même imaginer une théorie de la conspiration du patriarcat comme un complot des hommes s’unissant pour nier tout prestige aux femmes ou une théorie de la conspiration du gouvernement des États-Unis en tant que complot de groupes en compétition pour utiliser le pouvoir à leur propre fin.
Les conspirations existent. Des groupes font régulièrement des choses sans publier de communiqué de presse et cela devient une conspiration lorsque leurs actions transcendent un comportement " normal". On ne parle pas d’une conspiration pour gagner une élection si l’activité suspecte inclut seulement le travail privé des candidats et de leurs conseillés essayant développer une stratégie efficace. On parle d’une conspiration si les actions impliquent le vol des stratégies de l’autre camp ou d’autres activités exceptionnelles. Lorsqu’une conspiration provoque un résultat, le résultat n’aurait pas été obtenu si ces personnes en particulier, avec leurs tendances particulières ne s’étaient pas réunies.
Les théories de la conspiration identifient peut-être de réelles coteries avec une réelle influence ou peut-être pas. Les théories de la conspiration :
– (a) Prétendent qu’un certain groupe a agit hors des normes usuelles, d’une manière répréhensible et généralement secrète.
– (b) Ignorent les caractéristiques structurelles des institutions.
Les personnalités, les agendas personnels, les réunions secrètes et les actions conjointes des conspirateurs attirent l’attention. Les relations institutionnelles sont perdues de vue. Nous demandons : est-ce que North a rencontré Bush avant ou après la rencontre entre MacFarlane et M. X ? Avons-nous un document qui révèle le plan à l’avance ? Est-ce que des conversations téléphoniques impliquent un tel ou un autre ? Quelle crédibilité ce témoin a-t-il ?
La théorie institutionnelle
Dans une théorie institutionnelle, les personnalités et les motivations personnelles apparaissent dans la discussion seulement en tant que résultats de facteurs plus élémentaires. Les actions personnelles aboutissant à un événement ne servent pas d’explication. La théorie explique les phénomènes au travers les rôles, les motivations et les dynamiques des institutions sous-jacentes. Une théorie institutionnelle n’ignore pas les actions humaines mais le but d’une explication institutionnelle est de passer de facteurs personnels à des facteurs institutionnels. Si ces gens en particulier n’avaient pas été là pour le faire, il est fort probable que quelqu’un d’autre l’aurait fait.
Une théorie institutionnelle de l’Irangate et de la October surprise expliquerait comment et pourquoi ces activités surviennent dans une société ayant nos formes politiques, sociales et économiques. Une théorie institutionnelle du meurtre de Karen Silkwood révélerait les pressions de l’industrie nucléaire ainsi que des pressions sociales plus larges qui ont provoqué son meurtre. Une théorie institutionnelle du patriarcat explique les relations homme-femme en termes de mariage, de l’église, du marché, de la socialisation, etc. Une théorie institutionnelle du gouvernement insiste sur le contrôle et la dissémination de l’information, les dynamiques de la bureaucratie et le rôle de l’asservissement aux intérêts de classe, de race et de sexe.
Les institutions existent. Chaque fois qu’elles ont un impact suffisant sur les événements, développer une théorie institutionnelle a du sens. Cependant, quand un événement survient d’une conjoncture unique de personnes et d’occasions, tout en admettant que les institutions jouent un rôle, il ne peut être généralisé et une théorie institutionnelle pourrait être inappropriée ou même impossible à concevoir.
Il est possible que les théories institutionnelles identifient ou n’identifient pas de vraies relations avec une réelle influence sur les événements qu’elles expliquent. Les théories institutionnelles :
– (a) Prétendent que le fonctionnement normal de certaines institutions provoquent les comportements et les motivations menant aux événements en question.
– (b) Considèrent les personnalités, les intérêts personnels, les agendas personnels et les réunions seulement comme des faits à propos de l’événement à expliquer, pas comme des explications en soi.
Les implications des motivations, de l’organisation et du comportement des institutions attirent davantage l’attention. Les personnes particulières, même si elles ne disparaissent pas complètement, ne se voient pas accordées la priorité comme agent causaux.
La différence
Pour constater la différence de fonctionnement entre une théorie de la conspiration et une théorie institutionnelle, nous pouvons comparer un petit échantillon des opinions de deux critiques populaires de la politique extérieure des États-Unis : Noam Chomsky et Craig Hulet. Voici un passage représentatif de chacun.
HULET : " Ce n’est pas à propos du Koweït. Ce n’est pas à propos du pétrole. Ça n’a rien à voir avec ces choses. Et ça n’a certainement rien à voir avec la remise au pouvoir d’un gouvernement légitime [au Koweït] quand pour la première fois nous essayons de mettre au pourvoir un gouvernement légitime qui est un despotisme civil classé par Amnistie Internationale comme commettant les mêmes crimes hideux [que Sadam Hussein] contre son propre peuple Ce que je veux dire c’est que pour la première fois, nous allons sacrifier des vies américaines pour mettre au pouvoir un tyran qui est de stature inférieure seulement à cause de la taille de son pays il y a une politique extérieure qui est orchestrée en violation du droit américain, du droit international et de la constitution des États-Unis. Cela devrait-il surprendre qui que ce soit après le Watergate, l’assassinat de Kennedy ?
" Pourquoi des américains devrait-ils mourir pour restituer un dictateur envahi par un autre dictateur ? Au début, c’était pour protéger l’Arabie Saoudite. Tout le monde sait qu’il [Hussein] n’avait aucunement l’intention d’aller plus loin que le Koweït. Alors ils ont abandonné ce motif. Ils sont arrivés avec le motif suivant, le pétrole. Soudainement le prix du pétrole, en plein milieu de la guerre, descend à 21$US le baril ce qui est où il se trouvait avant la guerre. Alors ça ne peut évidemment pas être pour le pétrole. Alors ce n’est pas que nos intérêts vitaux soient à risque. Est-ce pour un gouvernement légitime ? Si c’est à propos d’un gouvernement légitime, alors nous restituons un despote sous la doctrine Brejnev, pas la doctrine Truman. La doctrine Brejnev étant que nous traitons toutes les nations en souverains égaux, et peu importe combien despotiques elles sont, nous les gardons au pouvoir. Donc pour la première fois, George Bush agit selon la doctrine Brejnev plutôt que d’installer une république libre ou de garder libre un peuple libre. [Il suit une longue discussion sur les possessions américaines et l’influence de la famille Al Sabah au pouvoir, suivi de questions d’auditeurs principalement centrées sur l’efficacité de mettre en accusation George Bush à qui la réponse de Hulet est :] Ce sera la responsabilité du public et je suis d’accord que c’est une junte au pouvoir que Bush soit mis en accusation ou pas. Ce ne sera pas seulement au Sénateurs et aux membres du congrès de prendre cette décision. Ils ne prendront pas la décision à moins que l’opinion publique ne supporte une telle action. "
CHOMSKY : " Si nous espérons comprendre quoi que ce soit concernant la politique extérieur de n’importe quel état, c’est une bonne idée de commencer par étudier la structure sociale domestique : Qui détermine la politique extérieure ? Quels intérêts ces personnes représentent-elles ? Quelle est la source domestique de leur pouvoir ? Il est raisonnable de présumer que la politique qui se développe reflètera les intérêts spécifiques de ceux qui la conçoivent. Une étude honnête de l’histoire révélera que cette prévision est généralement confirmée. La preuve est écrasante, à mon avis, que les États-Unis ne font pas exception à cette règle générale une thèse qui est souvent qualifiée de ’critique radicale’
" Une attention aux événements de l’Histoire, ainsi que du bon sens, mène à une deuxième prévision raisonnable : dans toute société émergera une caste de propagandistes qui travaillera à déguiser l’évidence, à cacher les vrais rouages du pouvoir et à tisser une toile de buts et d’objectifs mythiques, complètement bénins, qui guide prétendûment la politique extérieure toute horreur, toute atrocité sera justifiée comme une malheureuse ou parfois tragique déviation des objectifs nationaux
" Depuis la 2e Guerre Mondiale, il y a eu un processus continuel de centralisation des prises de décisions par le pouvoir exécutif, certainement en ce qui a trait à la politique extérieure. Deuxièmement, il y a eu une tendance, pendant une grande partie de cette période, vers une concentration économique domestique. De plus, ces deux processus sont intimement reliés à cause de l’énorme influence des corporations sur le pouvoir exécutif de l’état "
Le point commun souvent mis en évidence chez ses deux penseurs est leur dégoût pour la politique extérieure des États-Unis. La différence est que Hulet interprète généralement cette politique comme les préférences de groupes particuliers d’individus dans ce cas, " une junte " et la famille Al Sabah en ne faisant pratiquement pas référence aux institutions. Chomsky interprète toujours ces politiques comme venant d’institutions particulières par exemple, " le pouvoir exécutif " et les corporations.
Pour Hulet, le problème implicite est de punir ou " mettre en accusation " les coupables immédiats, une conclusion générale applicable à toutes les théories de la conspiration. Le modus operandi du théoricien de la conspiration a par conséquent du sens lorsque l’objectif est d’attribuer le blâme à une personne pour un événement. Si nous voulons poursuivre quelqu’un en justice pour un assassinat politique afin de le punir ou de créer un précédent rendant plus difficile de telles actions, l’approche du théoricien de la conspiration est critique. Mais l’approche " conspiration " passe à côté du problème si elle veut comprendre la cause des assassinats politiques et développer un programme prévenant toute politique qui contrecarre la résistance populaire. Utiliser les théories de la conspiration imite l’approche historique personnes/dates/heures. C’est une vue de situations complexes d’un point de vue de spectateur ou de voyeur. On peut ainsi manipuler les faits ou les présenter avec exactitude. Lorsque fait honnêtement, elle a sa place mais ce n’est pas toujours la meilleure approche.
Pour Chomsky, le problème est de distinguer les causes institutionnelles sous-jacentes à la politique extérieure. Le modus operandi du " théoricien institutionnel " ne donnerait pas beaucoup de sens à savoir quels individus ont conçu ou milité pour une politique ou qui en particulier a décidé de bombarder un abri civil. Cependant pour comprendre pourquoi ces choses ont lieu et sous quelles conditions elles vont continuer d’avoir lieu ou pas, la théorie institutionnelle est indispensable et les motifs, méthodes et programmes des auteurs passent à côté de la question.
Prenez les médias. Une approche par la conspiration mettra en évidence les actions d’une coterie d’éditeurs, d’auteurs, de présentateurs de nouvelles, de propriétaires ou même d’un lobby. Une approche par les institutions mentionnera les actions de ces acteurs comme preuves mais mettra en évidence les pressions corporatives et idéologiques donnant naissance à ces influences. Une personne encline à trouver des conspirations écoutera les preuves de la subordination des médias au pouvoir et verra une cabale de méchants, peut-être de méchants cadres, de méchants religieux, de méchant fonctionnaires fédéraux qui censurent les médias et les empêchent de faire correctement leur travail. Cette même personne encline à trouver des conspirations va ensuite vouloir en savoir davantage sur cette cabale et comment les gens succombent à sa volonté, etc. Une personne ayant un penchant vers les théories institutionnelles entendra les preuves de la subordination des médias au pouvoir et verra que la bureaucratie interne des médias, les intérêts des propriétaires et la façon dont sont encadrées les relations sociales engendrent ces résultats comme exigence partielle au bon accomplissement de leur travail. Cette même personne ayant un penchant vers les théories institutionnelles voudra alors connaître les caractéristiques structurelles des médias et comment elles fonctionnent ainsi que les intérêts directeurs et ce qu’ils impliquent.
L’approche de la conspiration incitera les gens à croire soit qu’ils devraient :
– (a) Réformer les malfaiteurs pour changer leurs objectifs ;
– (b) Se débarrasser des malfaiteurs et les remplacer par de nouveaux éditeurs, auteurs, présentateurs de nouvelles ou propriétaires.
L’approche institutionnelle notera les gains potentiels d’un changement de personnel mais expliquera combien ces changements seront limités. Elle incitera les gens :
– (a) À une campagne de pression constante pour contre-balancer les pressions institutionnelles constantes vers l’obscurcissement
– (b) À la création de nouveaux médias, libres des pressions institutionnelles des médias traditionnels.
L’attrait de la théorie de la conspiration
La théorie de la conspiration et sa méthodologie axée sur les personnes plaît naturellement aux procureurs et avocats puisqu’ils doivent identifier les causes immédiates et les acteurs humains. Mais pourquoi plaît-elle aussi aux gens préoccupés de changer la société ?
Il y a plusieurs réponses possibles qui influencent, à des degrés différents, les gens qui favorisent les théories de la conspiration. Premièrement, une théorie de la conspiration est souvent convaincante et les faits qu’elle révèle sont souvent utiles. De plus, la description des interactions détaillées est accrocheuse. Un casse-tête, un autre et encore un autre demandent à être analysés. Une théorie de la conspiration a l’attrait d’un mystère dramatique, convaincant, vivant, humain. Finalement, le désir de punir encourage de constantes incursions dans les détails personnels.
Deuxièmement, les théories de la conspiration ont des implications gérables. Elles sous-entendent que tout était bien auparavant et que tout peut revenir à la normale si seulement les conspirateurs peuvent être mis de côté. Les théories de la conspiration expliquent donc les maux sans nous forcer à renier les institutions de base de la société. Elles nous permettent d’admettre des horreurs et d’exprimer notre colère et notre indignation sans rejeter les normes fondamentales de la société. Nous pouvons même limiter notre colère aux auteurs les plus visibles. Ce fonctionnaire ou avocat est un filou mais beaucoup d’autres sont honnêtes et le gouvernement et la loi comme tels sont bien. Nous devons nous débarrasser des pommes pourries. Tout cela est commode et séduisant. Nous pouvons rejeter des candidats spécifiques mais pas le gouvernement, des présidents de compagnies spécifiques mais pas le capitalisme, des auteurs spécifiques, des éditeurs et même des propriétaires de périodiques mais pas tous les médias traditionnels. Nous rejetons quelques ignobles manipulateurs mais pas les institutions fondamentales de la société. Nous pouvons ainsi continuer à demander à ces institutions reconnaissance, prestige ou rémunération.
Troisièmement, les théories de la conspiration fournissent un exutoire facile et rapide pour des émotions refoulées face à des cibles qui semblent inaccessibles ou qui pourraient répliquer. C’est la théorie de la conspiration devenue théorie du bouc émissaire.
Où les théories de la conspiration nous mènent-elles ?
Ce serait déjà assez grave si l’attention infinie aux personnalités de l’Irangate, de la October surprise, de l’Inslaw, etc. ne faisait qu’habituer les gens à chercher les complots tout en ignorant les institutions. Ce fut par exemple l’effet des nombreux théoriciens de l’assassinat de Kennedy des décennies passées. Au moins les valeurs en jeu seraient progressistes et nous pourrions espérer que les gens seraient attirés vers de réelles explications de phénomènes structuraux.
Mais la réalité est que les valeurs inspirant les explications des événements par la conspiration commencent à diverger drastiquement des valeurs progressistes. Certains secteurs de la gauche militante sont même si avides d’explications miracles qu’ils commencent à être attirés par n’importe quelle prétendue conspiration, même la plus ridicule.
Ainsi le domaine de la théorie de la conspiration est devenu séduisant et les nouveaux venus ne sont pas toujours des progressistes et versent souvent vers la réaction ou même le fascisme pur et simple. La présentation des théories de la conspiration s’est déplacée des petits bulletins et journaux aux émissions radio et magazines à grands auditoires et est en même temps passée de la dénonciation d’ " équipes secrètes " de la CIA à celle de puissants réseaux de financiers arabes et de fraternités mondiales de banquiers juifs.
Il y a ici une analogie ironique avec les récentes analyses de la politique nationale du Parti Républicain. Dans cette arène, plusieurs journalistes prétendent maintenant que les manipulations raciales du Parti Républicain des années passées ont ouvert la voie à David Duke en ré-acclimatant le public aux stéréotypes raciaux et en augmentant son appétit pour d’autres stéréotypes. Un peu de la même façon, n’est-il pas plausible que les ressources relativement énormes mise dans les écrits, l’organisation et le prosélytisme sur la conspiration se retourne contre nous ? Bien sûr les temps changent et c’est partiellement là la cause de l’intérêt grandissant pour les conspirations mais le comportement passé des progressistes ne porte-t-il pas aussi une partie de la responsabilité ?
Quoi faire ?
Les " théoriciens des institutions " de gauche ignorent généralement les théoriciens de la conspiration et les jugent non pertinents. Confronter leurs arguments est comme s’enfoncer dans un miasme de détails, potentiellement forgés, desquels on ne sort pas. Rien de constructif n’en ressort. Mais peut-être cette opinion devrait-elle être repensée. Lorsque Holly Sklar, Steve Shalom, Noam Chomsky ou tout autre analyste de gauche parle d’événements, même de l’Irangate ou de la October surprise, ils portent attention aux faits immédiats mais aussi au contexte institutionnel. Il doit en être ainsi mais ce n’est apparemment plus suffisant. Maintenant ceux qui font une critique des institutions pourraient avoir deux responsabilités supplémentaires. D’abord, ils devraient peut-être souligner l’insuffisance des théories de conspirations de la gauche en montrant que, au mieux, elles ne vont pas assez loin pour être utiles aux activistes. Ensuite, peut-être devraient-ils démythifier et fustiger les théories de conspirations de la droite, leur enlevant ainsi leur aura d’opposition et révélant les allégeances racistes et élitistes qui les sous-tendent.
De même, lorsque des émissions radio progressistes, des journaux et magazines de gauche invitent des gens à communiquer avec leur public à propos d’événements mondiaux et nationaux, il est bon de s’assurer que l’invité est cohérent, qu’il a un style parlé ou écrit efficace, parle vraiment des problèmes, identifie correctement les acteurs et connaît l’Histoire pertinente. Mais ce n’est pas suffisant. Des fascistes peuvent remplir ces exigences et quand même déclamer des statistiques toutes faites comme s’il s’agissait de faits, déclamer d’horribles allégations à propos de groupes sociaux comme s’il s’agissait de commentaires objectifs et rien du tout à propos de réelles relations institutionnelles, prétendant que tout ce bordel est une façon utile de voir le monde pour comprendre et influencer les événements sociaux. Les médias de gauche, même contraints comme ils le sont, devraient prendre leur responsabilité face au contenu qu’ils présentent. Les gens s’attendent à ce que si un commentateur apparaît à notre émission ou dans nos publications, il ait un degré d’intégrité, d’honnêteté et de sensibilité. Nous ne devrions pas accorder de crédibilité aux sottises de droite, qu’elles soient évidentes ou assez bien camouflées pour être polies mais malicieuses. Les activistes de la gauche devraient indiquer les limites des théories de la conspiration et les compléter avec une analyse contextuelle et institutionnelle, même si elles mettent souvent à jour des faits importants,
© Copyright Éditions de l’Épisode, 2000
Traduction de Jean-René David