Sortir du marché avec l’économie équitable est une solution.

Par Dante Sanjurjo*

Qu’entendez-vous par économie équitable ? Est-ce une perspective pour un avenir assez proche ?
Maurice Décaillot : Je ne crois pas possible de prédire la durée des transformations, qui peuvent être longues. De nouvelles formes d’activités économiques devront émerger, au départ de façon modeste, pour que s’ancrent dans la vie réelle de nouvelles formes de vie économique et donc sociale. Quant à l’aspect équitable, il répond à deux conceptions très répandues. La première, libérale, est celle du gâteau qu’il faut faire grandir avant d’éventuellement le partager. La seconde essaye de corriger le système par la distribution, va jusqu’à l’égalitarisme, mais nie les réalités proprement économiques. Selon moi, on ne peut pas sortir de cette alternative entre passivité et utopie sans rechercher à la fois la justice sociale et la justesse économique. Le terme équitable signifie qu’il faut concilier les réalités économiques et les impératifs d’égalité fondamentale des hommes devant les ressources.

Quelles perspectives voyez-vous ?
Les pratiques dominantes, malgré ce qu’exposent de nombreuses doctrines, sont génératrices de déséquilibres et de spoliations. On ne peut pas en sortir sans sortir des pratiques de marché elles-mêmes, et c’est là peut-être l’essentiel de ma réflexion. Je pense que la société marchande commence à se heurter à des obstacles majeurs. On ne peut pas dire qu’ils conduiront rapidement à son effondrement, mais je pense que l’on rencontrera de plus en plus de situations difficiles, d’impasses, et que des secteurs de plus en plus larges de la population mondiale seront directement intéressés à envisager des alternatives. Ma démarche est de leur fournir des outils, pas des modèles à imiter. Des outils d’analyse et de décision, dont l’emploi, l’ampleur, la coordination relèveront de leur décision. Dans beaucoup de pays, des tentatives de changement pour développer des façons de vivre alternatives se sont heurtées à de grandes difficultés et les acteurs se sont révélés peu armés pour les affronter.

Quels sont ces outils ?
J’ai voulu proposer de nouvelles façons d’agir économiquement. Par exemple, de nouvelles façons d’échanger, en recherchant l’équité économique entre partenaires, avec des possibilités d’arbitrage tiers, ce que le marché refuse. D’une façon générale, je pense que les solutions que je propose devraient être associées à de nouvelles pratiques de proximité, des foyers d’économie équitable que des groupes de personnes et des organismes intéressés pourraient établir tout en mettant des informations et des moyens à la disposition des populations. En outre, il convient de trouver de nouvelles formes d’accès au travail qui ne soient pas de type salarial mais placent les personnes en situation de sujets agissant et responsables en matière économique. Je propose aussi de nouvelles façons de gérer les flux financiers, qui ne soient pas le prêt rémunéré de fonds mais des modes de financement réciprocitaires ou mutualistes.