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4 de marzo de 2010

Simple crise financière ou crise politico-stratégique pour les Etat-Unis ?

 

La crise des subprimes restera comme une crise financière et économique majeure. Pourtant, en observant l’ensemble de ses causes et conséquences on voit qu’elle ne se réduit pas à un simple objet économique [1]. Facteurs éthiques, internationaux, sociétaux et politiques en constituent des éléments centraux. Pour en comprendre la nature exacte, il est donc nécessaire d’élargir notre perspective et de renverser la hiérarchie habituelle des causes explicatives.

La chronique de la crise éclaire sa nature

Au moins formellement, la chronique de la crise est facile à établir. Les taux d’intérêt américains, qui étaient restés depuis 2001 à des niveaux historiquement bas, remontent sensiblement à partir de 2005. Cette hausse va déclencher, fin 2006, une crise des crédits immobiliers à taux variables pour les ménages pauvres ; les fameux subprimes. Elle débouche, ensuite, sur une crise financière de grande ampleur. Son déclenchement officiel se produit en août 2007 avec la décision de BNP-Paribas de suspendre plusieurs de ses fonds monétaires investis en titres toxiques. Malgré les interventions de la Fed pour sécuriser le marché interbancaire la crise se propage insidieusement et devient crise de confiance et de liquidités. Le début 2008 est marqué par les premières faillites bancaires ( Bear Stearns, Northern Rock etc.) et les premiers sauvetages publics aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le désastre devient manifeste en septembre 2008, où elle prend un tour systémique. Toutes les grandes institutions spécialisées dans le crédit hypothécaire « sautent ». Elles sont sauvées par l’Etat américain qui les nationalise (Fannie Mae, Freddie Mac, AIG etc.). Les plus grandes banques d’affaires n’échappent au chaos que grâce à des restructurations drastiques, tandis que les faillites des hedge funds et des petites banques se multiplient. La chute de Lehman Brothers, lâchée par les pouvoirs publics, déclenche la panique. Le système bancaire et financier étatsunien n’est sauvé qu’au prix d’une série mesures techniques de sauvegarde et d’un recours illimité à la liquidité. L’Etat et la Fed jouent alors le rôle de prêteur en dernier ressort. Sa propagation est internationale via les circuits de la finance globalisée. L’économie mondiale réelle s’enfonce dans la récession au dernier trimestre 2008 jusqu’à l’été 2009, où on enregistre un début de stabilisation, sans réelle sortie de crise. Ce rappel montre que ses caractéristiques sont multiples et évolutives et qu’elle est de très grande ampleur, du type des grandes crises de 1929 ou de 1974. Ce qui en fait donc une crise globale et structurelle.

Spécificités de la crise

Si les interventions usuelles des autorités publiques états-uniennes (baisses des taux, injections massives de liquidités, aides partielles au sauvetage des établissements, etc.) se sont avérées inefficaces pour enrayer le mécanisme, c’est parce que cette crise n’est pas comme les autres. Elle traduit, ainsi, le hiatus entre le cadre conceptuel des dirigeants états-uniens et le monde économique réel. De fait, ni la nature ni la mesure de la crise n’ont été appréhendées. Les causes explicatives sont de deux ordres. Premièrement, l’idéologie de l’efficience des marchés a aveuglé les acteurs privés et les concepteurs de politiques publiques. Cette doctrine, à l’œuvre durant la crise, s’enracine depuis longtemps dans les mentalités des décideurs économiques et politiques états-uniens. Le culte du marché libre s’est imposé à la faveur de la révolution libérale des années quatre-vingt. L’explication est donc de nature économique. La performativité de la théorie explique les manifestations concrètes de la crise de 2007-08. Le « marché financier total », sans contrôle public ni réglementation, conduit à une crise globale. Reste à élucider un mystère. Pourquoi cette crise n’est pas la réplique de la crise de la netéconomie ou des crises précédentes ? Pourquoi advient-elle sous cette forme à ce moment précis ? Pour y répondre, il faut, deuxièmement, introduire des considérations politiques, sociétales et géostratégiques. L’usage de la doctrine du marché libre a changé avec le contexte politique. De ce point de vue, il existe des différences entre conservateurs des années 80 et néoconservateurs. Ainsi, les économistes « conservateurs à principe » d’hier se sont éloignés du cœur du pouvoir politique, au profit d’une nouvelle génération de lobbyistes des milieux d’affaires, d’opportunistes en tout genre et d’idéologues radicaux [2]. La doctrine en usage a donc connu une dérive et son utilisation a pris un caractère principalement politico-idéologique. « Un capitalisme de copinage » [3] s’est imposé comme la nouvelle norme de fonctionnement de l’économie américaine du début de siècle. Dans de telles conditions, les formes de la crise trouvent une explication : c’est le contexte politico-idéologique états-unien qui a fabriqué un tel désastre.

Le « 11-9 » et les racines de la crise

Une telle fuite en avant n’aurait pu avoir lieu sans le choc créé par les attentats du « 11-9 ». En effet, la réaction de G.W. Bush aux attentats a été déterminante de la dérive généralisée. Elle s’origine au plan politique, où le groupe des Vulcains [4] s’est saisi de l’occasion pour prendre le contrôle des principaux rouages décisionnels en écartant les conservateurs modérés. L’événement leur a permis de court-circuiter les dispositifs institutionnels classiques et d’affaiblir les contre-pouvoirs au sommet de l’Etat. Le caractère exceptionnel des attentats a facilité cette transformation, en réactualisant le discours impérialiste du temps de la guerre froide. Le National Security Council, l’instance centrale chargée de réfléchir et de définir de manière collégiale les orientations en la matière a vu son rôle bouleversé au profit d’une structure dominée par les idéologues les plus radicaux [5]. Un cabinet de guerre fantôme créé et piloté depuis la vice-présidence s’y est même substitué. La stratégie militaire états-unienne en Afghanistan et en Irak a dévié de tout objectif réaliste. La rhétorique de la guerre au terrorisme est l’expression de l’idéologie simpliste qui domine la politique des néoconservateurs et impose ses exigences à l’ensemble de la structure économique et sociale américaine. Ainsi, la politique générale des Etats-Unis se résume à la quête de puissance. Dans ces conditions l’économie et la finance vont être instrumentalisées et mobilisées pour être en cohérence avec cette géopolitique unilatérale et agressive. Après le « 11-9 », l’invocation de la défense du modèle américain se traduit, d’une part, par des politiques économiques expansionnistes et discrétionnaires, sans rapport avec les théories économiques dominantes. Elles ont pour but d’assurer la croissance économique et d’alimenter les efforts de guerres, au service du hard power. D’autre part, l’association du libre marché et du militarisme devient partie intégrante de la stratégie américaine, qu’il s’agisse des guerres en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. L’alliance entre l’Etat et les milieux d’affaires trouve aussi dans les guerres un terrain propice à son déploiement. Enfin, la finance déréglementée représente dans ce dispositif l’atout maître pour asseoir cette politique générale. Dans une économie d’endettement comme celle des Etats-Unis les innovations financières représentent un facteur de la puissance économique nécessaire à la puissance tout court. Dans la période Bush, le renoncement public au contrôle du secteur financier suit une double logique. Primo, s’en remettre de manière pragmatique aux partenaires politiques que sont les grandes banques d’affaires pour créer de la valeur et conforter la stratégie générale. L’idéologie du marché libre justifie et masque la réalité de la collusion entre pouvoir économique et pouvoir politique. Secundo, elle vise à favoriser le développement de la finance états-unienne afin de consolider son rôle économique, monétaire et politique international. La politique de déréglementation financière est donc emboîtée aux impératifs politico-stratégiques. Toutefois, dans ce domaine comme dans les autres, cette stratégie a fini par rencontrer ses propres limites et entrer en crise.

Cirpes</U> . Paris, le 3 mars 2010.

Notes:

Notas

[1Voir notamment le Forum de la Régulation Crise économique. Crise de la pensée économique du 1et et 2 décembre 2009 ]

[2Cf, J.K.Galbraith, L’Etat prédateur, Collection Economie Humaine, Seuil, Paris, 2009

[3Expression empruntée à J. Stiglitz, Quand le capitalisme perd la tête , Ed. Fayard, Paris 2003.

[4Cf, J. Mann, Rise of the Vulcans. The history of Bush’s War Cabinet, New York, Viking, 2004.

[5Cf, J.P.David, La politique étrangère de Bush : formulation et décision Politique Etrangère n° 4/2004.

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