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1er janvier 2005

Silence préoccupant des autorités vénézuéliennes devant l’enlèvement de Rodrigo Granda

 

Par Heinz Dieterich *
Le Mexique DF, Mexique, 27 décembre 2004

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L’enlèvement de Rodrigo Granda, membre de la Commission Internationale des Forces Armées Révolutionnaires de la Colombie (FARC), en plein centre de Caracas et en plein jour du 13 décembre, contient plusieurs aspects très préoccupants. Le plus grave est le mutisme des autorités vénézuéliennes.

À presque deux semaines de l’enlèvement, l’État vénézuélien ne s’est pas prononcé sur le crime, alors qu’au moins cinq de ses principales institutions sont d’office parties prenante dans l’éclaircissement du délit et/ou la punition des responsables.

Par sa gravité, le crime d’enlèvement ne requiert pas la plainte d’un particulier pour être instruit par les instances judiciaires de l’État. Tout État moderne, qui en matière de droit ("The people against... ") est chargé du maintien de l’ordre public, a la faculté et le devoir juridique et moral d’exercer des actions déterminées de recherche et de poursuite contre le responsable d’infractions graves relevant du droit pénal. Au Venezuela cette faculté réside, d’abord, dans le pouvoir public autonome comme la Fiscalia Général de la République, dirigée par Isaias Rodriguez, qui est internationalement reconnue pour son activité courageuse et morale pendant le coup d’État du 2002.

Dans un second circuit de responsabilité institutionnelle on trouve le Ministère de l’Intérieur et la Justice (MIJ), dont le titulaire est Jesse Chacón, responsable de la sécurité publique du pays et de l’activité des organismes de sécurité qui opèrent dans leur cadre de responsabilités, entre eux, soit la police politique, connue comme la Direction des Services d’Intelligence et de Prévention (Disip). Selon certains médias internationaux, ont collaboré avec le commando de ravisseurs, des personnes qui ont été des membres de cette organisation opérationnelle et d’intelligence.

Le crime de Caracas a été commis par un commando de policiers colombiens qui ont violé la souveraineté de la République Bolivarienne du Venezuela, pour enlever par la force le citoyen colombien Rodrigo Granda et le livrer aux autorités de Cúcuta, dont l étroite collaboration avec les narco-paramilitares de la zone est notoire.

Tout acte de violation de la souveraineté nationale d’un pays affecte, par définition, son Bureau de Relations Extérieures, la Chancellerie, dont le devoir institutionnel est situé dans la défense de la souveraineté et des intérêts nationaux, ce qui inclut l’observation soigneuse des procédures légales d’extradition d’étrangers inculpés pour des faites criminels.

La violation de la souveraineté de la République dans le cas de Rodrigo Granda revêt trois circonstances aggravantes en matière de responsabilité criminelle :

 a. il a été prémédité ;
 b. une récidive et,
 c. a été partiellement effectué à l’étranger.

Le caractère de préméditation a été démontré par le journaliste colombien Hernando Calvo Ospina dans une chronique sur ce crime, publiée le 21 décembre à l’échelle internationale. En effectuant des interviews dans le cadre " de la Rencontre Mondiale d’Intellectuels sur la Défense de l’Humanité", du 2 au 7 décembre, à Caracas, plusieurs membres des autorités de l’état lui « ont parlé de la possibilité selon laquelle se serait déplacé au Venezuela un commando spécial des forces de sécurité colombiennes, identique celui qui avait arrêté en Équateur le dirigeant de la guérilla du FARC, Simón Trinidad. Ils ne m’ont pas précisé si le commando était là (au Venezuela) de manière légale". Le 3 décembre, "des personnes très proches de l’ambassade colombienne de Caracas me confirmaient ce qui précède, en outre en m’alertant sur l’augmentation considérable de membres du Département Administratif de Sécurité, DAS, la police politique colombienne, assignés à l’ambassade.

Le commando aurait eu pour but de capturer des dirigeants des partisans colombiens du FARC et de l’ELN". Il a eu par conséquent, dans le crime, ce qui en droit s’appelle "association pour commettre un délit" et préméditation des malfaiteurs.

Quant à la récidive qui est un facteur aggravant - outre la longue historique d’infractions analogues au crime imputé - on trouve la détention de plusieurs policiers colombiens, capturés le 9 décembre passé près de Maracay en compagnie de trois fonctionnaires de l’Armée du Venezuela, dans une région du centre du pays à 700 Km de la frontière avec la Colombie, alors qu’ ils effectuaient de présumées activités d’espionnage. Bien que des sources de l’intelligence colombienne ont révélé au journal colombien EL TIEMPO que les quatre policiers capturés -le major Carlos Arturo Cruz Curtidor, le lieutenant Harrison Gil Arce et les sur- intendants Pedro Nel Roa Martín et Degli Magli Sibaja Rodriguez - avaient pris part de l’enlèvement de Rodrigo Granda, le 22 décembre l’ambassade de la Colombie à Caracas a informé que le ministre de Défense vénézuélien, général Jorge Luis García Carneiro, avait notifié à l’ambassadeur de la Colombie, Enrique Vargas Ramirez, la libération des quatre membres de la Policier Nationale de la Colombie.

Par ce qui précède, il est évident que la cinquième institution vénézuélienne concernée par le cas est le Ministère de la Défense. Les relations entre les Ministres de Défense du Venezuela et de la Colombie passent actuellement par une phase de bonne entente. Le 15 décembre, les deux Ministres se sont réunis à Caracas, dans le but de donner suite aux accords souscrits par les deux gouvernements, à Carthagena de Indias, le 9 novembre. Le ministre colombien, Jorge Alberto Uribe, a déclaré en conférence de presse avec son homologue vénézuélien qu’ils ont décidé "de reprendre et d’intensifier l’échange de fonctionnaires au sein des différentes forces militaires et policières" des deux pays. "Nous avons décidé d’approfondir la partie stratégique, c’est-à-dire, la partie d’information en intelligence", a ajouté le Général García Carneiro, celui -ci a en outre indiqué que les deux ministères de la Défense se sont proposé de tenir "semestriellement" ce type de réunions de travail. Ils se sont aussi engagés à effectuer, au moins tous les six mois, des réunions pour analyser des sujets de sécurité frontalière et concevoir des plans d’action. Dans une réunion postérieure entre l’ambassadeur colombien et le Ministre García Carneiro, tous les deux sont tombés d’accord sur "la nécessité de fortifier la coordination entre les autorités des deux pays, comme cela a été décidé pendant la visite effectué à Caracas... le ministre de Défense colombien, Jorge Uribe".

Pour résumer :

L’enlèvement de Rodrigo Granda à quelques pas de l’Hôtel Hilton à Caracas, à 16:00 hs. de l’après-midi du 13 décembre, effectuée dans l’environnement de deux grands événements étatiques, la "Rencontre Mondiale d’Intellectuels" et "le Congrès Bolivarien des Peuples", est une affaire latino-américaine d’une extrême importance ; parce qu’il indique -comme cela a été correctement signalé par les médias sur internet- la mise en oeuvre d’une espèce d’Opération Condor dans l’espace andin, comme nouvelle composante intégrale du Plan Colombie.

Cette implication transcendantale du fait délictueux rend indispensable que certaines des autorités vénézuéliennes rompe son silence prolongé et clarifie publiquement les détails de ce crime d’État. Ceci non seulement en tant que responsabilité inéluctable de tout État de droit, mais aussi comme une nécessité morale de toute Révolution éthique, comme l’est la révolution bolivarienne.

La Déclaration Finale "de la Rencontre en Défense de l’Humanité" réitère de multiples fois la solidarité des intellectuels avec l’Irak, la Palestine et l’Afghanistan, tandis que sur "l’Irak de l’Amérique latine", la Colombie, ne dit pas un mot, bien qu’on trouve des références respectives dans plusieurs résolutions des tables de travail. Un tel fait brouille la perception de l’événement dans des esprits critiques, qui doutaient qu’il s’agisse d’un événement aléatoire. Un mutisme prolongé des autorités approfondirait inévitablement ces doutes.

Finalement, les autorités vénézuéliennes doivent saisir que l’éclaircissement de ce crime d’État est vu dans l’opinion publique latino-américain comme une mesure de deux volontés : révolutionnaire-éthique qui procure la justice, et celle du statut quo que procure la realpolitik. La prolongation du silence serait interprétée comme "le silentium videtur confessio" de Sénèque : "qui ne dit mot, consent".

Plus tôt les autorités parlent, moins son silence aura son silence.

* Heinz Dieterich, Philosophe allemand, professeur universitaire, auteur de nombreuses oeuvres, résident au Mexique, éditorialiste de la revue RÉBELLION d’Espagne.

Traduction pour el Correo : Estelle et Carlos Debiasi

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