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On savait déjà que l’autocritique n’est pas le sport favori de Ségolène Royal. Elle vient d’en donner une nouvelle preuve dans les 335 pages de l’ouvrage qu’elle signe ces jours-ci, Ma plus belle histoire, c’est vous (Éd. Grasset). Après six mois d’un silence quasi total, c’est une rentrée politique et médiatique sous forme d’autoglorification.
Par Louis-Bernard Robitaille *
La Presse. Paris, Le lundi 10 décembre 2007.
La cause est entendue : elle a peut-être perdu l’élection présidentielle (et encore, ce n’est pas sûr, même si l’on croit avoir noté un score désastreux à 53-47 en faveur de Nicolas Sarkozy). Mais, en tout cas, elle n’y est pour rien. Elle n’a jamais fait de gaffes diplomatiques : ce sont les médias qui les ont inventées. Elle n’est pas responsable des graves problèmes d’organisation de sa campagne : ce sont les « éléphants » du Parti socialiste qui l’ont torpillée. Elle ne s’est pas rendue coupable d’improvisations bizarres, notamment en direction du centriste Bayrou entre les deux tours : ce sont les autres qui n’ont rien compris. Si sa ligne et son message politiques sont devenus illisibles et incohérents au fil de la campagne, c’est la faute aux médias (d’ailleurs contrôlés par des « amis » de Sarkozy).
Bref, il s’agit rétrospectivement, pour Ségolène, d’une performance extraordinaire que de ne pas avoir été éliminée dès le premier tour et d’obtenir, avec 17 millions de voix au second, la plus mauvaise performance de la gauche à une présidentielle depuis 1965.
Tel est en gros le message de ce livre d’après-présidentielle. Ségolène Royal, depuis une petite semaine, l’a égrené au fil de longues émissions spéciales sur les chaînes de télévision.
Mais, comme le disait cette semaine un lieutenant de Laurent Fabius, candidat malheureux à l’investiture socialiste, « Ségolène récrit l’histoire de la campagne ».
La vraie histoire serait plutôt celle d’une percée fulgurante dans l’opinion et dans les médias. Puis, à partir de son triomphe aux primaires du PS, en octobre, d’une gestion incompréhensible et désastreuse des atouts de la candidate.
Résumons. Fin 2005, Ségolène Royal fait une apparition inattendue et spectaculaire sur le devant de la scène politique. Certes, elle profite du vide politique au PS : son propre compagnon, François Hollande, est un faux chef de parti que personne ne suit, Fabius est impopulaire et Dominique Strauss-Kahn, le plus crédible, a mal préparé sa candidature. Mais Ségolène a également de véritables atouts : elle s’avère étonnamment brillante dans les émissions politiques à la télé ; elle n’est pas trop mauvaise dans les réunions publiques ; et ceux qui l’ont vue évoluer dans sa région de Poitou-Charentes peuvent témoigner de son extraordinaire brio sur le terrain.
Mais il y a plus : alors que les politiciens français, de gauche notamment, sont presque tous englués dans la langue de bois, Ségolène Royal fait preuve d’une liberté de ton et de pensée qui apporte une grande bouffée d’air frais au PS. Du coup, cette jeune femme séduisante qui n’a ni clan ni réseaux est triomphalement désignée comme candidate.
Mais aussitôt après, c’est une progressive dégringolade. Mme Royal décide de fouler aux pieds cette règle première en politique : tendre la main à ses rivaux de la veille et les rassembler sous sa bannière. Elle commence par ignorer superbement les Fabius, DSK et autres puissants barons du parti. Aujourd’hui, elle leur reproche de l’avoir boycottée, ce qui est inexact. Elle installe ostensiblement son quartier général à l’écart du PS - et se plaint aujourd’hui de ne pas avoir été soutenue, d’avoir manqué d’avis professionnels.
Faute de s’être entourée de conseillers d’expérience, elle multiplie, quoi qu’elle en dise aujourd’hui, de grosses gaffes dans un domaine où tous les gestes et les discours sont scrutés à la loupe : la politique étrangère. Entre-temps, Nicolas Sarkozy, hyperprofessionnel, a pris deux longueurs d’avance, qu’elle ne rattrapera plus jamais.
Était-ce vraiment la faute aux éléphants, à la haute finance, aux médias et aux sondages, bref à tout le monde sauf à la candidate ?
* Collaboration spéciale