Accueil > Les Cousins > Amérique Centrale et Caraïbes > Salvador- Tony Saca, nouveau président : "Oublions le passé, je suis l’avenir"
Por Marcela Turati
Reforma, México, 22 mars 2004.
Dimanche 21 mars 2004, Elias Antonio Saca, dit "Tony" Saca, le candidat du parti conservateur Alliance républicaine nationaliste (ARENA), a été élu président de la République avec près de 58 % des voix, au terme d’une campagne politique très polarisée.
Son adversaire, Schafik Handal, un ex-commandant de la guérilla du Front Farabundo Marti de libération nationale (FFMLN, 37,5 % des suffrages), que de nombreux sondages annonçaient vainqueur, a dénoncé la "campagne de peur" menée par l’ARENA avec l’appui de l’étranger.
L’ARENA, en effet, a largement exploité lors de sa campagne la peur du communisme et la possibilité d’un embargo des Etats-Unis contre le pays s’il était dirigé par un ex-guérillero. Et certains congressistes américains ont annoncé leur intention de faire voter une loi restreignant les "remesas" (remises d’argent), c’est-à-dire les transferts d’argent effectués par les Salvadoriens exilés aux Etats-Unis au profit de leurs familles restées au pays, au cas où le FFMLN serait élu.
Ancien commentateur sportif, très populaire dans la population, Tony Saca est entré assez récemment en politique. "Reforma" l’a interviewé chez lui, la veille de l’élection. Dans l’entrée se dresse un autel avec une veilleuse allumée. Et il a entre les mains une bible, ainsi qu’une image pieuse.
Que représentez-vous pour les Salvadoriens ?
– TONY SACA : La nouvelle génération, l’espoir, une nouvelle mentalité, un gouvernement que j’entends diriger dans le respect de l’humain. Je représente la rénovation de mon parti. Et j’ai le sentiment que, par ma jeunesse, ma vigueur, mon expérience, j’incarne le changement qu’attendent les Salvadoriens.
Quelle est cette mentalité à laquelle vous dites vouloir mettre fin ?
– La mentalité de la confrontation, de la haine de classe. Voilà ce dont les Salvadoriens ne veulent plus. Je suis l’avenir !
Comment expliquez-vous, alors, que votre campagne se soit fondée sur l’incitation à la haine de classe et sur la peur de la guerre ?
– Nous n’avons rien fait de semblable, nous avons mené une campagne joyeuse, de propositions, grâce à laquelle les jeunes ont pu se reconnaître dans notre projet.
Que pensez-vous de la stratégie consistant à dire aux gens qu’ils ne pourront plus recevoir d’argent de l’étranger s’ils votent pour le FFMLN ?
– C’est ce qu’ont dit certains députés du Congrès américain, pas nous, mais il y a des expériences comme celle de Cuba, la loi Helms-Burton, par exemple.
Que faisiez-vous pendant la guerre civile ?
– J’avais 15 ans et je travaillais. Ces histoires ne font pas partie de mon histoire. Je suis un homme de paix et de travail. Oublier le passé : c’est ça que veulent les Salvadoriens. Du temps où je faisais de la radio, la guérilla a détruit plusieurs fois mon matériel, nous avons souffert de la violence.
L’hymne de votre parti est un hymne guerrier, et la fondation de votre parti est liée aux escadrons de la mort.
– Nous n’avons pas à changer nos identifications historiques. Chaque parti et chaque pays ont leur hymne, nous n’avons pas à changer le nôtre. Et, pour ce qui est de la deuxième affirmation, encore faudrait-il la prouver. Comme toute la presse internationale, vous rabâchez le discours des années 80. J’ai l’impression que les journalistes étrangers qui sont venus couvrir le processus de paix ont la pensée congelée - ils font comme si on était encore en guerre -, alors que les Salvadoriens, eux, ont bel et bien tourné la page. L’Histoire a jugé les coupables, il y a eu des assassinats, une guerre cruelle qui a détruit l’économie. Nous autres, Salvadoriens, avons pansé nos plaies. Certains voudraient les rouvrir, mais ce n’est pas notre mentalité à nous, cela ne nous intéresse pas.
Courrier International
25/03/2004, Numero 699