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Référendum. Plus de six mille participants au meeting de Zénith pour le "Non" de gauche, à l’invitation du Parti communiste, alors qu’à l’Elysée Jacques Chirac tentait de défendre le projet de constitution devant un panel de jeunes.
Par Olivier Mayer
L’Humanite. Paris, le 16 avril 2005
Khalid Filali Rotbi, animateur d’un comité local du « non » dans le département des Yvelines, un parmi les centaines de comités qui ont fleuri dans toute la France depuis des mois, est le premier orateur du meeting. « On sait depuis le 21 avril 2002 que pour faire de la politique, il faut être plus proche des gens. » Ici, on a retenu les leçons. Le grand meeting du « non » de gauche ressemble à une « assemblée générale du rassemblement de la gauche pour le « non » au référendum du 29 mai », dira un des deux animateurs. Un Zénith, c’est immense quand c’est vide. Mais quand c’est plein comme un oeuf, comme ce soir, il n’est pas difficile de se sentir en intimité. Et les orateurs connus, ceux que les médias nombreux avaient assaillis bien avant le début de la réunion, mélangeront leurs paroles à celles des militants, des syndicalistes, des féministes, des citoyens, des jeunes. Parfois ce sont ces hommes ou femmes, ces jeunes qui voleront la vedette. La gauche rassemblée.
Tous ensemble
Toutes les tendances ou presque de cette gauche politique, si souvent divisée, sont présentes. Des communistes, évidemment, qui font le gros de l’assistance. La gauche dite « républicaine » du MRC ou du mouvement Mars. Des écologistes. Des socialistes autour de Jean-Luc Mélanchon. La LCR avec Olivier Besancenot ; et l’alternative citoyenne avec Claire Villiers. Mais la gauche, ce ne sont pas seulement les militants, des formations politiques. Ce sont les militantes et les militants des mouvements associatifs, altermondialistes, des syndicalistes, des « sans », des « gens de culture », des citoyens ! Parole sera donnée à des représentants de toutes ces composantes, de toute cette diversité, une parole enfin partagée, pas seulement consentie. Tout cela donne quelques beaux moments, quelques belles émotions. L’accueil de la salle à Olivier Besancenot quand il lance : « Pour moi, c’est une première ! » après avoir remercié le Parti communiste. Un Besancenot visiblement à l’aise de partager un combat qui lui va avec ces représentants de la « gauche plurielle » qu’il a tant décriée. Moment fort aussi, celui des paroles des syndicalistes : Éric Rouleau, de l’énergie, invente un nouveau credo syndical : « Lutter comme des lions, voter pour le "non" ! » Accueil encore de l’écologiste Francine Bavay et surtout de Jean-Luc Mélanchon. « C’est que du bonheur ! » s’exclame le sénateur socialiste qui sent dans ce Zénith « un parfum de fête qui sent bon la gauche ». « Dans une vie de militant, ce n’est pas souvent qu’on peut ressentir de tels élans populaires », indique-t-il. L’émotion, c’est le métier des hom- mes et des femmes de culture. « L’élan vers le "non" » de la chanteuse Juliette. Émotion surtout dans l’intervention de la philosophe Marie-José Mondzain. L’intelligence de la femme de culture qui converse avec toutes ces intelligences rassemblées. Une mise à mal du populisme.
Chaîne d’intelligence
Et, comme un rappel à l’ordre, les lycéens. Ils sont là en groupe. Ensemble ils disent leur lutte depuis des mois pour le retrait de la loi Fillon. Ils disent comment ils ne sont ni écoutés ni entendus. Et Vincent dit : « Je ne veux pas y croire, en France, des policiers, des forts, qui frappent des lycéens ! » Des lycéens qui appellent à lutter tous ensemble. Et qui promettent « un gros "non" à Fillon et un gros "non" à la constitution ». Appel exigeant, tout de même, vis-à-vis des adultes, pour qu’ils ne laissent pas s’émousser leur indignation et leur colère quand des jeunes sont frappés.
« Qu’est-ce qu’on est bien ensemble ! » s’exclame Marie-George Buffet. Elle évoque la bataille du « non », cette « chaîne de l’intelligence » autour du traité. « Il se passe quelque chose de formidable à gauche. Ce débat qui était tellement nécessaire, on l’a. C’est le débat "pour quelle Europe ?", mais c’est aussi le débat pour "quelle politique pour la gauche, en France ?" » Et elle annonce que si le « non » gagne, elle appellera à ce que « dans toutes les communes et les entreprises de France, les hommes et les femmes de gauche se réunissent pour dire l’Europe qu’ils souhaitent construire ». « Vous pouvez l’emporter pour nous tous », dit le président du Parti de la gauche européenne Fausto Bertinotti, avant le message d’Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali, pour qui « le "non" au référendum irait comme un gant à l’Afrique noire ». Difficile et surtout long exercice que le rassemblement de tant de diversités ! Il faudra du courage aux orateurs et aux participants pour aller au bout de la soirée. Mais on ne regrettera pas d’avoir assisté à l’intervention de Tiny Kox, le secrétaire général du Parti socialiste des Pays-Bas, qui fait cadeau à la France de son concitoyen Fritz Bolkestein dont il se débarrasserait volontiers. Avec l’intervention de José Bové, on évoque l’époque où « les paysans ont fait tomber les châteaux et les bastilles ». Le leader paysan voit dans « le "non" un vrai choix de société ». Francis Wurtz est chargé de conclure, ce qu’il fait en regroupant tous les orateurs autour de lui. Avec la salle qui se lève, ça fait cercle pour parler « de cette France, la belle, la rebelle », de cette autre Europe « qui proscrira tout recours à la guerre pour résoudre les conflits ». Pour évoquer, avec le « non », « l’Europe qui devient un beau combat ».