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22 novembre 2006

Projet de société pour la France :
l’ "Ordre juste" de Marie-Ségolène .

 

Par Michaël Fœssel
Esprit
. Paris, Juillet 2006

Le discours progressiste a ses contraintes. Toujours suspect de naïveté ou d’irréalisme, il doit plus qu’un autre donner des gages de lucidité. Aux emballements utopiques, on préfère souvent une logique binaire plus rassurante : le changement mais dans la continuité, la rupture mais sans précipitation, la force mais tranquille… On songe au chapitre sur la « coutume » des Essais où Montaigne montre que l’avantage de l’être sur le devoir être c’est précisément qu’il est et qu’il n’a donc plus à faire la preuve de sa « faisabilité ». Cette vérité simple est parfois présentée comme la signe de la supériorité pour ainsi dire ontologique du conservatisme qui, au moins, n’est jamais coupable de lâcher la proie pour l’ombre.

Tout un art de la synthèse politique est donc requis lors de l’élaboration des projets de la gauche (non révolutionnaire) : une manière de dessiner l’avenir sans trop s’engager sur la voie de la nouveauté. Les slogans choisis par Ségolène Royal pour lancer sa campagne sont révélateurs d’un tel souci : au bout d’un aventureux « désir d’avenir », on ne trouvera rien d’autre que la construction d’un « ordre juste » aux contours plus raisonnables. Ce mélange de progressisme et de rigueur est justifié par le diagnostic dessiné par les chapitres du livre de la candidate publiés progressivement sur le site "Désir d’avenir" :

 Chapitre 1 : « Les désordres démocratiques » ;
 Chapitre 2 : « Les désordres de l’emploi » ;
 Chapitre 3 (à paraître) : « La juste autorité ».

L’avantage du désordre, c’est qu’il rend l’ordre désirable même à ceux qui se méfient des sirènes de la tradition. On n’en restera pas moins dubitatif devant la tentative de généraliser ce concept à toutes les crises traversées par la société : passe encore pour les « désordres démocratiques », mais que faut-il penser des « désordres de l’emploi » ?

Mais l’essentiel n’est pas tant le contenu de l’« ordre juste » que l’unité qu’il réalise entre conservatisme et progressisme et qui semble devoir être le principal rempart de la gauche au non moins paradoxal autoritarisme libéral de Nicolas Sarkozy. Le modèle d’une telle synthèse se trouve déjà dans le programme d’Auguste Comte : « Ordre et Progrès » si bien accordé à la volonté raisonnable du changement qu’elle est devenue l’emblème d’un État (le Brésil). Partisan d’une réorganisation spirituelle, morale et politique de l’humanité pour l’adapter à l’âge de la science, Comte était parfaitement conscient des contradictions naissantes entre les mutations propres à l’âge industriel et le désir de conservation d’une société attachée à des systèmes de relations ancestraux. Sauf à exacerber ces mutations en les portant jusqu’au point où elles se contredisent (ce sera la solution marxiste), il n’y a pas d’autre choix que de faire du progrès « le développement de l’ordre » (Système de politique positive) et de le définir comme une accumulation et une adaptation plutôt que comme un arrachement au passé.

L’« ordre » a donc pour fonction de rendre audible une exigence (de progrès ou de justice) qui pourrait sembler ingénue et anachronique. On pourra sans difficulté s’accommoder de ce souci rhétorique de modération, mais il est tout de même à espérer que le goût pour l’ordre ne dévore par progressivement le désir d’avenir et l’exigence de justice. À moins qu’aux utopies d’hier ne succède l’idéal « positiviste » de l’éducation républicaine à « encadrement militaire ».

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