Portada del sitio > Imperio y Resistencia > « Gringolandia » (USA) > Powell l’avait dit et Woodward a confirmé pour qui sonne le glas en Irak.
L’ancien secrétaire d’État Colin Powell avait averti le président des États-Unis George W. Bush de la perspective d’un enlisement face à l’insurrection en Irak lors de leur dernier entretien en janvier 2005, révèle une biographie du général américain à paraître.
Par l’Agence France-Presse
Washington, le dimanche 1er octobre 2006
Dans un extrait de l’ouvrage publié par le Washington Post dimanche, le journaliste Karen De Young rapporte que Colin Powell avait déclaré à M. Bush lors de cet entretien que l’organisation d’élections et la promotion de la démocratie dans ce pays risquaient de ne pas atténuer l’insurrection en Irak.
M. Powell, qui dirigea la diplomatie américaine lors du premier mandat de M. Bush de 2001 à 2005, avait également averti le président Bush que les dissensions entre le département d’État et le très puissant département à la Défense minaient les efforts diplomatiques de Washington dans le monde, notamment sur des questions comme le nucléaire nord-coréen et le conflit israélo-arabe.
Selon le journaliste, M. Powell, auquel la Maison-Blanche avait à l’époque demandé depuis plusieurs semaines de quitter son poste pour le remplacer par Condoleezza Rice avait estimé que George W. Bush était resté aussi hermétique à ses remarques qu’il l’avait été précédemment, et aurait qualifié la rencontre de «très étrange».
L’ouvrage souligne que Colin Powell, bien qu’il eut publiquement approuvé l’opération militaire en Irak après les attentats du 11 septembre 2001, avait été confronté dès ses débuts au département d’État à l’hostilité des plus influents membres de l’administration américaine, comme le vice-président Dick Cheney.
Intitulé «Un soldat: la vie de Colin Powell», la biographie à paraître le 10 octobre aux États-Unis s’ajoute à nombre de nouvelles parutions critiquant la politique de l’administration Bush et sa gestion de la crise irakienne.
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La Maison-Blanche en mode défense
Par Claire Gallen
AFP. Washington, le dimanche 1er. octobre 2006.
Les affirmations du journaliste vedette Bob Woodward, dans son nouveau livre très critique pour le gouvernement Bush, secouent Washington et alimentent les débats sur l’Irak à cinq semaines des élections parlementaires.
Dans son ouvrage State of Denial (État de déni), Bob Woodward affirme que le président américain George W. Bush a dissimulé l’ampleur des violences sur les forces américaines en Irak. La Maison-Blanche aurait régulièrement, depuis l’invasion de l’Irak, affirmé en public que la lutte contre le terrorisme faisait des progrès, alors même qu’elle disposait de documents disant le contraire.
Ces allégations font grand bruit car Bob Woodward est une référence du journalisme d’investigation depuis qu’il a révélé, avec Carl Bernstein, l’affaire du Watergate qui avait conduit à la chute de Richard Nixon — mais aussi parce que ces dernières années, il s’était vu taxer d’une certaine complaisance envers le gouvernement Bush.
Le livre ne sort que lundi mais ses révélations, distillées dans la presse, l’ont propulsé dès le week-end en tête des commandes sur le site Amazon.com. Dimanche les émissions politiques du matin consacraient à l’affaire l’essentiel de leurs programmes et le magazine Newsweek avait choisi d’en faire sa «Une».
Résumant sa thèse dans un article du Washington Post, M. Woodward donne plusieurs exemples dimanche du double langage supposé de la Maison-Blanche.
En mars 2003 ainsi, peu avant l’invasion de l’Irak, le vice-président Dick Cheney avait qualifié d’«exagération» l’idée qu’il faille maintenir des centaines de milliers de soldats après la fin des opérations militaires. Or les services de planification du Commandement central (Centcom) estimaient à l’époque qu’il faudrait 450 000 soldats américains pour occuper l’Irak.
M. Woodward dénonce l’absence de stratégie militaire et l’influence de l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger, farouchement opposé à toute diminution prématurée des troupes en Irak pour ne pas voir se répéter un nouveau Vietnam.
Le journaliste est également très dur envers le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et il reproche à l’ancienne secrétaire à la Sécurité nationale Condoleezza Rice, aujourd’hui secrétaire d’État, d’avoir ignoré, deux mois avant le 11 septembre 2001, une mise en garde pressante du numéro un de la CIA de l’époque, George Tenet.
La Maison-Blanche a vigoureusement dénoncé ces allégations en publiant un mémo samedi reprenant point par point plusieurs affirmations du livre.
«Le président a été très clair avec les Américains sur les défis que nous affrontons en Irak. (...) Si vous prenez du recul, vous pouvez voir que pas un Américain ignore la violence en Irak», a estimé dimanche le conseiller à la Maison-Blanche Dan Bartlett, sur la chaîne CBS.
Le porte-parole de la Maison-Blanche Tony Snow avait dès vendredi coupé court à l’affirmation selon laquelle l’ancien secrétaire général de la Maison-Blanche Andrew Card avait recommandé de limoger M. Rumsfeld.
De son côté M. Kissinger a nié jouer un rôle déterminant sur l’Irak. «Il est absurde de croire que quelqu’un venant de l’extérieur pour une heure environ toutes les six semaines tout au plus a une grande influence sur les décisions tactiques», a-t-il affirmé sur la chaîne CNN.
Mais la publication de ce livre intervient alors que le président Bush est sous le feu des critiques sur l’Irak, à cinq semaines d’élections parlementaires qui s’annoncent périlleuses pour sa majorité.
Il s’est retrouvé sur la défensive cette semaine, après la publication d’extraits d’un rapport confidentiel concluant que la guerre en Irak a accru la menace terroriste.
Des démocrates ont aussi accusé la Maison-Blanche de retarder la publication d’une synthèse des services de renseignement consacrée à l’Irak, afin d’éviter des retombées politiques à l’approche des élections.