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8 juin 2006

Pour les multinationales minières américaines, canadiennes et britanniques, le Pérou c’est l’Eldorado

 

L’organisation catholique Caritas International dénonce l’exploitation des richesses du sous-sol péruvien qui sont bradées alors que la population s’empoisonne peu à peu.

Par Eva Usi
Deutsche Welle.
Allemagne, 19 mai 2006.

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L’Eldorado Anglo-saxon

« Le Pérou n’est pas un pays pauvre, mais plutôt un pays de pauvres » soutient l’organisation catholique qui réclame pour la population péruvienne une répartition plus juste des bénéfices de l’exploitation du sous-sol. L’exploitation minière est l’exemple le plus dramatique de la manière dont la population est exclue des bénéfices de cette activité économique pendant que ses exportations sont vendus sur les marchés internationaux à des très bas prix.

Plus de 50% des devises proviennent de cette activité qui cependant, ne contribue qu’à hauteur de 6.6% au Produit Intérieur Brut (PIB). De plus, ce secteur n’emploie que 0.5% de la population économiquement active. Tout ceci démontre que la majeure partie des profits qui découlent de cette activité reste au sein des pays d’origine de ces multinationales qui exploitent le sous-sol, les Etats-Unis, le Canada et la Grande Bretagne.

Cette puissante industrie, moteur de l’économie péruvienne, devrait atteindre un niveau d’exportations d’une valeur de 10 000 millions de dollars cette année, selon les prévisions du secteur. En 2005, les exportations de métal et de minerai ont atteint 9 500 millions de dollars. Le Pérou est le troisième producteur mondial de cuivre et de zinc, le second pour la production d’argent et le cinquième pour l’or. Grâce à la richesse de son sous-sol, le Pérou fait partie des sept pays les plus riches en ressources naturelles. Il compte près de 30% des réserves mondiales d’or et 16% de celles d’argent. Il occupe la deuxième place en terme de production de zinc et de bismuth et la cinquième place pour celle du cuivre et d’étain. C’est un secteur en pleine expansion.

Niveaux de santé et co-gestion

Profitant de la visite en Allemagne de l’Archevêque de Huancayo, Pedro Barreto, l’organisation catholique a demandé à ce que la population péruvienne ait voix au chapitre pour le contrôle de l’activité minière et que celle-ci s’attache à respecter les critères sanitaires formulés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). « Il faut imposer des mesures urgentes d’assainissement pour contenir les dangers environnementaux. Le sol est fortement pollué et l’on pourrait même ajouter que l’eau est empoisonnée » a estimé Jürgen Lieser, expert de Caritas International lors d’une interview pour DW-WORLD.

La Oroya se trouve dans les Andes centrales du Pérou et compte près de 30 000 habitants. La multinationale américaine Doe Run s’est installée dans la région en 1992 et emploie actuellement près de 3 500 personnes. Cette entreprise traite d’énormes quantités de minerais provenant des mines de l’ensemble du pays, et même de Bolivie. Parmi ces minerais, on trouve du cuivre, du zinc, du plomb, et des quantités moindres d’or, d’argent et d’autres métaux.

Des gaz mortels

Selon des correspondants, on respire dans cette localité, un air raréfié et pestilentiel qui contient du souffre mélangé à de la poussière et qui a déjà tâché les murs de la ville. Selon diverses études, parmi lesquelles celle de l’Université de San Luis, co-financé par Caritas, les maladies dont souffrent les mineurs, et surtout les enfants et les personnes âgées sont dues aux émissions de dioxyde de souffre, de plomb et d’arsenic qui sortent des cheminées du complexe métallurgique. Parmi ces maladies, le saturnisme touche ce que l’on appelle « les enfants de plomb » et qui présentent de très fortes concentrations de plomb dans le sang.

L’entreprise dont le siège est situé à Saint Louis aux Etats-Unis, a demandé un délai supplémentaire de cinq ans pour la construction d’une usine de traitement de l’acide sulfurique qui devrait éviter l’émission de métaux lourds mortels. L’entreprise avance que les dépenses nécessaires, de l’ordre de 108 millions de dollars entraîneraient un risque financier majeur pour son activité.

« Ce serait irresponsable que ces mesures qui ont un caractère urgent soient remises à plus tard » estime Lieser. L’expert explique que pour peu que l’on prenne les mesures adéquates, l’activité minière n’entraîne pas de conséquences négatives pour la population et l’environnement. « Les gouvernements péruviens successifs (surtout celui de Fujimori) ont accordé des conditions d’exploitation très favorables aux multinationales minières de peur qu’elles ne renoncent à des investissements dans le pays sous prétexte que cette activité n’est pas assez lucrative » ajoute-t-il.

Priorité à la protection de la santé

« La priorité devrait être la protection de la santé des habitants » affirme-t-il. Ce spécialiste distingue un autre aspect à prendre en compte. « L’activité minière est une activité extensive et dans un pays comme le Pérou où l’agriculture de subsistance continue d’avoir un poids très important, c’est à la population de décider si la meilleur chose est d’affecter la terre aux besoins des entreprises minières ou de les utiliser pour l’agriculture » estime-t-il.

Evoquant les nationalisations des ressources stratégiques en Bolivie et dans la mesure où cela pourrait constituer un exemple à suivre pour le Pérou, l’expert de Caritas estime que ce transfert de l’activité minière dans les mains de l’Etat ne garantie pas nécessairement une amélioration de la situation. « La Bolivie a nationalisé ses ressources dans les années 50, puis elles ont été privatisées pour être à nouveau nationalisées aujourd’hui. Indépendamment de la nature de son propriétaire actuel, nous attendons du gouvernement qu’il assume sa responsabilité politique et sociale en exigeant des entreprises qu’elles respectent les normes internationales en matière de santé et d’environnement » ajoute-t-il.

Le représentant de Caritas International signale que l’on ne remarque pas de grandes différences entre les deux candidats en lice dans la dernière ligne droite des élections présidentielles. « Alan Garcia a déjà été président est son bilan sur la question n’est guère brillant. Nous savons qu’Ollanta Humala s’est prononcé sur ce sujet mais nous restons sceptiques. Nous ne savons pas s’il mettra en application ce qu’il promet » affirme-t-il. L’organisation prévoit de financer pour près de 300 000 euros des programmes de prévention des maladies provoquées par l’activité minière au Pérou.


Traduction pour El Correo de l’espagnol de : Thibaut Brunet

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