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21 août 2008

Piedad Córdoba, médiatrice avec les FARC
"Les États-Unis et la France n’aident pas".

 

Après le sauvetage d’Ingrid Betancourt et des trois otages étasuniens, le monde a perdu de l’intérêt dans l’échange humanitaire pour sauver les otages des FARC qui restent dans la forêt colombienne. Mais Piedad ne craint pas l’oubli.

Par María Laura Carpineta
Página 12 . Buenos Aires, le 20 Août 2008.

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Piedad Córdoba

Piedad Cordoba vient de se lever, mais on ne le remarque pas. Ses lèvres rouges, ses cils noirs et le foulard de soie qui recueille ses cheveux sont impeccables. « Je m’étais entrain de m’arranger », s’excuse-t-elle entre gênée et pressée, après s’être faite attendre un petit peu. L’adversaire numéro un du président colombien Alvaro Uribe est coquette et n’a pas de peur de le montrer. En plus, la sénatrice donne l’impression qu’elle ne craint rien. « Même si je reste tranquille ils vont continuer d’enquêter sur moi, en me discréditant et en me poursuivant : alors, pourquoi s’arrêter ? »

Pourquoi ? Les raisons ne manquent pas. Elle et sa fille ont été séquestrées par des paramilitaires presque il y a dix ans. Deux de ses gardes du corps ont été assassinés. Son chauffeur a été blessé et il est resté invalide. Il y a deux ans l’un de ses plus proches conseillers a été exécuté en pleine rue et ils n’ont jamais trouvé le coupable. Malgré cet historique tragique, le gouvernement colombien ne la considère pas comme une victime. La semaine passée le président Uribe a demandé au Ministère public d’enquêter sur elle, de même que d’autres adversaires, pour ses liens avec les FARC.

Cordoba a travaillé en faveur de l’échange humanitaire avec le président vénézuélien Hugo Chavez pendant plus de six mois. Bien qu’ils n’aient pas obtenu pas l’échange des 50 otages pour 500 guérilleros, ils ont tout de même convaincu les FARC de remettre de façon unilatérale six otages, tous dirigeants politiques reconnus en Colombie. « Le scénario a lamentablement changé aujourd’hui », a-t-elle expliqué à Pagina 12, en référence au sauvetage militaire qui a libéré Ingrid Betancourt, les trois otages étasuniens et onze militaires colombiens. « Plusieurs de ceux qui avant avaient aidés parce qu’ils avaient des intérêts particuliers, comme les États-Unis et la France, maintenant ne donnent plus déjà de signes de vie », a-t-elle ajouté.

Dans l’après-midi d’hier la sénatrice a rencontré la présidente [argentine] Cristina Fernández pour lui demander qu’elle ne suive pas les pas de Bush et de Sarkozy. « Je veux le remercier pour toute son aide et aussi lui demander de continuer à appuyer ceux qui cherchent une solution au conflit armé. » Aujourd’hui elle va se rendre dans la province de Cordoba pour voir le travail des mouvements de Droits de l’Homme et spécialement à propos du procès récent contre Luciano Benjamin Menéndez et sept autres répresseurs de Cordoba. En Colombie les premiers procès judiciaires ont commencé cette année pour des dizaines de milliers de crimes que les paramilitaires ont commis durant les 20 dernières années.

Est-il possible de récupérer l’appui des pays latinoaméricains pour un échange humanitaire après qu’aucun n’ait critiqué le sauvetage militaire ?

Nous travaillons pour créer une coordination latinoaméricaine à travers les femmes pour travailler pour une solution pacifique du conflit en Colombie. Il est compréhensible que l’attention baisse au niveau international après le sauvetage. Certains considèrent que ce n’est pas la même chose la vie d’un dirigeant politique ou d’un civil et celle d’un soldat ou un policier. Pour nous, ce n’est pas ainsi et c’est pourquoi aujourd’hui nous venons demander à la Présidente de continuer à nous aider. De plus il ne faut pas oublier que le conflit s’étend chaque fois plus en Colombie. Ce qui nous préoccupe, les détenus politiques, les quatre millions de déplacés, les 30.000 fosses communes, les 30.000 disparus, les centaines de personnes qui continuent d’être assassinées année après année... le conflit continue et nous ne pouvons pas espérer qu’un jour arrive un sauveur qui nous sauve avec les armes.

Quelle est la proposition que vous présenterez à la Présidente ?

La proposition que nous portons auprès d’un groupe d’intellectuel et de dirigeants de l’opposition est d’aller aux FARC pour les convaincre de reprendre l’échange. Nous croyons que le groupe de guérilleros devrait, comme premier pas, remettre une liste avec les noms des personnes qu’ils ont en leur pouvoir. Nous sommes arrivés à une dégradation du conflit qui a permis des détentions de plus de dix ans, des attentats à des communautés innocentes. Il faut recommencer à remettre le processus sur les rails par la voie politique.

Un rapprochement avec les FARC ne compliquerait-il pas encore plus la situation judiciaire ?

Aujourd’hui penser avoir des contacts avec le groupe de guérilleros revient à se mettre un pistolet sur la tempe. Mais également je sais que même si je reste tranquille ils vont continuer d’enquêter sur moi, en me discréditant et en me poursuivant. Pourquoi s’arrêter alors ? De plus nous sommes protégés par le droit humanitaire. Uribe pour l’instant cela lui a réussi, et très bien, la thèse militariste et arbitraire d’imposer ses plaintes et son point de vue. Mais un jour cela va s’arrêter. Les Droits de l’Homme son patrimoine de l’Humanité.

Jusqu’où un échange est-il viable après le sauvetage militaire ?

Le scénario a dramatiquement changé. Nous ne sommes pas dans la même situation qu’il y a six mois. Le gouvernement colombien s’est lancé dans une lutte féroce pour éviter que nous pussions nous approcher d’un accord de paix. Aujourd’hui il est non seulement plus difficile de s’approcher des FARC, mais en plus je ne suis pas de sûre qu’ils accepteraient la présence de la Croix-Rouge. Il est très probable que l’organisation ait perdu la confiance du groupe armé.

Et le gouvernement avec difficulté veut négocier avec les FARC. L’opposition se prépare-t-elle à livrer bataille aux les prochaines présidentielles ?

Honnêtement, je ne vois pas à la gauche très organisée. Le président Uribe a réussi à installer la peur même dans l’opposition. Il a mis en place une politique de campagnes sales dans les médias qui fonctionne à la perfection. Tous les hommes politiques ne sont pas disposés à ce qu’on les discréditent et qu’on les accusent publiquement.

Vous voyez-vous comme candidate présidentielle ?

Cela ne m’intéresse pas. C’est pour nous, la pire partie du processus de la recherche de la vérité parce que nous luttons quand le conflit n’est pas encore fini. Également je crois que nous avons obtenus une victoire. Le monde sait maintenant qu’il y a un conflit en Colombie et que le gouvernement ne peut rien faire pour l’éviter. Ce ne sont pas seulement quelques petits fous qui tirent depuis la forêt, mais une guérilla politique. Tous savent que nous vivons sous un régime mafieux, dans lequel des militaires et paramilitaires travaillent ensemble. En cela, nous battons Uribe.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

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