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23 octobre 2006

Panama
Dans les quartiers pauvres, l’élargissement du canal importe peu.

 

Par Alexandre Peyrille
AFP
. Panama. Le samedi 21 octobre 2006

"Ils ont 5 milliards de dollars à investir dans l’élargissement du canal (de Panama), mais quand il s’agit de lutter contre la pauvreté, il n’y a plus personne", dénonce une habitante du quartier de Curundu, dans le centre de la capitale, où la misère côtoie l’insécurité.

A 500 mètres de là, la proximité du bâtiment ultra-moderne d’une chaîne de télévision, avec ses grandes paraboles, illustre les profondes inégalités dans ce pays de trois millions d’habitants en pleine croissance économique.

Dans le quartier réputé être un coupe-gorge, repère de trafiquants de drogues et de gangs armés, les habitants -essentiellement des noirs et des indiens- se demandent pourquoi la bonne santé de l’économie panaméenne ne s’est pas traduite par l’arrivée de l’eau courante, du gaz ou la mise en place d’un système d’égoûts.

Les maisons de bois sont construites sur pilotis, pour éviter les inondations pendant la saison des pluies, quand le ruisseau qui évacue péniblement les eaux usées sort de son lit.

Mara Rodriguez va voter "oui" à l’élargissement du canal, mais ce qui la préoccupe, c’est l’insécurité grandissante. "Il y a un mois, il y a eu une fusillade, un garçon de 3 ans a été tué par accident d’une balle dans la tête, ici", dit-elle en montrant du doigt une maison dont les murs sont constitués de panneau de contre-plaqué et de tôle ondulée.

Fabio Bailarin, 36 ans, fait vivre avec 250 dollars sa femme, ses huit enfants et sa belle-mère. Cet indien kuna a fui la forêt de Darien, frontalière de la Colombie, pour échapper à la violence des groupes paramilitaires impliqués dans le trafic de drogue.

"Le référendum, pour qui ve vais voter ? Aucune idée. Moi le canal, vous savez... On manque de tout ici, on travaille mais on ne s’en sort pas", confie-t-il.

Un robinet, situé sous la maison, est le seul point d’eau du foyer, ils n’ont pas de sanitaires non plus.

"Je vais voter +oui+ pour les jeunes", lance sans conviction Humberto Montano, 65 ans, qui vit de la mendicité dans le centre-ville, bien qu’il ait été amputé de la jambe droite. Assis sur les marches de l’escalier devant sa maison de bois, il attend torse nu qu’une voisine lui apporte à manger.

Son pied valide est gonflé, une vieille blessure s’est infectée. Les mouches tourbillonnent autour de sa maison, les ordures s’entassent comme dans une décharge publique. Une odeur fétide émane de l’eau bleu marine d’un caniveau à l’air libre.

Près du front de mer, dans le quartier de San Sebastian, à l’ombre des tours d’appartements de luxe en construction, Ricardo Falcon, un maçon de 33 ans, craint d’être chassé par les promoteurs immobiliers qui veulent raser des centaines de maisons pour laisser de la place à une banque, un casino, un centre commercial ou un immeuble résidentiel.

"Nous ne voulons pas vendre, c’est une guerre entre les investisseurs et nous", s’emporte Ricardo Falcon, en ce moment au chômage malgré le boom immobilier. "Ceux qui appellent à voter +oui+ sont les millionnaires qui veulent se mettre encore plus d’argent dans les poches sur notre dos, les bandits en costume-cravate qui possèdent le pays, moi je vote +non+", ajoute le jeune homme.

"Le Panama a la possibilité de sortir du sous-développement en l’espace d’une génération, mais pour cela il faut une véritable volonté politique de lutter contre la pauvreté", estime un diplomate en poste à Panama.

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