Accueil > Les Cousins > Venezuela > Noël d’incertitudes pour les Vénézuéliens plongés dans la crise
Les Vénézuéliens s’apprêtaient mardi à passer un triste Noël, plongés dans une crise politique et économique totale à l’issue incertaine, au vingt-deuxième jour d’une grève générale qui paralyse le secteur pétrolier et entraîne de sérieuses pénuries.
Répondant au mot d’ordre de "Noël combatif" lancé par l’opposition de droite au président populiste de gauche Hugo Chavez, des dizaines de milliers de personnes participaient lundi soir à Caracas à une "marche aux flambeaux" visant à exiger la démission du chef de l’Etat et l’organisation d’élections anticipées.
Carlos Ortega, le dirigeant de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), à l’origine de la grève avec la fédération patronale Fedecamaras, a appelé la population à participer le soir du réveillon de Noël, à minuit, à un "mémorable" concert de casseroles anti-Chavez à travers le pays.
Il n’y aura pas de "trêve de Noël", a-t-il dit, rejetant une suggestion en ce sens du vice-président José Vicente Rangel.
"Il faut avoir patience pour dialoguer et nous devons nous accorder un temps de trêve en cette époque de Noël", avait déclaré M. Rangel.
Carlos Ortega a par ailleurs dénoncé l’action de la Garde Nationale, qui a dispersé dans la journée une manifestation pacifique d’opposants à Maracaibo (ouest), et les "persécutions" menées par l’armée contre des travailleurs grévistes de Petroleos de Venezuela (PDVSA) afin de les contraindre à reprendre le travail.
"Le gouvernement agit de façon despotique et oblige sous la menace des armes à reprendre le travail", a-t-il affirmé.
Le gouvernement a enjoint les grévistes du secteur pétrolier, fer de lance de la grève générale, à reprendre le travail, faute de quoi ils seront sanctionnés. Hugo Chavez a également averti que toute personne interférant dans les efforts de l’armée pour assurer la reprise du travail à PDVSA sera arrêtée.
Les centres commerciaux, les salles de cinéma et de spectacles et de nombreux restaurants étaient fermés lundi à Caracas, mais la plupart des petits magasins d’alimentation fonctionnaient, parfois avec un horaire réduit, malgré la pénurie de certains produits.
Selon le président de la Chambre vénézuélienne de l’Industrie alimentaire, Rafael Alfonso, les stocks des supermarchés ont atteint "un niveau minimum" et certains magasins rationnent leurs produits, notamment en province.
Le riz et la farine manquent et d’autres produits, tels les pâtes, l’huile et l’eau minérale, pourraient disparaître des rayons dans un délai de 7 à 12 jours, a-t-il dit.
A l’approche de Noël, le président de la Conférence épiscopale vénézuélienne, Mgr Baltazar Porras, a appelé les Vénézuéliens à "la sérénité d’esprit et au respect du frère pour empêcher la haine de croître".
Nombre de Vénézuéliens estiment que ce Noël sera "l’un des plus tristes" de leur vie. Les opposants, conscients que leur lutte sera de longue haleine, se sont même résolus à faire une croix dessus, affirmant dans leurs slogans vouloir placer "La liberté en premier, Noël en janvier", après un éventuel départ du pouvoir du président Chavez.
L’historien Guillermo Moron évoquait lundi dans le quotidien El Nacional une "tragédie pour tout le pays, non seulement en raison de la pénurie d’essence et d’aliments mais aussi pour l’atmosphère au Venezuela". "Tout le monde est désespéré par la crise politique, sociale et économique actuelle", affirme-t-il.
S’appuyant sur la Constitution qu’il a lui même inspirée, Hugo Chavez, élu triomphalement fin 1998 et réélu pour six ans en juillet 2000, refuse de démissionner ou d’organiser des élections anticipées, comme le lui demande l’opposition, qui a rassemblé des centaines de milliers de manifestants lors de plusieurs marches organisées ces derniers jours à Caracas.
Le chef de l’Etat rejette ces deux alternatives, ne laissant comme seule option qu’un éventuel référendum révocatoire qui permettrait aux Vénézuéliens de décider à mi-mandat présidentiel, en août 2003, s’ils souhaitent son maintien en fonction jusqu’en 2006.
PDVSA, un géant économique au centre de la crise au Venezuela
La société publique Petroleos de Venezuela (PDVSA), paralysée par une grève générale de 22 jours suivie par la majorité de ses employés qui demandent, comme l’opposition, la démission du président Hugo Chavez, est la principale compagnie pétrolière d’Amérique latine.
Constituant la plus importante transnationale du Venezuela, loin devant les groupes privés Polar (bière, alimentation) et Cisneros (télévision, communications), elle fournit au Venezuela 80% de ses entrées en devises et contribue pour 55% au budget national, correspondant à 30% des du groupe que retounent au pays. La destination du 70 % est le principal point de friction entre l’administration Chavez et la direction du Groupe,
que avec l’opposition de droite accuse Chavez de conduire le pays à la ruine.
La valeur de la compagnie, appartenant en totalité à l’Etat vénézuélien et employant 42.000 personnes, dont un tiers de personnel administratif, est de quelque 150 milliards de dollars.
Les réserves totales de brut de PDVSA s’élèvent à 221 milliards de barils, dont 76 milliards de barils correspondant à des réserves prouvées.
Sur le total des réserves prouvées, 69% correspondent à du brut lourd, le plus abondant au Venezuela, et 31% à du pétrole léger, le plus demandé sur le marché.
PDVSA produisait avant la grève quelque 2,8 millions de barils par jour (mbj), faisant du Venezuela le 8ème producteur, le 5ème exportateur au monde et le principal fournisseur des Etats-Unis.
PDVSA, détenant également d’importantes réserves de gaz naturel, possède 24 raffineries au Venezuela, aux Etats-Unis et en Europe.
A travers ses principales filiales étrangères, elle a acquis la propriété ou une participation dans 18 raffineries situées aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suède, en Belgique et en Grande-Bretagne, représentant pour la seule PDVSA une capacité nette de production de 1,4 mbj.
Le holding vénézuélien loue, par ailleurs, la Raffinerie Isla S.A., dans l’île caraïbe néerlandaise de Curazao, voisine du Venezuela, produisant 335.000 millions de barils jour.
Lors de la nationalisation de l’industrie pétrolière au Venezuela, en 1976, PDVSA a créé une filiale divisée en 13 branches, par la suite regroupées en trois sociétés : Lagoven, Corpoven et Maraven.
Au fur et à mesure de sa croissance, elle a cependant créé une trentaine de nouvelles entreprises, au Venezuela et à l’étranger.
Bitor produit à partir du charbon un combustible de substitution, l’orimulsion,
Citgo opère des raffineries et fournit 12.000 stations service aux Etats-Unis,
Intevep se consacre à la recherche. Il existe même une filiale,
Biserca, qui dirige un centre artistique à l’est de Caracas.
CARACAS, le 24-12-2002