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9 février 2007

Néo-libéralisme sans fin
Les Argentins rejettent les pressions d’un fond d’investissement exercées par l’intermédiaire de l’ambassade des Etats-Unis.

par Raúl Dellatorre

 

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Le fond d’investissement étasunien Eton Park cherche à entrer dans le capital de Transener, mais il mis en cause à cause de ses antécédents, comme le révèle Página 12 du 12 juillet 2006. L’ambassade des Etats-Unis est intervenue en sa faveur.

Le Président de l’Argentine a rejeté hier les pressions que l’ambassade des Etats-Unis a essayé d’exercer pour appuyer l’entrée du fonds d’investissement Eton Park dans le capital de la société de distribution d’électricité Transener. "Ils ne vont pas nous obliger à nous dépêcher de prendre une décision", a répondu Néstor Kirchner, en faisant référence à la décision que doivent adopter l’ENRE et la Défense de la Concurrence à propos de la validité de l’opération entre Eton Park et Petrobras, l’entreprise qui va céder ses actifs. "L’Argentine décide seule, personne n’est à même de nous mettre en demeure de nous dépêcher, encore moins ces fonds d’investissement sur lesquels, bien souvent, personne ne sait rien, ni comment ils fonctionnent, ni à qui ils appartiennent, ni qui est derrière", a insisté Kirchner. Les activités passées de ce fonds d’investissement sont examinées à la loupe depuis le milieu de 2006, comme notre journal l’a rapporté le 12 juillet 2006.

La version concernant la lettre que l’ambassadeur Earl Wayne aurait adressée au Ministre de la Planification Fédérale et dans laquelle il exprimait sa préoccupation au sujet d’une soi disant intervention pour s’opposer à l’entrée d’Eton Park dans Transener, a été publiée hier par le journal argentin Clarin (Voir : Nuevas inversiones del fondo Eton Park) . Kirchner a aussi critiqué le fait que ce média fasse le lien entre cette protestation diplomatique et le scandale Swift, l’affaire de la révélation d’une demande de dessous de table adressée à la compagnie frigorifique Swift, en 1991, de la part soit disant, d’Emir Yoma, qui était alors le conseiller du Président Carlos Menem. La relation entre les deux situations réside dans le fait que cette affaire-là fut réglée, en 1991, par l’intervention et la protestation de l’ambassadeur des Etats-Unis, Terence Todman, qui avait pris la défense de l’entreprise étasunienne.

"Ils ne vont pas nous obliger à nous presser (...) en ressortant (avec la réclamation en faveur de Transener) l’honteux scandale de l’affaire Swift, pour essayer de nous forcer à donner (le feu vert) à ce fonds d’investissement, oui ou oui, pour éviter que ne se reproduise la même chose (...). Il n’est pas question de les laisser nous salir en nous mêlant à ces canailles du passé qui ont eu une conduite qui nous fait honte, à nous, les Argentins", a répliqué Kirchner dans un discours politique très tendu, hier, au cours d’une réunion qu’il présidait dans le Salon Sud de la présidence.

L’opération qui est au centre du conflit c’est la vente des actions de Transener qui appartiennent encore à Petrobras. La société brésilienne (à capital majoritaire étasunien) avait acquis, en 2003, tous les actifs énergétiques du groupe Pérez Companc, mais le gouvernement d’Eduardo Duhalde avait exigé qu’elle cède une partie de ses actions pour éviter de se retrouver en position de monopole. Petrobras avait accepté et, en 2004, avait entamé les négociations avec Eton Park. Vers le milieu de 2006, Petrobras annonça qu’elle était parvenue à un accord pour transférer à Eton Park les parts (50 %) qu’elle détenait dans la société majoritaire, Citelec SA (52.65 % de Transener ; les actions restantes étant à la Bourse du Commerce et réparties entre ses salariés). Ce paquet d’actions serait échangé contre 54 millions de dollars.

Une autre entreprise intéressée, Electroingeniería Cordobesa, est opposée à l’entrée du fond étasunien et a mis en route un processus de recherche sur ses antécédents. Eton Park a été créé par Eric Mindich en 2004 après avoir quitté son poste de cadre chez Goldman Sachs et son principal représentant en Argentine est Dirk Donath. Établi dans notre pays depuis plus de douze ans, il a fondé la chaîne Farmacity et il est l’ancien PDG du fond d’investissement Pegasus. Il est le propriétaire d’autres entreprises en Argentine comme Musimundo, Freddo y Aroma, et il possède encore aujourd’hui des parts dans les deux sociétés.

Les deux remuants hauts cadres sont responsables de la surprenante croissance d’Eton qui, au cours de sa brève existence, et jusqu’à la date de juin 2006, avait accumulé, dans le monde entier, des actifs pour une valeur de 5,3 milliards de dollars. Donath est chargé des marchés émergents, mais Mindich est le responsable de la conclusion des opérations dans les centres financiers du pouvoir mondial. Sûrement que l’un et l’autre ont dû faire leur part de travail, en mai 2005, pour qu’Eton acquière les actifs de Prisma Energy, "héritière" d’Enron, le géant étasunien en faillite spectaculaire suite à une scandaleuse et gigantesque escroquerie.

C’est ainsi qu’Eton Park est entré dans le capital de centrales électriques au Guatemala, au Nicaragua, au Panama, en République Dominicaine et au Brésil, dans celui de deux gazoducs internationaux (Bolivie-Brésil et Venezuela-Colombie), de réseaux de distribution du gaz au Brésil, de transport d’électricité en Bolivie et dans des usines de liquéfaction de gaz au Venezuela. Associé a deux hedge funds (fonds spéculatifs à très haut risque), Ashmore Investment et D. E. Shaw, il est devenu détenteur de la totalité des actions de Prisma Energy et il est devenu ainsi le successeur d’Enron dans cette partie du monde. Nombreux sont ceux qui soupçonnent que derrière Eton Park (dont les actionnaires sont inconnus), on puisse trouver les précédents propriétaires d’Enron.

"Nous pourrions écrire l’histoire de ce fond, qui l’a crée ; le capital qu’il détient ; les liens directs entre ce fond et celui censé l’avoir créé ; 3200 euros ; …. Nous pourrions dire un tas de choses, mais nous allons laisser tout cela aux organismes techniques compétents ", a déclaré hier Néstor Kirchner dans son discours à la Casa Rosada (Siège de la Présidence Nationale). (Voir Clarin : Kirchner, sobre el freno a la venta de Transener : "Tomaremos una decisión con la soberanía que corresponde")

L’analyse de la vente a été faite à deux niveaux séparés. D’une part, la Commission de Défense de la Concurrence est compétente en ce qui concerne l’obligation faite à Petrobras de vendre une partie de ses actions. D’autre part, l’organisme de régulation électrique (ENRE) intervient parce que se trouve au milieu de tout cela, l’administration du réseau central de transmission de la haute tension. Selon certaines sources, l’ENRE ferait connaître, dans les prochaines heures, sa décision de refuser la vente de 50% de Citelec (actionnaire majoritaire de Transener) à Eton, à cause des antécédents dans le secteur et l’incompatibilité entre les buts recherchés par un fond d’investissement (qui vise le court terme) et les nécessités propres à un secteur lié à l’infrastructure. Cela expliquerait l’intervention de l’ambassade des Etats-Unis.

La compagnie Electroingenieria a déjà fait une offre qui égale celle présentée par Eton Park pour acquérir les actions détenues par Petrobras. À cet effet, elle s’est présentée associée à Enarsa, l’entreprise énergétique publique. Petrobras s’est engagé à considérer cette offre dès que les organismes compétents se seront prononcés. Hier, le Président a donné un signal clair que telle doit être la voie à suivre.

Mondino demande davantage de contrôle

Le Défenseur du Peuple de la Nation, Eduardo Mondino, a déclaré qu’il fallait "analyser attentivement l’acceptation des fonds d’investissement dans des secteurs stratégiques pour le pays, comme le secteur de l’énergie". Le fonctionnaire s’est dit d’accord avec le Président Nestor Kirchner dans le cas de la vente de Transener, l’entreprise qui gère le réseau central du transport électrique du pays. Le médiateur national a souligné combien il était important de connaître "avec une transparence totale l’origine de ces fonds" et il a rappelé la conduite qu’ont eue ces fonds d’investissement au cours de la dernière décennie.

« En analysant les expériences des années 90, nous voyons comment les fonds d’investissement qui détenaient la majorité du capital de la société privatisée YPF, aussitôt que se produisit, en 1994, l’effet Tequila (l’effondrement du système financier au Mexique), ont décidé de se retirer de l’entreprise et ils ont paralysé, de ce fait, les 178 puits de prospection pétrolière", a rappelé Mondino. « Et c’est ainsi, très clairement, qu’une entreprise engagée et compétente dans le négoce des hydrocarbures a fini par prendre des décisions purement financières », a-t-il ajouté. Mondino a poursuivi en affirmant qu’actuellement « le pays paye très cher cette décision-là et il faudra apprécier les résultats réels dans 10 ans ».

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Manuel Colinas.

Página 12 . Buenos Aires, le 9 février 2007

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